LE BAL DES MENTEURS PAR OMISSION
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Plus les semaines passent et plus les arguments des socialistes qui défendent le oui au futur référendum constitutionnel européen font peine à lire. Nous avons gardé un respect certain pour Martine Aubry, la « dame des 35 heures », nous avons de l’amitié pour Jean Le Garrec, parlementaire courageux, héraut naguère de l’autogestion. Ils signent avec Michel Wieworka, sociologue médiatique, un texte dans Le Monde pour dénoncer le « mythe dangereux de la crise salutaire ». On sait que l’argument de la « crise salutaire » est parfois développé par certains partisans du non au sein du PS. Il prennent d’ailleurs en général la précaution de préciser que le rejet de la constitution n’ouvrirait pas de crise institutionnelle, puisque l’Europe fonctionne - mal - sans constitution (et qu’elle fonctionnerait encore plus mal avec la constitution).
Premier travers, donc, dès le titre : ce n’est pas une crise qu’un non susciterait, mais un sursaut. Nuance. Voter non, dit d’abord notre trio, c’est affaiblir l’Europe face aux Etats-Unis, notamment par rapport aux grands conflits mondiaux. Quant on sait, ce que le trio ne dit pas, mensonge par omission, que le traité prévoit une politique de défense compatible avec celle de l’OTAN, donc des Etats-Unis, on mesure l’ « affaiblissement ».
Quand nos auteurs affirment que le projet de traité est porteur de « promesses d’un peu plus de justice », ils se gardent bien de se référer aux dispositions mêmes du traité. Ils ont raison, d’ailleurs, car ils ne trouveraient rien d’autre que des banalités pour étayer leur engouement. Vient ensuite la vieille technique de l’amalgame. Ce n’est pas bien Martine, c’est très mal, Jeannot, de tomber si bas : voter non, ce serait voter comme les extrêmes, gauche et droite (hé, les copains, au passage, il y a une différence, quand même, non ?). « La perspective d’un succès du non est aussi celle de la fusion des pensées réactionnaires », osent-ils écrire. Pour éviter le débat, rien de tel que de disqualifier l’adversaire. Comme si nous disions que voter oui est un brevet de socialisme pour Chirac, Raffarin, Sarkozy ou Madelin. « Il n’existe pas de projet politique à la taille de l’Europe qui puisse se construire sans la mobilisation de forces politiques et syndicales sur des objectifs précis », poursuivent-ils. Certes. « Or, ces acteurs se sont tous engagés : ils se préparent à en appeler au oui ». Là, ce n’est plus du mensonge par omission, mais du mensonge tout court, ou alors, ce que ne nous ne croyons guère, une colossale ignorance des débats en cours dans les organisations syndicales européennes ajoutée à un profond mépris pour les partisans, à gauche, du non, traités comme quantité négligeable puisque « toutes » les forces politiques seraient pour le oui. Si tel était le cas, on se demande bien pourquoi les Aubry , Le Garrec, Wieworka et consorts se démènent tant pour défendre un projet qui selon eux serait déjà emballé et pesé.
Ils terminent leur triste poulet avec cet argument massue : « ce n’est pas un non à la ratification qui garantira des avancées sociales dans notre pays ! » (le point d’exclamation est dans le texte). Dernier mensonge par omission. L’omission, c’est qu’un oui ne les garantirait pas davantage.
Une demi page du Monde sans aucune référence précise au traité, sans aucun exemple concret de ses bienfaits et il faudrait voter oui ? N’est-ce pas traiter les citoyens en enfants ? Faites-nous confiance, nous savons ce qui est bien pour vous, votez oui et dormez bien. C’est le discours classique de la droite classique. Allons Martine, allons Jeannot, ressaisissez-vous, vous valez mieux que ça, que diable !
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