COMMENT APPORTER DES SOLS POUR SATISFAIRE LES BESOINS DE LOGEMENTS
par
popularité : 44%
Chacun sait et répète que l’un des verrous à la production de logements accessibles aux plus nombreux des Français tient à l’insuffisance de l’offre de terrains. À côté de quelques bonnes techniques qui sont utilisées (essentiellement les réserves foncières et la mise en utilisation de sols publics préexistants), ce ne sont évidemment pas les petites recettes libérales pour fluidifier le marché en faisant payer moins d’impôt aux réalisateurs de plus values qui vont régler le problème.
Pour traiter celui-ci, il y a plus d’un demi-siècle, une importante occasion manquée a été le non établissement en 1967 lors de la loi foncière d’une « taxe sur les constructibilités ». L’idée (travaillée par l’explorateur Pisani et refusée par le sceptique Pompidou) était à l’image de ce qui se faisait dans de nombreuses conurbations américaines, ainsi soutenues dans leur gestion foncière et en permanente transformation) de remplacer des impositions foncières calculée sur la valeur de ce qui est (ou non) construit par une taxation prenant en compte (au bénéfice des communes et de leurs groupements pour l’urbanisme) ce qui serait constructible, en vertu du droit des sols traduisant des potentialités résultant des équipements publics et exprimé dans des documents d’urbanisme (les densités autorisées selon les parcelles, les COS) .
Les effets positifs eussent été multiples : suppression des pluies de plus values foncières indues résultant des équipements publics d’infrastructure, alimentation de l’offre foncière par mise en vente des terrains constructibles qui auraient coûté trop cher à leurs propriétaires si ceux-ci ne rentabilisaient pas leurs parcelles à proportion de leur facultés de constructions, ces facultés affichées devenant bases de l’impôt, financement, grâce aux ressources résultant de cette taxe, de parties des équipements publics de superstructures nécessaires induits par l’urbanisation et, en conséquence, plus équitable répartition des charges entre nouveaux et anciens habitants, enfin mise en cohérence des choix locaux d’urbanisme et des moyens de les conduire.
Mais ce volontarisme allait à l’encontre d’une marqueterie d’intérêts particuliers unissant contre une telle hypothèse des catégories de populations très différentes allant des petits propriétaires péri urbains bénéficiant des effets d’aubaines de retrouver leurs parcelles constructibles sans avoir rien à payer, ni nécessairement à faire, aux professionnels de la spéculation à la recherche d’obtention des constructibilités au coup par coup, parfois achetées par des participations imposées des aménageurs/constructeurs aux équipements dans le cadre des ZAC aux équilibres négociés au cas par cas et aboutissant toujours à faire, d’une manière ou d’une autre (par prix de vente, loyers, taxes locales) payer aux nouveaux arrivants une bonne part (et via l’impôt local, même en logement social) du coût marginal de l’urbanisation. La soif de bénéfices fonciers, une distribution anarchique du pouvoir urbanistique, la fréquente fanatique volonté d’expansion démographique de bien des élus ont ensemble permis que, faute de cette taxe sur les constructibilités, continuent à régner la loterie de répartition des coûts et des profits de l’extension et de la densification de l’habitat, et cette insuffisance chronique de l’offre foncière qui est la faiblesse fondamentale d’une possibilité de politique du logement.
J’ai vécu cela des années 66 aux années 80, du cabinet de l’Équipement/logement (dont j’étais un membre officieux) à la gestion (comme membre du corps préfectoral) de l’expansion de la grande couronne parisienne (en ayant été successivement sous-préfet de Palaiseau, puis directeur de cabinet de l’Ile de France), et j’ai dû traiter bien des affaires au cas par cas sans toujours trouver des appuis dans l’administration réputée compétente.
J’ai même essayé d’en tirer et d’en donner leçon : mon cours de finances locales donné à l’IEP de Paris deux années de ces périodes a précisément analysé la fiscalité de l’urbanisation méconnaissant que la valeur d’un terrain étant celle de ce que l’on peut construire dessus devait donc prendre cette potentialité en compte et, en même temps, que certains architectes et urbanistes du temps, j’ai repris dans ces cours, les préconisations de réforme. Jamais elles ne se sont retrouvées prises en compte, ni même ré-évoquées : enterrées bien évidemment par les conservateurs, mais tout autant par les réformistes (sociaux démocrates) en manque chronique... d’imagination et toujours paralysés par la peur des contestations émanant des pourvus à l’égard de ce qui serait justice par l’innovation.
Le blog de Gérard Belorgey : http://www.ecritures-et-societe.com
Commentaires