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Edito : IRAK : LA GUERRE N’EST PAS SEULEMENT ECONOMIQUE ET MILITAIRE, MAIS CULTURELLE AUSSI Par Jean-Luc Gonneau La messe a été dite, et sur tous les tons possibles. Elle est joliment résumée par Arno J. Maier, professeur à Princeton : si l’économie de l’Irak dépendait des tulipes d’exportation, les turpitudes de Saddam Hussein et même sa politique d’armement n’intéresseraient pas grand monde. Dans la guerre qui menace, le pétrole est sans aucun doute sur-déterminant. Le militaire est sur-conditionnant : la disproportion des forces ne laisse pas de doute sur l’issue militaire du conflit, quand bien même, lors d’un exercice de simulation où il jouait le rôle de Saddam Hussein, un général en retraite avait mis, provisoirement, en déroute les stratèges de l’US Army, notamment en faisant passer les communications par les minarets au lieu d’internet. Mais l’actuelle administration américaine, soutenue par une partie non négligeable de son opinion publique, fait aussi de cette guerre une croisade civilisationnelle et culturelle, dont la notion d’axe du mal est le fer de lance. Face à l’intégrisme islamique, dangereux comme tous les intégrismes, G.W. Bush officialise, en quelque sorte, un intégrisme chrétien, qui ne vaut guère mieux, tant sur le fond (quiconque n’est pas avec nous est contre nous) que sur la forme, le recours à la violence « conventionnelle » de la guerre étant a priori plus destructeur encore que les actes de terrorisme. Cette guerre annoncée est aussi un emblème de la mondialisation « libérale », même si c’est moins dit : là aussi, ceux qui sont contre le libéralisme sont contre nous. Certes, des libéraux, dont J. Chirac, s’opposent à la guerre, sans doute en raison d’intérêts géopolitiques propres, voire de préoccupations internes (le « non » à Washington permet aussi de faire passer une réforme électorale et des démantèlements sociaux en France, de tenter de conforter une base électorale défaillante en Allemagne). Mais l’allégeance de la majorité des gouvernements européens aux Etats-Unis est bien une allégeance idéologique où la défense de la démocratie et des droits de l’homme sont des feuilles de vigne commodes pour couvrir le dard libéral :
comme le remarque le décidément bienvenu Arno J. Maier, le libéralisme n’est pas mentionné dans la déclaration des « 8 » pays qui copinent avec G. W Bush, alors qu’il est probablement la raison première du copinage.
Dans ce numéro, des tribunes de G. Galice, P. Trannoy et M. Cabirol, la suite de notre entretien avec R. Rodrigues da Silva et un point de vue de J.R. Simon,l’appel du Collectif Boycott Made in USA et nos rubriques habituelles et même un petit poème qui nous vient de Suisse. Bonnes lectures !
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