La Gauche Cactus
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frSPIP - www.spip.net (Sarka-SPIP)FrançAfrique & FrançOutremer : Une communauté de destin ?
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http://la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article29142023-10-30T23:57:00Ztext/htmlfrMireille Jean-Gilles<p>Mireille Jean-Gilles, essayiste antillaise met en lumière les similitudes des politiques françaises vis-à-vis de ses territoires ultramarins, pourtant parties intégrantes de la République « une et indivisible » d'une part, et de ses anciennes colonies, d'autre part. Le passé, le présent, présagent-ils d'un même avenir ?</p>
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<a href="http://la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique22" rel="directory">Politique</a>
<div class='rss_texte'><p><strong>Sein flétri la Mère-Patrie cherchant 'trapper pitance'
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<p>Pendant des décennies, dans les discours officiels, l'échec économique de la départementalisation des Antilles, de la Guyane et de la Réunion était attribué à une trop forte croissance démographique, au point que les allocations familiales y ont été réduites afin de financer le planning familial. Idem pour les pays d'Afrique noire aujourd'hui, en particulier le Niger (7 enfants par femme) : « Des pays ont encore sept à huit enfants par femme. Vous pouvez décider d'y dépenser des milliards d'euros, vous ne stabiliserez rien ». Cette déclaration d'Emmanuel Macron en 2017, évoquant également l'origine "civilisationnelle" de la pauvreté en Afrique, avait provoqué un tollé. Le mot « racisme » a même été lâché. Dans les DOM, ce discours a perduré jusqu'à ce que les Antilles n'enclenchent une trajectoire de déclin démographique à partir des années 2000.</p> <p>Aujourd'hui, s'agissant des difficultés de ces territoires, la cause évoquée par l'Etat français serait la "mauvaise gestion locale". Dans les deux cas cités, les difficultés des DOM seraient toujours "locales"(idem pour l'Afrique noire). Les DOM paient le prix fort de préjugés officiels qui ne sont rien d'autre que le recyclage de stéréotypes de race qui les rendent seuls responsables de la situation dégradée de leurs territoires. Par conséquent, cela justifie aujourd'hui que l'Etat français reprenne en main la gestion locale, d'une part, par le biais d' "experts" de l'AFD, pour pallier "la faiblesse de l'ingénierie locale", et d'autre part, en s'appropriant les recettes de l'Octroi de mer des collectivités locales, dans le cadre du CIOM(1) au motif de la "vie chère", en même temps qu'il répand un discours "enjôleur" et "lénifiant" sur l'"Autonomie".</p> <p><strong>Un racisme institutionnel </strong></p> <p>Ce n'est pas la duplicité, ni un regain du colonialisme de la Mère-patrie, tant à l'égard de ses outremer que de la FrançAfrique, qu'il s'agit de pointer du doigt, comme il est de coutume, mais bien le fondement de sa politique coloniale, à savoir un racisme institutionnel qui a conduit, à l'orée des Temps modernes, au génocide des Indiens caraïbes aux Antilles, à l'esclavage des Noirs déportés d'Afrique(2), puis, plus récemment, à l'"Assimilation", c'est-à-dire à la "réduction en pâtée" des quatre vieilles colonies, auxquelles s'adjoint dorénavant Mayotte.</p> <p>De nos jours, face à un racisme d'Etat, désormais décomplexé qui irrigue toute la société française (ou vice-versa, comme l'illustre l'actualité récente) l'on constate que les Antillais-Guyanais sont de plus en plus nombreux, jeunes ou moins jeunes, à se tourner vers les racines ancestrales de l'Afrique, cherchant, à la manière de Césaire à son époque, une communauté de destin avec la Terre-Mère, au point, pour certains, de renier l'héritage créole, terme assimilé dès lors aux descendants des premiers colons. Aujourd'hui, il ne s'agit pas d'alimenter la querelle entre "créolistes" et "africanistes" dont se repait l'Internet (et se réjouit le colonisateur) mais, à l'occasion des évènements qui ont cours au Niger, il importe de relever que par son action tant en FrançAfrique qu'en FrançOutremer (c'est à dire dans les derniers joyaux de l'Empire), le colonisateur français, "aux abois" derrière sa suffisance, rappelle qu'il entend disposer comme bon lui semble de ses anciennes colonies (et de leurs ressources), toutes, à un degré ou à un autre, partageant le même destin, empreint d'humiliations, de misères et d'exodes.</p> <p><strong>Humiliations, misères et exodes</strong></p> <p>Entre autres humiliations, le sort réservé aux DOM au sein de la République française, au travers des finances locales, où, considérés comme des territoires de seconde zone, ils en sont réduits à se battre, y compris entre eux, pour des miettes. Et, au prétexte que la politique de rattrapage menée depuis la départementalisation a été un échec, l'Etat français s'attelle à démanteler, non sans une certaine jubilation, tous les dispositifs destinés à compenser les handicaps irréductibles des DOM. La Cour des Comptes a évalué à 6 Milliards d'euros les économies fiscales que pourrait réaliser l'Etat en outre-mer, sans compter l'emblématique prime de vie chère (1 milliard d'euros). En plus des économies de droit commun affectant en France les catégories sociales les plus vulnérables, ces économies ciblées sur les populations et entreprises des DOM ne peuvent que livrer ces territoires au chaos, comme on le voit déjà aux Antilles.</p> <p>En réalité, depuis que Bercy est aux commandes, loin de la success-story de la start-up nation, vantée par les médias, les comptes de la France s'effondrent, son déficit public menace la stabilité de la zone Euro(3), et Bruxelles attend d'ici à la fin de l'année un plan d'économies drastique, sinon l'Etat français devra notamment rembourser les 50 milliards d'euros qui lui ont été octroyés pour son plan de relance post-covid. "Droit dans ses bottes", Bercy, ne compte pas pour autant changer sa politique d'allègements fiscaux et de compétitivité économique aussi somptuaire (plus de 80 milliard d'euros de recettes fiscales perdues par an par rapport à 2014) qu'inefficace(4) et continue de creuser inexorablement le déficit public, comme en 2023, avec la suppression de la CVAE((5) pour 10 milliards d'euros et celle de la redevance audiovisuelle pour 4 milliards d'euros.</p> <p>Et pour faire face à ces dépenses nouvelles, les économies, pompeusement rebaptisées "réformes", sont à rechercher ailleurs, en particulier dans le champ social (retraite, assurance chômage, APL, RSA...) ou encore chez les ex-colonisés, supposés crouler sous les "avantages" et "dilapider" les fonds publics. Les populations d'outremer subissent par ailleurs une violente colonisation de peuplement, minutieusement organisée par l'Etat français, dans tous les domaines, d'une ampleur telle que c'est leur existence même en tant que peuples qui à terme est menacée. Une colonisation de peuplement fidèle à la lettre de Messmer de 1972(6).</p> <p><strong>Une crise de la "démocratie"</strong></p> <p>D'où un rejet massif de cette violence institutionnelle, manifesté au cours des dernières élections présidentielles françaises dont les résultats traduisent plus une exaspération qu'une quelconque aspiration au "fascisme", que d'aucuns exhibent comme épouvantail pour masquer le "pire" qui est déjà en œuvre dans les "outremer" français. En effet, si, aujourd'hui, des conventions internationales protègent la moindre espèce de reptile susceptible de disparition, s'agissant de l'Humain, des peuples entiers riches d'une culture originale, peuvent être sciemment éradiqués en quelques décennies par un Etat viscéralement colonial, dans la plus grande indifférence, au nom de la sacro-sainte "démocratie".</p> <p>Sans nul doute que si les Français de souche subissaient une violence multiforme d'une telle intensité de la part de leur Etat, auraient-ils, compte tenu de leur disposition naturelle vis à vis de l'Etranger, dépassé les "ultramarins" dans cette prétendue aspiration au "fascisme". Pour combattre ledit "fascisme", si tant est, il importerait de combattre ses racines, et non pas ses fruits, hypocritement, jugés "nauséabonds" mais dont s'accommode fort bien en général la classe politique française dans ses jeux de pouvoir ou pour son dessein colonial, raciste par essence, duquel dépend sa volonté de puissance.</p> <p>Quoi qu'il en soit, les finances publiques s'avèrent une arme redoutable de l'Etat français pour appauvrir les DOM et les vider de leurs populations natives, pendant que parallèlement les "Métropolitains" sont encouragés à venir s'y installer en masse(7). A cet égard, ne pas s'intéresser aux questions financières majeures, comme il est de coutume, revient pour les "politiques" d'outremer, même adoptant les postures les plus "radicales", à délibérément renoncer à affronter l'Etat français sur ce terrain de bataille capital, et de laisser les intérêts de la France supplanter ceux de leur peuple qu'ils sont supposés défendre.</p> <p>Par ailleurs, on l'aura noté, dans la frénésie d'évolution statutaire qui s'empare des DOM, et que l'Etat français encourage pour faire diversion (c'est le maître-mot), les élus "ultramarins" se gardent bien de préserver l'essentiel que pourrait garantir une autonomie dans le cadre de l'article 74, à savoir une autonomie fiscale et la possibilité de réglementer l'accès à l'emploi et au foncier, pour s'aventurer vers des statuts à la carte (sui generis), à l'image de la Nouvelle Calédonie : comme s'ils pouvaient imposer à la France le même rapport de force que les Kanaks au moment des accords de Nouméa !</p> <p>Mais, la démocratie "représentative" est en panne dans les DOM comme partout ailleurs, à l'image de la civilisation occidentale dont elle est l'emblème. Il ne peut par conséquent être confié à cette représentation (ce théâtre) et à ses avatars l'avenir des peuples, en un mot de l'Humanité. D'où l'importance de réfléchir à d'autres formes d'organisation (y compris puisées dans nos cultures, laminées par le projet mortifère de l'Occident) qui passent aussi sans doute par une révision de nos modes de vie.</p> <p>"La civilisation est au fond de l'impasse où l'a menée son postulat : la fabrication d'une société artificielle, technicienne, en rupture avec la nature, en l'exploitant et en la dévastant. Elle ne peut plus reculer ni avancer. Elle ne peut que rafistoler pour chercher à « durer »"(8) Pour l'heure, avec la prise de l'Octroi de mer qui va appauvrir les collectivités locales, ouvrir un marché captif de 2 millions d'habitants aux entreprises françaises et donner des gages à la Commission européenne s'agissant de la réduction du déficit de l'Etat français, ce dernier entreprend une étape décisive dans le décrochage des DOM au sein de la République française (la double peine !) jusqu'à leur dilution totale pour garantir que ces territoires resteront dans le giron français.</p> <p><i>1.Comité interministériel de l'outremer du 18 juillet 2018, où le gouvernement a annoncé 72 mesures destinées aux "outremer", avec priorité donnée à la lutte contre la "Vie chère".
2.Ce qui donne lieu, chaque 10 Mai, à une cérémonie, autour de petits fours, dans les Jardins du Luxembourg, pour célébrer la Loi reconnaissant l'esclavage comme crime contre l'Humanité (vidée de son volet financier...).
3."Avec ce terme « Assimilation », s'ouvrait, s'expérimentait le filet le plus large à la fois et le plus raffiné et cruel que l'Occident ait jamais déployé dans son entreprise globale de perversion de l'humain", Monchoachi, Retour à la parole sauvage. Editions Lundi-matin, 2023.
4.La France se retrouve au bord du précipice : en 2022 son déficit représentant plus de 6.5% de son PIB est le plus élevé des 8 principaux pays européens. La situation de la France est la plus dégradée juste avant l'Espagne. En conséquence, selon la Cour des comptes la France risque un décrochage et son déficit budgétaire menace la stabilité de la zone euro. (Elle doit établir un programme d'économies pour revenir à un déficit inférieur à 3% de son PIB) .
5.A l'image du CICE (Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi) qui lui coûte 26 milliards d'euros par an jugés inefficaces par les propres organes d'évaluation de Matignon.
6.Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises
7."À long terme, la revendication nationaliste autochtone ne sera évitée que si les communautés non originaires du Pacifique représentent une masse démographique majoritaire. Il va de soi qu'on n'obtiendra aucun effet démographique à long terme sans immigration systématique de femmes et d'enfants. (...). Sans qu'il soit besoin de textes, l'administration peut y veiller". Consignes du Premier ministre au ministre de l'outremer en vue de la colonisation par le peuplement de la Nouvelle Calédonie. Dans le secteur privé, les ultramarins sont encore plus discriminés chez eux qu'en France (!), selon une étude de SOS racisme en 2021. On assiste par ailleurs à une "métropolisation" accélérée de la fonction publique d'Etat, parallèlement de nombreux lauréats Antillais des concours de l'Education nationale sont exfiltrés contre leur gré vers la France. Les collectivités locales sont quant à elles invitées à limiter les embauches et à puiser dans le vivier d' experts de l'AFD pour pallier la "faiblesse de l'ingénierie locale".
8..Monchoachi, Op. cit.</i></p></div>
Manifestations : la police peut-elle sortir de la confrontation permanente ?
http://la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2912
http://la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article29122023-10-29T23:39:00Ztext/htmlfr Jacques de Maillard<p>Dans cet article paru dans The Conversation France, Jacques de Maillard, professeur à l'Université Paris-Saclay, décrit l'évolution des pratiques policières et en fait une critique sans concessions.</p>
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<a href="http://la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique68" rel="directory">Libertés</a>
<div class='rss_texte'><p>Depuis janvier 2023 et les premières mobilisations contre la réforme des retraites, au 1er mai 2023, l'actualité s'est fait régulièrement l'écho d'actions musclées et des confrontations qui ont caractérisé le rapport entre forces du maintien de l'ordre et manifestants. Une situation déjà observée dans les années 2010, notamment à l'occasion du mouvement des Gilets jaunes. Construits à partir d'entretiens réalisés avec des policiers, des gendarmes ou des membres du corps préfectoral, du recueil de documentation interne à la police et à la gendarmerie et de mises en perspective internationales, différents travaux de spécialistes ont montré ce tournant. Ainsi, la « gestion patrimonialiste des conflits sociaux », fondée sur la négociation avec les organisations syndicales et une certaine tolérance vis-à-vis des troubles causés par les manifestants, a laissé la place à un modèle de maintien de l'ordre beaucoup plus dur, dont l'objectif semble être d'empêcher les manifestations, plutôt que de faciliter leur déroulement. Ces opérations de maintien de l'ordre sont en effet caractérisées depuis quelques années, par une certaine « brutalisation » et un durcissement dont témoigne aussi l'usage croissant d'outils judiciaires et administratifs contre les manifestants.</p> <p><strong>Un changement de doctrine qui a fait long feu</strong></p> <p>Pourtant, lorsque la mobilisation contre la réforme des retraites a débuté, en janvier, les difficultés relatives aux opérations de maintien de l'ordre semblaient être de l'histoire ancienne. Depuis le remplacement de Didier Lallement par Laurent Nunez au poste de préfet de police, une approche différente de l'encadrement des cortèges parisiens prévalait. Les policiers et les gendarmes n'encadraient plus les manifestants au plus près, mais se situaient au contraire à bonne distance de ceux-ci, dans des rues adjacentes. Et les syndicats et leur service d'ordre avaient repris la main sur l'organisation des manifestations, en bonne intelligence avec les préfets et les forces de l'ordre.</p> <p>Mais ce récit de l'« adoucissement » ne résiste guère à l'analyse et occulte certains excès policiers à l'encontre de manifestants. Un journaliste indépendant a ainsi dû être amputé d'un testicule suite au coup de matraque porté par un policier lors de la manifestation du 19 janvier, à Paris. De plus, l'apparent changement de doctrine consécutif à la nomination de Laurent Nunez n'a pas empêché plusieurs dizaines de personnes visiblement pacifiques de subir des matraquages injustifiés lors de charges policières (le 19 janvier, le 31 janvier et le 11 février).</p> <p>Surtout, à partir du 16 mars et du recours par le gouvernement à l'article 49 alinéa 3 de la Constitution, les journalistes et les observateurs ont largement documenté les violences physiques exercées par les forces de l'ordre à l'encontre des manifestants, ainsi que les arrestations arbitraires, voire les humiliations subies par ces derniers lors des manifestations nocturnes (non-déclarées par les syndicats) consécutives à l'annonce du recours au 49.3.</p> <p><strong>Des unités policières et des dispositifs judiciaires qui interrogent</strong></p> <p>Les critiques se sont notamment focalisées sur les agissements de la BRAV-M, une unité créée en 2019 pour réprimer les cortèges mobiles et sauvages des Gilets jaunes. Mais d'autres images attestent également de violences commises par des policiers membres de CRS ou de Compagnies d'Intervention (CI). Au total, depuis le début de la mobilisation, l'IGPN a été saisie de 53 enquêtes judiciaires, principalement pour Paris (chiffres au 1er mai), tandis que la Défenseure des droits a été saisie 115 fois (chiffres du 17 avril) pour des violences policières supposées. Concernant les arrestations arbitraires, si elles peuvent être décrites comme telles, c'est en raison du faible nombre d'interpellations qui aboutissent, en bout de chaîne, à des déferrements. Ainsi, au cours de la soirée du 16 mars, 292 personnes ont été placées en garde-à-vue mais seulement neuf d'entre elles ont été déférées avec des sanctions très faibles. Le lendemain, 64 personnes ont été placées en garde-à-vue et six d'entre elles ont été déférées. Cela renforce l'idée d'un détournement de la garde-à-vue, qui n'est plus utilisée pour mettre un suspect à disposition d'un officier de police judiciaire (OPJ), mais simplement pour punir un individu d'avoir participé à une manifestation ou « pour vider les rues ».</p> <p><strong>Un basculement répressif</strong></p> <p>Comment peut-on expliquer ce basculement répressif à partir de la mi-mars ? Les forces de l'ordre, soutenues par le gouvernement et les syndicats policiers, avancent trois types d'arguments, déjà utilisés au plus fort du mouvement des Gilets jaunes, en décembre 2018. Le premier a trait au caractère émeutier des manifestations les plus récentes, rendant les moyens habituellement employés pour encadrer les manifestations intersyndicales insuffisants pour rétablir l'ordre. Le deuxième argument pointe la fatigue et la lassitude des forces de l'ordre à cause de la répétition des manifestations et de la surcharge de travail, ce qui expliquerait les dérives et les bavures. Le troisième est la violence exercée contre les forces de l'ordre, dont ont témoigné de nombreuses images comme ce policer qui s'écroule après avoir reçu un pavé dans la tête lors de la manifestation parisienne du 23 mars. Les chiffres rapportés par le ministère de l'Intérieur font état de 441 policiers blessés pour cette seule journée à Paris.</p> <p>La violence exercée par les forces de l'ordre est alors présentée comme une réponse, par l'État, à ce déferlement. Ces arguments ne peuvent pas être balayés notamment avec la recomposition du répertoire manifestant, avec des violences de certains groupes minoritaires (facilitées à Paris par le contexte urbain, et notamment l'amas de poubelles dans les rues). La lecture des journaux de marche des compagnies de CRS, comme a pu le faire Le Monde, est à cet égard instructive : celles-ci ont dû faire en différents endroits à des guets-apens, des jets de projectiles, incendies de poubelles ou de palettes, tirs de mortiers d'artifice, voire de cocktails Molotov. Cependant, ces éléments forment le contexte de l'intervention, sans pour autant déterminer la stratégie adoptée par les forces de l'ordre.</p> <p>Un manque d'intérêt pour les stratégies de désescalade</p> <p>Face à ces nouvelles conditions, nous observons un manque d'intérêt persistant des différentes autorités (ministère de l'Intérieur, préfecture de police de Paris, police nationale et gendarmerie nationale) pour la notion de désescalade.Cette approche vise à retarder, voire éviter le recours à la force, en privilégiant d'autres moyens (temporisation, dialogue, recul des forces de l'ordre) tant que cela est possible. S'en passer conduit les forces de l'ordre à se montrer brutales dès qu'une difficulté apparaît et contribue à distinguer nettement la France d'un grand nombre de pays européens.</p> <p>Plusieurs conséquences en découlent : une incapacité à opérer des distinctions entre les profils de manifestants – et donc l'usage de la force contre des manifestants apparemment non violents ; une sous-utilisation des mécanismes de communication en continu par l'emploi de moyens humains (équipes dédiées chargées de communiquer en continu avec les manifestants) et technologiques (l'utilisation de panneaux lumineux permettant de rendre plus visibles les ordres de dispersion et sommations) ; une tendance à réduire la contestation sociale à l'action de groupes minoritaires (d'« ultragauche » notamment), et donc à déployer la force. Sans entrer dans le détail de faits individuels pour lesquels les procédures judiciaires sont en cours, le non-respect de règles déontologiques tel que le port du RIO (numéro d'identification), le fait d'avoir le visage masqué, l'emploi d'un ton agressif ou du tutoiement, l'usage de gaz lacrymogène non légitime, etc., apparaît de façon récurrente.</p> <p>L'utilisation d'unités proactives à l'instar des Brav-M – binômes motorisés mandatés pour interpeller des individus suspectés d'infractions – est l'expression paroxystique de cet ensemble de décisions et pratiques reposant sur un style d'action musclé : interpellations violentes, relations individuelles agressives avec des manifestants, etc. L'enregistrement diffusé par Le Monde le soir du 20 mars, révèle ces dérives : propos insultants et humiliants et attitudes menaçantes se succèdent auprès de plusieurs jeunes interpellés pendant de longues minutes ; « je peux te dire qu'on en a cassé des coudes et des gueules ».</p> <p><strong>Deux effets pervers majeurs</strong></p> <p>Outre qu'elle contribue à porter atteinte à la réputation de la France sur le plan international, cette stratégie confrontationnelle comporte deux effets pervers majeurs. D'abord, elle a des conséquences humaines sur les individus qui en sont les victimes en termes, a minima, d'atteintes à la liberté de manifester, et a maxima, d'atteintes physiques graves. Ensuite, elle tend à accroître l'hostilité de la part des manifestants, y compris ceux qui sont au départ pacifiques. L'utilisation perçue comme illégitime et excessive de la force finit par devenir un élément de mobilisation. Les interventions viriles d'unités comme les Brav-M sont elles-mêmes facteurs de dégradations des situations.</p> <p>Une telle stratégie accroît plus généralement les antagonismes entre manifestants et forces de l'ordre, défenseurs des libertés publiques et organisations professionnelles de défense des policiers. C'est ici le risque du « hard power trap », quand la dégradation des relations aboutit à ce que l'obéissance ne résulte plus que de la contrainte, bien mis en évidence dans les travaux internationaux sur la police depuis de nombreuses années. Au contraire, dans le cas de la manifestation dans le Tarn du 21 avril contre un projet autoroutier, la police était présente mais peu visible et éloignée des cortèges, résultant en peu de heurts. D'autres choix sont donc possibles.</p> <p><strong>Ce que nous apprend l'histoire des polices</strong></p> <p>L'histoire des polices montre que certaines périodes sont plus favorables à une réflexion collective sur les conditions de la légitimité des polices. En France, entre les années 1970 et 1990 s'est construit un ensemble de pratiques de maintien de l'ordre reposant sur le tryptique « prévision, négociation, contrôle », logique associée à une acceptation tendancielle de la pacification des conflits par les mouvements protestataires. Devant une transformation des répertoires (plus imprévisibles, moins déclarés, moins organisés, etc.) et l'incapacité à neutraliser les protestataires plus violents, les gouvernements français ont privilégié, depuis maintenant une dizaine d'années, une réponse consistant à frapper plus durement l'ensemble des manifestants pour préserver l'ordre public.</p> <p>Dans un ouvrage récent, nous montrons que le modèle policier français, dont la légitimité a d'abord été pensée par rapport à la préservation de l'ordre politique, doit désormais s'adapter aux demandes de tranquillité émanant des territoires et asseoir l'autorité de ses agents aux yeux des publics divers d'une société française inégalitaire et plurielle. Cette question se pose particulièrement pour le maintien de l'ordre. A un moment où le fonctionnement de la démocratie représentative est structurellement remis en cause, et où donc de nouvelles formes de protestation ne manqueront pas d'émerger, il semble essentiel de prendre le temps de repenser le maintien de l'ordre, en combinant usage légitime et proportionné de la force et respect des libertés individuelles.</p> <p><i>Article paru dans The Conversation France <a href="https://theconversation.com/" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>https://theconversation.com</a>. Jacques de Maillard est Professeur des Universités à Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ) – Université Paris-Saclay où Aurélien Restelli est doctorant, sociologie. </i></p></div>
La Nupes, chapitre 3 : ce qu'elle a, ce qu'elle n'a pas… et gare aux égarements
http://la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2905
http://la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article29052023-08-29T23:21:00Ztext/htmlfrJean-Luc Gonneau<p>La Nupes a un trésor : son programme, et une faiblesse majeure, une implantation territoriale déficiente. Jean-Luc Gonneau poursuit sa réflexion sur l'avenir, ou pas sur la Nupes, rassemblement d'histoires différentes et parfois pesantes.</p>
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<a href="http://la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique24" rel="directory">Réflexions</a>
<div class='rss_texte'><p>Nous poursuivons ici nos analyses à propos de l'avenir, ou pas, de la Nupes. Dans les deux numéros précédents, nous avons évoqué quelques soucis d'organisation, et un état des lieus et des positions de chaque composante face aux prochaines échéances électorales. Depuis sa création, il y a deux ans, elle a pu compter quelques acquis, parfois fragiles, mais aussi des faiblesses, certaines inhérentes à son jeune âge Essayons de débroussailler.</p> <p>Le principal acquis de la Nupes, son « trésor », c'est son programme, élaboré il y a deux ans et validé par toutes ses composantes. Depuis, de nombreuses études d'opinion ont montré qu'une majorité de nos concitoyens adhèrent à nombre de ses propositions : salaires, retraites (sur ce point précis, l'approbation est massive), pouvoir d'achat, imposition des grandes fortunes, santé, logement, enseignement, soit une très large partie des principales préoccupations de la population. Paradoxe : si cette adéquation se vérifie point par point, elle est moins certaine sur son ensemble. Doute sur la faisabilité de l'ensemble ? La droite et l'extrême droite (au passage, on peut se demander où est la frontière entre les deux. De quoi regretter Chirac…). Un programme « communiste », selon un cacique des Républicains (le parti, pas les défenseurs de la république), « trotskiste » même, hulula un autre, qui n'avait probablement jamais lu une ligne de et sur Trotski, mais pensait finement faire allusion au lointain passé de la jeunesse de Jean-Luc Mélenchon. A ce sujet, rappelons l'aphorisme estampillé 100% Gauche Cactus de João Silveirinho : « l'enthousiasme et les erreurs sont constitutifs de la jeunesse ». « De quoi ruiner la France », s'étrangla le fan-club de Bruno Le Maire qui, lui, se contente de ruiner consciencieusement les français (mais pas tous, hein, pas vrai Arnault, Bettencourt, Bolloré, Pinault, Pouyade and co ?). Tout cela pour tenter de masquer que le programme Nupes était chiffré (ceux des concurrents pas vraiment) et équilibré. Ce programme constitue une base solide, non seulement pour les prochaines échéances mais aussi pour l'animation politique des débats à venir tant à l'Assemblée que dans le pays. A ce sujet, nos députés seraient bien inspirés de s'y référer publiquement le plus souvent possible plutôt que le repeindre, par ordre alphabétique, en communiste, écolo, insoumis ou socialiste, ce qui n'empêche en rien chaque groupe de faire ses propres propositions lorsque le programme qui leur est commun est muet ou incomplet. Cela contribuerait à faire exister la Nupes.</p> <p> Car sur le terrain, dans nos villes et nos campagnes, la Nupes n'existe pas, hors de rares initiatives locales qui plus rarement encore s'inscrivent dans la durée. Et la présence sur le territoire de ses composantes est loin de compenser cette faiblesse. Deux de ses composantes ont une histoire plus que séculaire et sont présentes, en bien ou en mal, dans la mémoire et l'imaginaire collectif : le Parti Socialiste et le Parti Communiste. Le premier, dont l'histoire fut marquée par deux grandes figures, Léon Blum et François Mitterrand quelles que soient les critiques, souvent justifiées, à son sujet), mais parfois abîmées, notamment au moment de la guerre d'Algérie, a du mal à se remettre de la catastrophe du mandat de François Hollande : arrivé au pouvoir avec la gauche majoritaire à l'Assemblée et même (pour la première fois !) au Sénat, contrôlant la quasi-totalité des exécutifs régionaux et près des trois-quarts des départementaux, domination dont il ne restera, cinq ans plus tard, que lambeaux. Le Parti Communiste, extrêmement puissant après la seconde guerre mondiale, implanté dans les villes mais aussi dans une bonne partie, au centre et dans le sud, de la « France agricole », a connu aussi quelques grandes figures, tels Maurice Thorez, qui le dirigea pendant trente ans, mais défenseur de Staline, ayant même tenté d'installer en France un culte de la personnalité à son profit, copié sur celui du « petit père des peuples (Thorez était, lui. « fils du peuple », titre d'un livre qui fut diffusé à plusieurs centaines de milliers d'exemplaires, un tirage à faire rêver Bruno Le Maire et Marlène Schiappa, les fringants écrivains vedette de la macronie). Après la publication du rapport Khrouchtchev qui révélait les crimes staliniens (et dont Thorez tenta malheureusement de retarder la diffusion en France), le PCF a longtemps porté comme un boulet son long alignement sur l'URSS de Staline, aggravée par le rétrécissement quantitatif de sa base ouvrière et connu une lente mais continue descente tant au niveau électoral qu'au niveau de la force militante. Si le PS conserve encore un réseau d'élus locaux non négligeable quoique plus clairsemé, le PCF, à chaque élection, perd plus de fiefs qu'il n'en conserve. Notamment, son hégémonie sur la « banlieue rouge » francilienne est maintenant un souvenir (reconnaissons ici que les manœuvres parfois tortueuses du PS dans ces départements n'ont pas aidé). Tant le PS que le PCF ne rassemblent plus que quelques dizaines de milliers d'adhérents, dont évidemment moins d'actifs.</p> <p>Les Ecologistes (nouveau nom d'EELV-les Verts) commencent à avoir une histoire dans le champs politique, Elle a commencé en 1974 avec la candidature à l'élection présidentielle de René Dumont, militant et universitaire respecté. Une candidature issue du rapprochement associatifs et non de partis politiques. Le monde associatif a toujours été méfiant envers les partis politiques, non sans raison, et il a fallu presque une dizaine d'années pour qu'une organisation politique émerge, dont le premier dirigeant, Antoine Waechter, défendra une ligne « ni ni » (ni de droite, ni de gauche), et une dizaine d'années encore pour qu'en 1994 les Verts se tournent vers la gauche sous l'impulsion notamment, de Dominique Voynet, Noël Mamère, Cécile Duflot, et Daniel Cohn-Bendit (qui quittera les Verts en 2012 et rejoindra Macron en 2916, comme quoi la vieillesse peut parfois à la sagesse, mais aussi au naufrage). Parsemée de multiples conflits internes qui ont pu parfois mettre en doute sa crédibilité, le parti écologique a cela dit contribué à la popularisation des enjeux environnements, devenus décisifs pour encore bien des années, et leur a permis de construire un réseau, encore limité mais conforté par la conquête, avec des listes d'union, de villes importantes. C'est positif, mais au niveau du terrain militant, leur vingtaine de milliers d'adhérents limitent leurs capacité d'action.</p> <p>Les deux autres organisations constituant la Nupes, Génération, s et La France Insoumise, dont l'histoire est courte, puisqu'issues toutes les deux de la faillite du « socialisme » sauce Hollande, Organisations jeunes ayant une filiation ancienne donc. Créée autour de Benoît Hamon, qui s'est depuis (momentanément ?) éloigné, Génération.s se veut un pont entre l'écologie et le socialisme, un créneau difficile à défendre car très fréquenté, Utile en tant que laboratoire d'idées, vierge, privilège du jeune âge, des vicissitudes qu'entraîne le fil du temps, Génération.s n'a pas d'implantation significative sur terrain et ne dispose que d'une portion congrue de l'espace médiatique, où la concurrence est féroce, Pour LFI , principale force parlementaire de la gauche, les problèmes sont différents ; on verra ça dans le prochain numéro ?</p></div>
Anomie ?
http://la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2899
http://la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article28992023-08-25T22:26:00Ztext/htmlfrSaûl Karsz<p>Principal animateur du groupe Pratiques Sociales, Saül Karsz analyse le terme « climat » dans son acception tant climatique que politique les deux étant liés via le prisme des sciences sociales et y décèle un risque d'anomie (disparition de valeurs communes) sous la pression du néo-libéralisme. Chacun, conseille-t-il, serait bien venu de s'y opposer en participant aux actions de résistance face à ce danger.</p>
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<a href="http://la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique24" rel="directory">Réflexions</a>
<div class='rss_texte'><p>Étonnant climat, actuellement, en France.</p> <p><strong>Climat météorologique</strong>, tout d'abord. Au beau milieu de chaleurs estivales qui battent tous les records, des pluies drues se déchainent qui ne rafraîchissent guère l'air ambiant car il continue de faire lourd, pesant. S'en protéger paraît plutôt inutile car ces pluies ne durent pas longtemps et la chaleur est toujours là qui rend encombrants les imperméables, casquettes et autres parapluies. Et ce ne sont pas les incendies gigantesques ni la transhumance forcée des populations et des touristes qui allègeront la situation. Bref, la question est : comme faire avec ce fatras, métaphore d'autres climats contemporains tout aussi profondément détraqués ?</p> <p><strong>Climat politique.</strong> La liste est ici bien plus longue que la précédente. Plus d'un million d'euros offerts à un policier victimaire à sang froid d'un jeune banlieusard de 17 ans. Ministre (de la justice !) déféré en Cour de Justice de la République pour un probable conflit d'intérêts. Un grand chef de la police expliquant que les agents suspects de grave abus de pouvoir ne doivent pourtant pas aller en prison avant de passer en justice (auquel cas il faudrait libérer des milliers de prévenus non-policiers). Mise en arrêt réel pour maladie fictive d'une partie des forces policières qui fraudent ainsi la Sécurité Sociale. Ministre qui est l'autorité de tutelle de la directrice adjointe de l'Assurance maladie, son épouse : aucun conflit d'intérêts entre les conjoints, décide la Haute autorité pour la transparence [sic] de la vie publique. Olympique réponse présidentielle à la révolte désespérée et désespérante des banlieues pauvres : triple appel à l'Autorité, à l'Autorité, à l'Autorité. Liste largement incomplète, bien entendu. La question est : comme faire avec ce fatras ?</p> <p><strong>Climat social</strong>, également. Urgences hospitalières ou ambulatoires en déliquescence avancée, quasi-impossibilité de se faire soigner si on manque de médecin attitré, paupérisation de vastes cohortes d'étudiants, crise du logement, résignation forcément rancunière face aux violences policières qui, explique un ministre, n'en sont pas, inflation et coût de la (sur)vie qui ne font pas que des malheureux… Des traits de la vie quotidienne en découlent, qui alourdissent encore le climat : courtoisie, déférence minimale, souci d'autrui sont de moins en moins usités dans les relations de voisinage, les transports, les marchés, dans la rue ; renfermement généralisé dans des bulles conjugales, familiales ou de quartier, crispations de toutes sortes, défiance spontanée envers autrui, perçu comme une menace… La question est : comme faire avec ce fatras ?</p> <p>Émile Durkheim (1858-1917), un des fondateurs de la sociologie, forge la notion d'anomie, très répandue dans et hors la discipline. Elle désigne moins l'absence pure et simple de normes que, plus précisément, l'ébranlement du respect des normes, l'effilochement de la croyance en la nécessité des règles communes, la méfiance envers les références partagées, la certitude croissante d'après laquelle faire société revient à se faire avoir. Les normes continuent d'être en vigueur, créditées d'une confiance en baisse constante. Quelque chose comme des superstructures aléatoires, incertaines. Le monde continue, une partie notable de ses occupants n'y croit guère.</p> <p>Certes, le tableau dessiné ci-dessus comporte, et c'est heureux, de notables exceptions, actuelles et passées. Il dessine une tendance puissante et entreprenante, pas (encore ?) une catastrophe complète. D'ailleurs, aucune société n'a jamais manqué de conflits, plus d'une fois mortifères. Sont aujourd'hui accentués des comportements déjà en cours précédemment. En même temps, des inégalités de toutes sortes et en tous domaines, décomplexées, revendiquées comme telles, triomphent. Des courants conservateurs organisés et informels montent en vigueur et en influence. Une hypothèse raisonnable sur les fatras contemporains passe ainsi par la notion d'anomie. En effet, nous vivons actuellement les multiples effets d'une société submergée par le néo-libéralisme et ses orientations ouvertement fascisantes. Ces effets sont économiques et politiques, et également éthiques, individuels et collectifs, interpersonnels et institutionnels, pratiques et théoriques, intellectuels et affectifs. Les modalités de coexistence, non seulement de production et de consommation, sont aujourd'hui en cause. Des analyses fines pourraient montrer ce qu'il en est au cas par cas. Le montrer dialectiquement : tout ne va pas de pire en pire pour tout le monde…</p> <p>Parce qu'il s'agit bien d'une tendance et pas (encore ?) d'une situation complètement généralisée, nous nous devons de rester en éveil, soucieux de ne pas collaborer aux multiples dévastations en cours, engagés dans des œuvres associatives, syndicales et politiques qui, classiques ou renouvelées, tentent de sauvegarder des espaces de respiration et d'ouverture collectives. A chacun de voir ce qu'il peut faire, ce qu'il veut faire, pour les autres et pour lui, à quoi il tient à ne pas ou à ne plus se prêter. Faute de solution magique, il reste juste et rien de moins que des luttes longues, difficiles, menées avec autant d'opiniâtreté et de lucidité que possible, à succès nullement garanti. Des luttes indispensables, car la neutralité, les abstentions, les narcissismes de l'entre-soi sont des formes courantes de collaboration avec le nouvel ordre du monde. Urgence climatique, urgence politique, urgence sociale, urgence subjective : différents fronts d'un seul et même combat.</p> <p><i>Article paru dans <a href="https://www.pratiques-sociales.org/" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>https://www.pratiques-sociales.org</a></i></p></div>
La gauche : et maintenant ? (2e étape)
http://la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2888
http://la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article28882023-07-23T10:21:00Ztext/htmlfrJean-Luc Gonneau<p>Abordée dans l'édito de notre numéro précédent, la question de l'avenir de la gauche, et plus précisément de la Nupes se poursuit sous la plume de Jean-Luc Gonneau, notre directeur de publication, et traite notamment des futures échéances électorales. Mais ce point de vue, un peu trivial, dit-il, est loin d'épuiser un sujet qui retiendra notre attention ces prochains mois.</p>
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<a href="http://la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique75" rel="directory">La Gauche demain</a>
<div class='rss_texte'><p>A la suite de l'édito de notre précédent numéro, une question centrale se pose concernant la Nupes : quel avenir ? A court terme, à l'aune des perspectives électorales à venir, l'unité obtenue de façon inespérée pour les dernières élections législatives parait mal partie pour les échéances à venir. Ainsi, pour les élections sénatoriales, dont les collèges électoraux comprennent pour l'essentiel les élus locaux, très peu de départements ont pour le moment choisi de constituer des listes Nupes. Ce ne serait pourtant pas difficile, chaque parti connaissant à l'avance son nombre probable de « grands électeurs », ce qui faciliterait l'accord sur l'ordre de chaque liste, et, s'agissant d'une élection parlementaire, le programme Nupes de 2022, dûment actualisé et adapté aux spécificités de chaque département.
L'élection de 2023 touche la moitié des départements, soit quelques dizaines de milliers de « grands électeurs », mais leurs résultats sont perçus comme un indicateur de l'évolution des forces politiques. C'est pourquoi il serait bon que la Nupes puisse y exister.</p> <p>En 2024, et dans quelques mois donc, ce sera encore plus compliqué avec l'élection européenne, avec un scrutin de listes à un seul tour, à la proportionnelle, certes, mais avec un taquet : seules les listes passant la barre de 5% des votants pourront se partager les 79 sièges attribués à la France. Pour mémoire, lors de l'élection de 2019, le Rassemblement National et la liste macroniste passaient, dans l'ordre, la barre des 20%. A bonne distance, la liste écolo (13%), devançait celles des républicains/UDI (8%) de la France Insoumise et du PS et (un peu plus de 6% chacune). Au total 54 députés de droite et 25 de gauche. Pour la première fois, le PCF (2,5%) n'avait plus de députés européens.</p> <p>Fin du rappel historique. Et maintenant ? Pour en rester à la Nupes, ça cogite un max dans les états-majors. LFI est pour une liste Nupes, et, pas folle, suggère une tête de liste écolo. Le PS hésite : partir seul, et risquer de ne pas atteindre le graal des 5%, surtout si la Convention (vous voyez, ce club des fossoyeurs morts-vivants du socialisme autour de Cazeneuve, Hollande and co) se mêle de faire une liste, ou bien toper Nupes. Le PCF a désigné sa tête de liste, le jeune Léon Deffontaines, mais ne s'interdit probablement pas de changer d'avis si les sondages demeurent sous les 5¨% , d'autant que ses analyses concernant l'Europe ne sont guère différentes de celles de LFI (mais il existe aussi au sein du parti une rancœur certaine envers la personne de Mélenchon) Et EELV, devenu Les Ecologistes vient de désigner la sienne, de tête, Marie Toussaint, bin connue de ceux qui la connaissent bien, mais il est vrai que le vote écolo a rarement été lié à la notoriété d'une tête de liste, ce qui est plutôt sain.</p> <p>Se pose, pour tous, une question bien connue : l'union fait-elle la force plus que l'affichage de la diversité ? La réponse est tout aussi connue ; ça dépend. Un tout récent sondage (mais ce n'est qu'un sondage, hic et nunc, et il reste dix mois avant l'élection) fait état, au niveau de l'Europe, d'une poussée droitière, accentuée en France par ce qu'on a nommé les récentes révoltes ou émeutes (les pétochards penchent toujours à droite quand on craint le roussi). Et ce sonda donne 25¨% pour une liste Nupes, et 31% pour quatre listes de gauche (11% EELV, 9,5% PS, 8,5LFI, 2% PCF). De quoi alimenter la consommation de phosphore, chez les états-majors.</p> <p>Nous n'avons évoqué ici que les seuls et triviaux intérêts électoraux. L'avenir de la Nupes ne dépend pas que de cela : donc, suite au prochain numéro.</p></div>
:Gauche : pas de retraite sur les retraites !
http://la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2877
http://la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article28772023-06-25T17:05:13Ztext/htmlfrJean-Luc Gonneau<p>C'est le moment de faire un premier bilan du débat sur la réforme des retraites et de penser à ne surtout pas lâcher l'affaire. C'est aussi le temps d'analyser, brièvement, l'attitude de la gauche dans cette séquence. Et quand on parle de gauche, on parle surtout Nupes : elle a globalement tenu bon, mais maintenant, il y a du boulot, nous propose Jean-Luc Gonneau.</p>
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<a href="http://la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique79" rel="directory">Politique & Co</a>
<div class='rss_texte'><p>La « séquence » de la « réforme » des retraites serait derrière nous ? Macron et sa clique font tout pour, sillonnant la France avec des stocks de poudre aux yeux. La recette : contenus flous, délais incertains, budgets à l'aveuglette. Bref, le tour de France du Macron Circus, c'est la généralisation de la « méthode Schiappa » avec son fonds Marianne. Le temps qui passe, la proximité des vacances estivales pourront faire penser que les citoyens finiraient par oublier l'entourloupe des retraites et diminuer les casserolades. C'est une responsabilité de la gauche, des associations de continuer à faire vivre le refus populaire de cette réforme et de montrer plus globalement son aversion pour la politique néolibérale, antisociale de ce gouvernement, augmentée par l'attitude arrogante du président-monarque.</p> <p>Donc ne pas négliger les initiatives parlementaires ou citoyennes (dépôt d'un projet de loi d'ici un an, mieux ficelé cette fois, référendum d'initiative populaire, engagement d'une abrogation de la loi en cas de victoire électorale, questions au gouvernement sur les applications et le bilan partiel de la réforme, mise en évidence régulière des situations inextricables créées par cette réforme pour nombre de nos concitoyens…).</p> <p>Cela dit, ça commence mal pour la « réforme ». Macron l'avait dit, l'ineffable trio Le Maire-Attal-Véran ne cesse de le répéter : grâce à la « réforme », les comptes sociaux seront à l'équilibre. Et bing, v'la t'y pas que le Conseil d'Orientation des retraites, le COR, qui, lors du débat sur le projet, laissé entendre que l'avenir du système existant n'était pas en danger, et donc la « réforme » inopportune, annonce que le compte n'y est pas, et que la « réforme » n'empêchera pas le déficit à venir. Encore un joli brouillard. De quoi stimuler les détectives de la gauche, mais pour l'instant, à gauche, walou. Serions-nous partis pour nouvelle loi portant l'âge de la retraite à 67 ? 68 ? 70 ? Bonjour l'hécatombe !
Il est temps, aussi, pour la gauche de faire le bilan de la « séquence retraite ». Cela aiderait peut-être pour la suite, et pas seulement pour le problème des retraites. Des erreurs ont été commises, qui peuvent s'expliquer en partie par les délais très courts imposés par le pouvoir, prêt à tous les artifices réglementaires, la suite l'a montré (vivement un nettoyage constitutionnel).</p> <p>Nous serons plus dubitatifs, portant même à l'occasion un regard sévère sur certaines provocations relevant davantage d'une troisième mi-temps de rugbymen particulièrement mal embouchés que d'une Assemblée nationale, aussi galvaudée qu'elle soit. Nous apprécions mal la décision de la France insoumise d'avoir déposé des milliers d'amendements, aboutissant à une impossibilité de vote vu le temps restreint des débats : erreur tactique, de plus mal ressentie par une partie de l'opinion et certains partenaires de la Nupes.</p> <p>Cela interroge aussi sur l'avenir de la Nupes. Beaucoup ont considéré que cette alliance électorale, conclue à l'initiative de Jean-Luc Mélenchon, ne résisterait pas à l'hétérogénéité des positions de ses différents protagonistes sur des sujets importants (Europe, énergie, place des secteurs publics et privés…). Malgré quelques coups de canif, la Nupes a survécu à la séquence retraite, mais ne s'est pas solidifiée.</p> <p>Si cette séquence a ébréché (durablement, espérons-nus, mais cela dépend aussi de l'action à venir de la gauche) le déjà fragile électorat macroniste, cette brèche semble avoir davantage profité à l'extrême droite qu'à la gauche.</p> <p>Dans le paysage politique d'aujourd'hui, c'est quoi, la gauche ? La Nupes, et quelques petites organisations, certes respectables, ayant choisi depuis longtemps de naviguer aux marges du système électoral. Il y a probablement dans La Convention, récemment créée par Bernard Cazeneuve, avec, dans une demi ombre François Hollande, des citoyens proches des idées de gauche, mais quel crédit accorder à ceux qui furent il y a quelques années, les fossoyeurs de la gauche. Quant à « l'aile gauche » macronisme, ce n'est guère qu'un oxymore, comme disait naguère Jean-Pierre Chevènement, lui-même rallié au macronisme. Il est des vieillesses…</p> <p>La Nupes est le premier rassemblement de la gauche de ce siècle, si on excepte la campagne unitaire pour le Non au référendum européen de 2005, dont la transposition sur le terrain électoral aboutit à une catastrophe. Hors d'un rassemblement, point de salut pour accéder au pouvoir de changer l' « ordre des choses » chéri par les classes dirigeantes : l'affaire des retraites est sur ce point édifiante et fraîche dans nos mémoires. La Nupes n'est à ce jour qu'un cartel électoral. C'est mieux que rien. Beaucoup de citoyen.nes sont proches des idées de la Nupes, mais rétifs à rejoindre, pour des raisons diverses et souvent respectables, les organisations qui la constituent. Ce qui les intéresse, c'est le tout qui fut synthétisé par le programme législatif de la Nupes, ils ont de le sympathie pour la Nupes, mais ne sont pas dans la Nupes. Et pour cause : sur le terrain, la Nupes n'existe pas, à quelques exceptions locales près
Nous eûmes ainsi l'occasion de participer il y a quelque mois à une réunion locale, où les représentants de chaque « orga », se félicitèrent réciproquement, parfois avec retenue, de cette initiative. Bref, on était bien contents d'être là. Mais à la question posée par un « non encarté », (« qu'est-ce qu'on fait maintenant ?), il fut répondu que c'était une sacrément bonne question et qu'il fallait y réfléchir. Et depuis ? : walou. A suivre au prochain numéro !</p></div>
La haine des braves
http://la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2858
http://la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article28582023-05-04T14:33:00Ztext/htmlfrYann Fiévet<p>Les violences policières, ça existe. Yann Fiévet le prouve, en analyse les méthodes, les causes et en quoi elles sont révélatrices de l'idéologie qui imprègne le gouvernement et notamment le président et son ministre de l'intérieur.</p>
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<a href="http://la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique68" rel="directory">Libertés</a>
<div class='rss_texte'><p>L'un des pires penchants qui guette aujourd'hui notre société déstructurée par l'action – ou l'inaction ? – d'un pouvoir politique décidément aveugle et sourd tient en ceci : s'habituer aux violences policières, qu'elles fassent désormais partie de notre quotidien, qu'elles finissent par nous apparaître comme quasi naturelles face aux débordements inévitables du corps social mis sous une pression dangereusement aggravée. Le pouvoir politique nie l'existence de ces violences en usant d'un artifice de la pensée selon lequel l'Etat serait toujours légitime lorsqu'il réprime la mauvaise humeur d'une société en ébullition. Ainsi, la Présidente de l'Assemblée Nationale (PAN), Yaël Braun-Pivet a commis récemment sur l'antenne de France Inter un lapsus terriblement éclairant : « Je réprime le terme de violences policières ». Nous lui répondrons que nier les violences policières, c'est nier ceux qui en ont été les victimes, c'est donc déjà une des formes de la violence d'Etat, C'est effacer avec des mots les conséquences de ses propres actes, C'est quitter sa propre humanité en ignorant celle d'autrui. Nous vivons désormais en France l'expression terrifiante d'un pouvoir que nous pouvons qualifier de pathologique. Toutes les outrances lui paraissent potentiellement permises, toutes les armes disponibles sur le marché du répressif obligé s'offrent à son gargantuesque appétit d'ordre face aux « barbares » de l'intérieur. Le père fouettard en chef est d'ores-et-déjà prêt à couvrir presque tous les abus.</p> <p>Allons, ils sont tout de même bien braves tous ces policiers et gendarmes. Ils risquent quotidiennement leur peau pour que nous puissions vivre paisiblement malgré les nombreuses incertitudes de nos existences. Ils sont ainsi garants du bon ordre qu'ils ne définissent évidemment pas eux-mêmes mais qu'ils sont persuadés de servir dignement en toutes circonstances. Rassurez-vous bonnes gens, ils connaissent leur métier et incarnent « la profession la plus contrôlée de notre pays ». Et pourtant… Le récit officiel – pour ne pas dire la fable – est de plus en plus souvent écorné. Il convient au passage de préciser que si grâce à quelques témoins malencontreux ou vidéos indiscrètes nous ne sommes plus dupes la part immergée de cette violence d'Etat – physique, morale ou psychologique - reste le plus souvent cachée dans l'intimité des paniers à salades, la discrétion des sombres commissariats, la confusion des nasses savamment organisées lors des manifestations se déroulant sur la voie publique. A ce dernier titre, rapportons quelques avatars récents on ne peut plus édifiants. À Nantes, le 14 mars dernier, un petit cortège étudiant s'en retournait pacifiquement dans son université après avoir participé à un barrage filtrant organisé contre la réforme des retraites par la CGT quand les gardiens de l'ordre ont encerclés le groupe et ont palpé quatre jeunes femmes, palpations ostensibles à l'intérieur des sous-vêtements accompagnées de propos grossiers, insultants et humiliants . Il s'agit là d'agressions sexuelles caractérisées pour lesquelles une plainte a été dûment déposée. Interrogé à l'Assemblée Nationale sur cette affaire, le 21 mars, le ministre de l'Intérieur n'a prononcé aucun mot à l'intention des 4 jeunes femmes ainsi agressées. Pour lui, il s'agit probablement d'une broutille qu'elles oublieront bien vite.</p> <p>Parlons un peu des BRAV-M, ces brigades motorisées de répression de l'action violente, réminiscence assumée des sinistres « voltigeurs de Charlie », pas l'hebdo, la bavure, dont Gérald Darmanin est sans conteste le digne héritier, le pittoresque accent chantant en moins. Le 6 avril dernier, à Paris, une caméra surprit certains membres aguerris de l'une de ces brigades de choc en pleine action. Ils traînaient un homme au sol, évidemment sans ménagement, lors d'une autre manifestation contre la réforme des retraites. Dans la soirée du 20 mars, également à Paris, des membres d'une autres de ces dangereuses brigades avaient été enregistrés à leur insu au moment où ils insultaient et humiliaient copieusement plusieurs jeunes qu'ils soupçonnaient d'avoir mis le feu à des poubelles. Ils ont ensuite plaidé « La fatigue physique et morale ». Ils ont notamment précisé sans craindre le ridicule que leurs « besoins fondamentaux et vitaux n'ont pas été respectés. S'hydrater et se restaurer étaient très compliqués ». Comment ne pas plaindre ces braves serviteurs de l'Etat pris ici la main dans le sac à injures ? L'enregistrement ayant été authentifié la hiérarchie va être obligée de sévir. Très durement, on l'imagine ! Cependant, nous ne devrions pas être surpris par ces exactions commises lors des grands rassemblements citoyens. Les « jeunes de banlieues » vivent cela au centuple depuis des années à l'abri le plus souvent des regards ou dans l'indifférence des médias de masse. Est-il exagéré de dire que certaines de nos banlieues servent de terrain d'entraînement aux cosaques motorisés de la police française d'aujourd'hui ?</p> <p>Il n'est plus possible, depuis longtemps déjà, de parler de bavures, de faits isolés inévitables dans le difficile exercice du maintien de « l'ordre républicain ». Il existe dans notre police un état d'esprit délétère que tous ses membres évidemment ne partagent pas mais qui est nettement plus étendu que l'indulgence commune n'est prête à le reconnaître. Osons le dire : il y a une culture policière de la haine faite d'une somme d'acrimonies contre de multiples victimes expiatoires potentielles, acrimonies qui ne demandent qu'à s'exprimer pour peu que l'autorité supérieure oublie , de façon plus ou moins sournoise ou calculée, de maintenir les garde-fous nécessaires à l'existence d'une « bonne police ». Il s'agit là d'une culture très masculine, en partie alimentée par les évolutions sociales des dernières décennies probablement mal acceptées en ces lieux du virilisme traditionnel. Les objets de l'acrimonie ambiante sont fort disparates et forment un curieux patchwork : acrimonie envers les femmes, les homos, les migrants, les écolos, les jeunes des cités, etc. Si cette culture particulière faisant système n'existe pas comment comprendre que l'on écrabouille sauvagement le campement précaire de migrants, qu'un coup de volant à droite fasse volontairement chuter un scooter et ses jeunes occupants, que des mains assermentées se glissent brutalement dans la culotte de jeunes manifestantes, que l'on retarde dramatiquement les secours dépêchés vers les nombreux blessés par le déluge de grenades de Sainte-Soline ? Alors, nous ne pouvons confondre la haine avérée d'une partie non négligeable des forces de l'ordre et « la rage de ceux que l'on piétine » pour reprendre l'expression du philosophe Etienne Balibar. La haine est un sentiment installé a priori sur des préjugés tenaces tandis que la rage est une réaction s'exprimant a posteriori consécutivement aux souffrances physiques ou morales infligées à diverses catégories du corps social. Il est plus que temps de mettre fin aux calamiteuses confusions, de faire entendre un autre récit que celui des fachos en herbe. Pourquoi pas par la multiplication des concerts de casseroles rageuses ?</p></div>
Démocratie : ritournelle incantatoire ou pratique à approfondir ?
http://la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2856
http://la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article28562023-05-03T14:25:00Ztext/htmlfrSaûl Karsz<p>Nous apprécions ici les subtiles analyses de philosophe Saül Karsz, un socio-philosophe de notre temps qui nous éclaire dans cet article sur ce paradoxe : tout le monde se pose en défenseur de la démocratie mais chacun en a une conception différente, et bien peu pensent aux conditions de sa mise en pratique.</p>
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<a href="http://la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique24" rel="directory">Réflexions</a>
<div class='rss_texte'><p>La réforme néolibérale contre les retraites, même devenue loi, n'est en rien une affaire close. Il ne s'agit nullement d'une parenthèse dont la fermeture permettrait de reprendre le cours réputé normal des choses. Une empreinte très certainement indélébile a été tracée, dont les effets sont loin d'être, tous, éclos.</p> <p>Chemin faisant, des opposants et même quelques fidèles demandent à l'actuel président français d'être à l'écoute, d'entendre les colères qui montent, de s'ouvrir aux attentes et aux désespérances qui traversent la société française. Mais il ne le peut pas ! Ce n'est pas une question de volonté. Sont en jeu ses caractéristiques personnelles, lesquelles, loin d'exister en l'air sont marquées du sceau ancestral de sa classe sociale d'origine et d'appartenance : « arrogance nourrie d'ignorance sociale », selon l'historien Pierre Rosanvallon. Ces caractéristiques se font jour lors d'une conjoncture singulièrement grave, à enjeux multiples. En effet, des pans entiers de l'ordre du monde sont, plus que questionnés, démembrés, individus et groupes lésés et déçus y sont majoritaires. Ce qui paraissait, il y a peu encore, normal et nécessaire l'est de moins en moins. Des salariés de plus en plus nombreux ne veulent plus de l'inégalité criante en matière de salaires et de conditions de vie, tout comme de futurs professionnels renoncent à l'avenir plutôt confortable qu'ils trouvent décevant et socialement malsain qui les attend. Implacable naturalisation des différences et des clivages, dégradation de pratiquement tous les services, pas que publics d'ailleurs : serait-ce enfin « le nouveau monde » tant vanté ? La réforme néolibérale des retraites et sa répudiation par la grosse majorité de la société s'y inscrivent complètement. Dans ces circonstances, écouter et agir en conséquence, délibérer et tenir compte des arguments dissidents, s'ouvrir à ce qui ne nous ressemble pas mais pourrait nous faire grandir – voilà des exercices démocratiques qui n'ont rien d'évident. Et ce n'est pas parce que la droite s'y refuse complètement que toute la gauche s'y livre sans discontinuer.</p> <p>La question démocratique se joue dans les fonctionnements institutionnels, dans les rapports administration-administrés, dans les liens parentaux et de couple, dans l'accès aux richesses collectivement produites et systématiquement privatisées, dans le mépris envers les gens d'en-bas et la fatuité dont se drapent ceux d'en haut. Elle se pose dans le déroulé des relations de travail et non seulement à propos des revenus. En fait également partie, en matière d'intervention sociale et médico-sociale, la différence politique et subjective, idéologique et clinique entre prise en charge et prise encompte. En-deçà et au-delà du binôme infernal composé par l'individualisme (si narcissique, si petit-bourgeois) et le collectivisme (si populiste, si peu créatif).</p> <p>Dans la sphère publique autant que dans la vie privée, la question démocratique bat son plein. Sous des modalités diverses, elle se pose partout. Rares sont les moments où elle a revêtu une telle acuité, une telle urgence, une telle gravité. Autant rappeler que ce n'est ni un homme ni même un parti qui sont finalement en cause, mais une politique, une manière de gouverner et des objectifs de gouvernement, des styles de vie, des manières de penser et de ressentir.</p> <p>Vivons-nous déjà en démocratie ou bien s'agit-il d'une démocratie approximative – effective pour les uns, écrasante pour les autres ? La question est bien celle-là, en effet. Les contenus et la portée de cette réforme contre les retraites ainsi que l'itinéraire autoritaire emprunté pour la valider montrent que le néolibéralisme n'a que faire même des formes plus ou moins démocratiques aujourd'hui en vigueur. Formes qu'on veut bien dans le décor mais aucunement au cœur de la pièce, ni dans son déroulé. La formule « démocratie libérale » ressemble de plus en plus explicitement à un oxymore. Le montrer à ciel ouvert est le seul intérêt de cette réforme.</p> <p>« Démocratie » : slogan vite dépoussiéré le temps d'un discours et plus vite encore remisé dans son écrin fermé à double tour ou bien exigence jamais entièrement accomplie, pratique de tous les jours à approfondir sans relâche ? En ce dernier cas, il ne suffit plus de s'opposer, ni même de se révolter. On a tout intérêt à aller au-delà de la colère. Construire et partager des passions gaies, dirait Spinoza : interroger les évidences, repenser le monde, forger des destins qui ne soient pas des condamnations, ne pas vivre pour travailler mais travailler pour vivre, édifier une société où il ferait bon exister. Parce que la question n'est pas facile, ni ne va surtout de soi, le temps des spectateurs qui comptent les points est bel et bien dépassé. La responsabilité de tout un chacun dans ce qui arrive et dans ce qui pourrait arriver est engagée. La victimisation n'est vraiment pas de mise. On ne saurait prétendre « je ne savais pas... ! ». Peu ou prou, nous habitons le monde que nous méritons.
<i>Article paru dans Le pas de côté</i></p></div>
La fin de l'abondance ? Mais pour qui ?
http://la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2846
http://la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article28462023-04-18T13:28:00Ztext/htmlfrPatrice Perron<p>Nous l'avions peut-être oublié mais il y a quelque mois notre détesté président avait décrété « la fin de l'abondance », ce qui avait rire très jaune celles et ceux qui ne l'ont jamais connue. L'allègre Patrice Perron (toujours de Guidel) revient sur cet épisode, si lamentablement macronien.</p>
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<a href="http://la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique23" rel="directory">Les Epines du Cactus</a>
<div class='rss_texte'><p>Il n'aura échappé à personne que le Jupiter du premier mandat s'est transformé, s'est mué, ou alors a muté en Vulcain le 14 juillet lors d'une pratique du discours rituel qu'il avait rejeté et méprisé auparavant. N'étant pas radin sur le mépris, ni sur l'arrogance, Vulcain a vite capté qu'il n'irait pas loin, en tout cas pas plus loin que les flammes de l'enfer, s'il s'entêtait à porter ce qualificatif un peu chaud. Il ne ferait pas long feu !</p> <p>Il est devenu, modestement (sic) Manu 1er, du surnom attribué par un jeune qui n'arrivait pas à traverser la rue, ni à changer de trottoir. Mais Manu tout court, ce n'est pas top, alors, pour prendre de la hauteur et tenter de se hisser au niveau des monarques de l'ancien régime, il s'est auto décerné le rang de 1er. Et voilà, notre modeste employé de banque de chez Rothschild, est devenu notre roi bien aimé. Du moins de la partie pas trop pauvre de l'Hexagone. Un peu moins des ruraux, vous savez, ceux qui habitent au fond des campagnes, là où il n'y a pas de bornes électriques, pas de transport en commun, pas d'hôpitaux, pas d'écoles, plus de pharmacies, et même plus de DAB (Distributeurs automatiques de billets). Ou pas aimé du tout de ceux qui sont sous ou juste au niveau du seuil de pauvreté. Ou juste un peu au-dessus. Vraiment, on joue avec les effets de seuil.</p> <p>Car, disons-le tout net, l'abondance, eux, ils ne l'ont jamais connue. Ce qu'ils connaissent bien, par contre, c'est le CCAS, la CAF, les restos du cœur et pour certains, la manche et la rue. Quant à la théorie du ruissellement, ils ne reçoivent que la pluie sur la tronche quand ils sont dehors à essayer de se réchauffer. Il y en a même qui ne connaissaient pas le mot : - C'est quoi l'abondance ?</p> <p>Ceux qui, aujourd'hui, découvrent la fin de la dite abondance, sont les citoyens qui vivaient sans dettes rédhibitoires, ceux qui avaient échappé au surendettement, qui économisaient juste un peu comme ils pouvaient, au cas où, qui tiraient sur leur propre corde pour ne pas demander de l'aide. Par souci de dignité. Et qui rament aujourd'hui. Qui économisaient déjà sur le chauffage. Pas pour faire plaisir à Manu 1er par anticipation, mais qui, déjà, pour finir le mois, se serraient un peu la ceinture. Eux, ils ne faisaient pas deux allers retours Paris-Doha dans la même semaine. Vous savez, les technocrates des statistiques et du budget, les nommaient la classe moyenne inférieure ! Maintenant, la classe moyenne inférieure a la tête sous l'eau. Ils sont devenus invisibles en rejoignant les pauvres.</p> <p>Il est probable que ces citoyens, ne pourront pas restreindre encore plus leur chauffage. Car certains habitent dans des logements passoires, soit propriétés de marchands de sommeil, soit de bailleurs sociaux pas si sociaux que ça. C'est la même chose que pour les ascenseurs en panne dans les immeubles où il y a des personnes à mobilité réduite. À force d'éteindre le chauffage encore un peu plus, ils vont tous choper la crève et remplir les hôpitaux déjà blindés, puis, par effet domino, accroître le déficit de l'assurance maladie, vous savez, la Sécu ? Et ensuite Manu 1er nous dira qu'il faut diminuer encore un peu plus le niveau des remboursements de soins pour équilibrer le budget …</p> <p>Et comme il faut avant tout préserver la compétitivité de l'économie, et surtout les intérêts de ses riches amis et/ou électeurs, Manu 1er et ses proches collaborateurs, baissent les allocations chômage, augmentent l'âge de départ à la retraite, incitent les patrons à pratiquer le licenciement abusif en plafonnant les indemnités quel qu'en soit le motif et protègent les profits énormes de leurs amis. Mais il est vrai que le mot solidarité n'est pas inscrit au fronton des mairies. Cela aurait pu être le quatrième mot du slogan Républicain.</p> <p>En gros, pour conclure, il ne nous reste plus qu'à serrer les dents, et les fesses, aussi, par précaution, nous entraîner à ramer plus fort et mieux, regarder en haut de la montagne de Sisyphe, si le ruissellement arrive, travailler encore et encore, (comme dit Bernard Lavilliers), compter ses trimestres cotisés et validés, et pour ceux qui ont un bout de jardin, tenter d'y cultiver des patates et des légumes de survie. Jusqu'au jour où ça va péter pour de vrai. Car, nous le constatons chaque jour, l'abondance ne s'est pas tarie en trois domaines surtout : <br /><img src="http://la-gauche-cactus.fr/SPIP/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-32883.gif" width='8' height='11' class='puce' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> Les superprofits réalisés, notamment, par les fournisseurs d'énergie, sur le dos des consommateurs,
<br /><img src="http://la-gauche-cactus.fr/SPIP/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-32883.gif" width='8' height='11' class='puce' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> La fréquence incroyable, par les beaux parleurs du gouvernement et de ses sbires, d'utilisation du 49-3
<br /><img src="http://la-gauche-cactus.fr/SPIP/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-32883.gif" width='8' height='11' class='puce' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> Le niveau très élevé de déconnection du discours des politiciens. Mais cela, nous le savions déjà.</p> <p>En ce jour Épiphanique de la galette fêtée au palais, Son Altesse Manu 1er a semblé agacée devant les boulangers qu'il recevait, par les super profits réalisés notamment par les fournisseurs d'électricité. Du coup, le prix de sa galette Élyséenne s'est mise à lui coûter cher, un pognon de dingue ! Commencerait-il à capter les choses de la vie ? L'abondance serait-elle une illusion ? Ceci dit, la galette à la frangipane était bonne … Je m'en lèche encore les babines !</p></div>
Macron, ou le vide pour cacher un dessein
http://la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2841
http://la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article28412023-03-17T22:28:51Ztext/htmlfrJean-Luc Gonneau<p>Depuis le début de son second (et dernier, ouf) quinquennat, Emmanuel Macron s'est distingué par la vacuité de ses discours, poursuivant ainsi sa lancée du premier. On admirera la constance. Mais derrière ce quasi se pointait peut-être un « grand dessein ». Jean-Luc Gonneau en dit plus.</p>
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<a href="http://la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique23" rel="directory">Les Epines du Cactus</a>
<div class='rss_texte'><p>Le président de la République n'est pas avare de discours, même s'il s'est un peu calmé ces derniers temps. Ses discours sont généralement ennuyeux, manquant de flamme (ou alors surjouée, tel un comédien amateur formé par quelque professeur non professionnel dans ce domaine) et de fond, plus un zeste (euphémisme) de condescendance dont il lui est difficile de se départir. Peu d'annonces fortes suivies d'effets, le « Grenelle de la santé » censé mettre fin à la crise de notre santé et débouchant sur quelques mesurettes en étant peut-être l'exemple le plus représentatif. Reconnaissons, car nous savons, au Cactus, demeurer équitables, que certaines conjectures ne lui ont pas rendu la tâche facile : la crise du covid (mais gérée le plus souvent en dépit du bon sens : pas besoin de masque, puis masque obligatoire mais, oups, on n'en a pas assez , puis maintenant on en a trop, confinements où l'on finit par obliger les gens à s'autoriser eux-mêmes à sortir de chez eux, fermetures de lits hospitaliers alors qu'on en manque etc, le tout présenté au final comme un grand succès),,. crise climatique s'accentuant (« Qui aurait pu le prévoir ? », osera récemment notre mini-jupiter, alors que la communauté scientifique annonce le truc depuis des décennies) et la guerre en Ukraine, dont on ne pouvait, en effet, prévoir déroulements et les conséquences, dont, pour une part, et nous y reviendrons, l'inflation,</p> <p>Alors que des services publics majeurs (santé et éducation, mais pas que), que la France brûle, que l'eau vient à manquer, que l'inflation galope, dopée par les superprofits dont le ministre Le Maire affirme « ne pas savoir ce que c'est » (qu'il demande aux patrons du CAC 40, Total en tête, ils lui expliqueront peut-être, mais en toute discrétion, hein) et plombe durement le porte-monnaie des français, dont les salaires augmentent au compte-gouttes, le gouvernement oppose de vagues discours émaillés de quelques plans-rustines dont les effets sont quasi invisibles, le président de la République, lui, n'a qu'une idée en tête : sa « mère de toutes les réformes », celle des retraites. Même une partie du centre et de la droite admet, publiquement ou à mots couverts, qu'elle n'est ni opportune, ni même nécessaire (en tout cas pas celle-là), ni juste, bref, dangereuse. Mais qu'à cela ne tienne, celui que Frédéric Lordon qualifie de « forcené retranché à l'Elysée » persiste. La veille même vote du projet à l'Assemblée Nationale, ses séides, Borne, Véran, Dussopt, Attal, Bergé, mains sur le cœur, assurent que le vote aura lieu. Et boum, le lendemain, le monarque tranche : pas de vote, le 49.3. Le monarque reste impavide : qu'importe s'il exacerbe les colères populaires, ce ne seront pas « ceux qui ne sont rien » qui le feront plier. Et la pauvre madame Borne, qui l'avait quand même un peu cherché lors de ses vaticinations précédentes, en prend plein la tronche, ce que peu chaut au monarque.</p> <p>José Barros, citoyen volontiers facétieux, nous conte l'histoire suivante : « L'autre jour, commentant ces manifestations qui remplissent les rues de toutes les villes de France, un ami me dit qu'il savait déjà qu'avec un vote, on ne résout rien mais aussi que, certainement, também, ce ne sont pas les manifestations qui résolvent quoi que ce soit parce que nous sommes devant un gouvernement et un président de la République somuave ! Je lui demandai ce que voulait dire « somuave ». Il me répondit : ça veut dire SOurd, MUet et AVEugle (1) ». Toujours est-il que des votes, constitution oblige, et c'est dans ce cas heureux, auront lieu dans quelques jours, puisque des motions de censure seront présentées, qui, en cas d'adoption, mettront à bas le projet et le gouvernement. A priori, aujourd'hui 17 mars, deux. La première émanera du Rassemblement National et n'a aucune chance d'être adoptée. La seconde sera présentée par un petit groupe parlementaire centriste emmenée par le célèbre révolutionnaire Charles de Courson, parlementaire expérimenté qui a jugé l'usage du 49.3 inepte et dangereux, dans ces circonstances, dangereux pour la démocratie. Et il a bien raison, Charles. La Nupes, à gauche, a annoncé s'y rallier, et le RN, à droite extrème a dit qu'il voterait toutes les motions de censure. Les calculettes vont rechauffer, le suspense être insoutenable. Allez, pour ce coup-là, tous avec Charles !</p> <p>Il y a lieu cependant de s'interroger sur ce qui motive l'obstination d'Emmanuel Macron au sujet de ce projet de réforme. Sentiment de toute puissance ? Possible, car il est patent que l'humilité n'est pas la caractéristique du personnage, qui n'est utilisée, rarement, dans quelques discours peu crédibles. Mais ce n'est pas suffisant (contrairement à lui). Son argumentaire est public : la réforme est nécessaire pour « sauver la retraite par répartition », et pour ne pas alourdir la dette du pays et rassurer ainsi Bruxelles, et les marchés des capitaux (ça n'est pas dit comme ça, mais pensé très fort). Pour le COR, Conseil d'Orientation des Retraites qui ne passe pas pour un repère d'énergumènes, le quasi équilibre actuel du système actuel n'est pas menacé pour au moins les dix prochaines années : peut-on parler de « sauvetage » ? Et que penser du « sauveteur » ? Rappelons que lors de son premier mandat, Emmanuel Macron avait déjà tenté de « réformer » les régimes de retraite, en y introduisant la retraite par points, système qui aurait généré des fonds de pension, le graal du capitalisme financier, attendu avec gourmandise, pardon, gloutonnerie, par les ogres de la finance internationale dans leur version la plus spéculative. L'irruption du Covid avait stoppé le projet, mais, on l'a vu, Macron est un obstiné lorsqu'il s'agit de défendre le capital (« les riches »). Les colères, l'usure mentale et physique entraînée par la hausse de l'âge de la retraite pour les « sans rien », il n'en a, demeurons polis, rien à cirer. Comme « sauveteur Macron manque de crédibilité, si ? Il a encore quatre ans pour nuire, restons vigilants, avant une post-présidence dorée avec une bonne retraite très anticipée, et des conférences juteuses auprès de ses amis de la phynance, qui lui devront bien ça.</p></div>