La Gauche Cactus
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frSPIP - www.spip.net (Sarka-SPIP)Une rentrée rabougrie
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http://la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article29022023-08-26T22:48:00Ztext/htmlfrYann Fiévet<p>Yann Fiévet accueille à sa façon, donc assaisonne, le nouveau ministre de l'éducation nationale. Faire régner l'ordre, y compris moral, voilà le programme. Surtout pas d'éveil à l'esprit critique. Et gare aux vacances des enseignants, parce que ça indispose le Président.</p>
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<div class='rss_texte'><p>La rentrée des classes 2023 en France est marquée du sceau d'un inquiétant rabougrissement. Plusieurs évènements attestent de ce phénomène surgissant dans un moment de grandes tensions au sein du corps social, tensions face auxquelles le pouvoir politique en place manque singulièrement de sérénité. La portée de ces évènements dépasse de très loin le cadre de l'Ecole et sont tout sauf anecdotiques. L'Ecole étant le lieu privilégié de l'accueil de la jeunesse du pays il conviendrait, paraît-t-il, de la reprendre en main. D'une main ferme évidemment accompagnée parfois d'une bonne dose de pudibonderie. Nous allons retrouver ici quelques figures du macronisme le plus pur auquel peuvent venir s'adjoindre sporadiquement, pour pouvoir exister un peu, quelques satellites issus de la sphère politique la plus réactionnaire. Nous nommons, dans l'ordre de leur entrée en scène, Gabriel Attal, Valérie Pécresse, Gérald Darmanin et… Jupiter soi-même.</p> <p>En juillet dernier, après que la « communauté scolaire » nationale fut entièrement partie en congés d'été, le monarque décida de remplacer le ministre idoine. Ainsi, Gabriel Attal, jeune loup aux dents longues et pourtant déjà presque vieux en politique, succède à Pap Ndiaye qui en une année seulement ne pouvait avoir fait oublier le calamiteux quinquennat de Jean-Michel Blanquer. Contrairement à Pap Ndiaye qui est universitaire Gabriel Attal n'a jamais occupé la moindre fonction au sein de « l'appareil éducatif ». Passé par la prestigieuse Ecole Alsacienne de Paris il est le pur produit de la mérito-aristocratie et va ainsi pouvoir donner des gages de sincérité à tous ceux qui craignaient que l'on tente de remettre en cause un tant soit peu les privilèges de l'enseignement privé. C'est précisément là que Pap Ndiaye se mit à dos le plus d'ennemis, et pas seulement au sein de la droite extrême. Partisan de la mise en œuvre de moyens destinés à promouvoir une « mixité sociale » digne de ce nom il entendait y inclure la sphère privée de l'éducation. De fait, l'Elysée n'avait pas même besoin du tollé de la Droite pour ne pas supporter l'outrecuidance d'un ministre osant s'être levé du strapontin qui lui avait complaisamment été offert. L'Ecole doit rester à deux vitesses. On ne va tout de même pas rallumer la guerre scolaire, proclama le Président du Sénat. Il peut enfin dormir de nouveau sur ses deux oreilles : ce n'est pas Gaby le Magnifique qui songera à déterrer la hache de guerre. En revanche, on va le voir beaucoup sur le terrain en cette rentrée, histoire de poursuivre l'esbroufe macronienne entamée voilà plus de six années. Du reste il a commencé en août par la rentrée à la Réunion. Consolons-nous : à cette première occasion il a déjà trouvé le moyen de se prendre les pieds dans le tapis de… « l'immigration en provenance de Mayotte ». Assurément, il compte sur le dos de l'Ecole pour continuer de se faire les dents. La jeunesse doit savoir se tenir. Gabriel Attal va s'atteler à cette tâche indissociable, selon les tenants de l'Ordre établi, de la « bonne marche » du système éducatif. Il pourra compter en la matière sur le soutien inconditionnel de Valérie Pécresse qui préside aux destinées de la Région Ile-de-France. En juillet dernier, elle déclara que « notre devoir est de faire aimer la France à notre jeunesse ». En même temps, elle décida de débaptiser le lycée Angela-Davis de Saint-Denis (93). En proposant, à la place, le nom de Rosa Parks. Elle se justifie en ces termes : « Personnellement, vous l'avez compris, je préfère la révolution civique de Martin Luther King à la lutte armée violente des Black Panthers ». Elle alimente ainsi l'artificielle opposition entre les activistes noirs : d'un côté, les sages, les modérés, bref, les respectables. De l'autre, les violents, les radicaux, les extrémistes. La réalité est pourtant bien différente : Rosa Parks n'était pas seulement « une petite dame gentille assise dans le bus avec son petit sac ; elle était aussi une militante proche des mouvements communistes. D'autre part, considérer qu'Angela Davis était violente est totalement faux – par conséquent raciste - et consiste à effacer purement et simplement – c'est probablement le but ultime de cette entreprise idéologique de démolition – le fait que les nombreux ouvrages de la sociologue américaine sont lus et analysés dans le monde entier. Valérie Pécresse affiche là la suffisance éhontée des insuffisants. Il conviendrait au contraire d'étudier dans les lycées la pensée d'Angela Davis qui, toute sa vie, a forgé des outils de réflexion contre toutes les formes d'injustices. Alors, la France deviendrait vraiment pleinement aimable aux yeux des jeunes, en particulier dans « les quartiers » si malmenés en maints endroits du pays. Les lycéens de Seine-Saint-Denis – et leurs professeurs – seront-ils muets à la rentrée face à l'insulte qui vient d'être commise, en leur nom, à l'encontre de la figure incontestable de l'antiracisme qu'est Angela Davis ? Un autre livre ne figure évidemment pas au chevet de Valérie Pécresse : celui, remarqué, que l'historien Pap Ndiaye a consacré à « la condition noire ». La boucle est ainsi bouclée !</p> <p>Il est donc grand temps que notre jeunesse soit édifiée par les bonnes valeurs morales qui lui permettront d'évoluer docilement demain dans une société enfin apaisée. C'est là que Gérald Darmanin intervient. Il abandonne à l'occasion son costume de père fouettard en chef pour endosser celui de nouveau « père la pudeur », costume que porta fièrement autrefois l'un de ses ascendants idéologiques. Il est des filiations qui ne se renient pas. Les débordements de la jeunesse ne se déroulent pas uniquement sur la voie publique. Ils peuvent aussi avoir lieu dans la sphère privée, dans l'intimité des relations interpersonnelles, en principe à l'abri des regards. Il ne faut pourtant pas s'interdire d'agir là-dessus aussi. Le 18 juillet dernier, Gérald Darmanin, ministre de l'Intérieur au pouvoir très étendu, a fait interdire la vente aux mineurs d'un roman jeunesse dont certaines scènes ont été jugées pornographiques. Voilà un grand moment de puritanisme imbécile et pour le moins opportuniste. La sexualité de l'adolescence dérange encore et toujours certains esprits qui soit ont raté ce moment initiatique, soit l'ont étonnamment oublié. C'est le moment de la découverte de son propre corps, « la construction de sa capacité à désirer le désirable, etc. Thierry Magnier, éditeur du livre censuré, voulait « montrer comment la littérature, à un âge donné, accompagne cette découverte-là ». Et tant pis si, parfois, les récits abandonnent la littérature en route, pour ne plus raconter que l'été et les corps. » Mais, cela est intolérable aux yeux de ce qui pourrait devenir une nouvelle police des mœurs.</p> <p>On en conviendra : il se cache derrière ces divers évènements, tous intervenus en juillet quand le citoyen a la tête ailleurs, un manque caractérisé de sérénité. Pour faire bonne mesure, il fallait bien que Jupiter apporte sa pierre à cette fébrilité estivale. Il le fit depuis son lieu de vacances aoutien. Un œil sur le lointain Niger, l'autre sur les banlieues toutes aussi lointaines pour lui, il a prévenu qu'aucun débordement dans les quartiers populaires ne sera toléré à la rentrée. Les mauvaises langues, dont nous ne sommes pas, diront que le monarque verse là de l'huile sur le feu ! En fait, il sait pertinemment que les motifs d'un possible embrasement sont de plus en plus criants. Il y répondra, le cas échéant, avec ses plus fidèles lieutenants, par de nouvelles manifestations du rabougrissement en marche.</p></div>
Blanquer : un ministre symbolique
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http://la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article27442022-02-18T02:24:00Ztext/htmlfrYann Fiévet<p>Quand Yann Fiévet fait le bilan d'une action publique, il est sévère, équitable et juste. Si ce bilan est calamiteux, il le dit, et avec d'autant plus d'aplomb qu'il est lui-même enseignant</p>
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<div class='rss_texte'><p>A trois mois du scrutin présidentiel, le plus fidèle lieutenant de Jupiter s'est lamentablement pris les pieds dans le tapis. Cela s'est passé à Ibiza la veille de la rentrée des classes. On reconnait d'emblée ici Jean-Michel Blanquer soi-même, ministre de l'Education dite Nationale, dont la bonne étoile semblait pâlir de jour en jour depuis un bon moment. En faisant connaître depuis les Baléares aux très nombreux professeurs de France, le dernier jour des vacances de Noël, dans les colonnes d'un journal privé, un nouveau protocole sanitaire devant prendre effet dès le lendemain dans tous les établissements scolaires, le ministre que l'on continue de croire intangible a commis un inquiétant faux pas. Comme à son habitude il ne semble pas en avoir été troublé. Il s'est borné à dire qu'il comprenait que le choix d'Ibiza avait une symbolique forte dans les circonstances actuelles. Le trouble est ailleurs. Et, c'est peu dire qu'il est de taille. Auprès de la « communauté enseignante » d'abord, des parents d'élèves ensuite, de tous ceux pour qui l'Ecole est essentielle à l'avenir du pays enfin. Le problème dépasse donc de très loin la personne du ministre susnommé. De fait, ce dernier ne croit pas si bien dire : il est indubitablement symbolique du macronisme qui s'échine à détruire à petit feu le « bien commun » depuis cinq ans.</p> <p>Il restera dans la mémoire collective que Jean-Michel Blanquer aura été le ministre de l'Education Nationale à la plus longue longévité de toute l'histoire de la cinquième République. Il aura tenu tout le long du quinquennat d'Emmanuel Macron malgré toutes ses approximations, son incapacité criante à réformer efficacement l'Ecole, la détestation grandissante qu'il a suscité au sein de l'institution scolaire. Disons-le tout net : ce ministre fut incompétent. Encore faut-il dire en quoi il le fut. Le florilège serait trop long à dresser, nous nous arrêterons donc aux traits les plus saillants du fiasco. L'incompétence du ministre est de trois ordres : d'abord du côté des réformes mises en oeuvre, notamment au lycée ; ensuite du côté du mépris affiché à l'encontre des enseignants ; enfin du côté de l'incapacité – ou du manque de volonté à prendre sérieusement en compte les enjeux de l'éducation d'aujourd'hui. Sur tous ces aspects on retrouve la similitude avec la manière de gouverner du Président de la République. Citons-en pêle-mêle quelques exemples. La réforme du baccalauréat et l'éclatement des filières y conduisant auxquelles il a été substitué un fatras d'options et de spécialités ont plongé les élèves dans une situation de stress permanent fort peu propice à l'étude. L'usine à gaz nommée Parcoursup, dont toutes celles et ceux qui l'ont pratiqué ont compris que c'est un outil de consolidation des injustices sociales et scolaires, aggrave dramatiquement l'angoisse des élèves au moment de choisir leur décisive orientation post-bac en raison de la durée excessive de la procédure, de l'opacité des algorithmes mis en place dans les diverses voies de formation, de la compétition généralisée entre élèves. La réforme de l'enseignement professionnel est elle-même catastrophique, réduisant notamment les heures de Français et Histoire/ Géographie à 2,5 heures par semaine en Terminale. Par ailleurs, le ministre a fort peu agi pour changer la question de l'intégration des élèves en situation de handicap, Abandonnant les enseignants et les accompagnants, ainsi que les familles et leurs enfants à des comptes d'apothicaires par lesquels on répartit les aides à la demi-heure près. Voilà pour le « cœur de métier du ministre. C'est peu glorieux.</p> <p>Il convient d'ajouter à ce bilan désastreux le mépris affiché par le ministre tout au long de « sa mission ». Il a incontestablement sous-estimé l'épuisement des personnels avant même la crise sanitaire, en particulier lors du suicide de la directrice d'école Christine Renon. Il a ouvertement accusé les grévistes qui l'alertaient sur leurs conditions de travail, « d'instrumentaliser » le suicide professionnel de cette directrice d'école. Il a soutenu une réforme des retraites qui réduisait les pensions des enseignants et envisageait de les faire travailler au-delà de 65 ans. Il a soutenu une politique de répression violente contre les lycéens qui défendaient le baccalauréat. Il a expliqué que des enfants souffraient des violences intrafamiliales et du choc psychologique durant les confinements et cependant leur a fait reprendre le chemin de l'école sans soutien psychologique, sans cellule de crise et surtout sans renforcement des services sociaux ou de santé scolaire. Il a maintes fois affirmé que l'école était le lieu le plus sûr, sans jamais relancer un service de médecine du travail digne de ce nom ni améliorer le service de santé scolaire. Il a jeté l'opprobre sur « les salles de profs gangrénées par les islamo-gauchistes » au moment où les enseignants commémoraient la mort de Samuel Paty. Il a sous-entendu que les enseignants étaient une profession absentéiste, alors qu'ils s'efforcent jour après jour de maintenir debout un service d'éducation en grande difficulté. Il a jeté le discrédit sur les organisations syndicales qui l'alertaient, tout en finançant dans le même temps, aux frais de son ministère, le syndicat lycéen « maison » qu'il avait lui-même suscité afin de renforcer la promotion de ses réformes fort critiquées. De mémoire de professeur, on n'avait jamais vécu autant de mépris émanant d'un seul « patron » de l'Ecole !</p> <p>Ne nous trompons pas cependant de diagnostic. En filigrane des approximations, des maladresses et du mépris affiché par ce calamiteux ministre on décèle clairement une vision néolibérale de l'intégration de l'Ecole dans l'économie dominante faite de compétition exacerbée entre les individus. Une Ecole élitiste se met en place dans laquelle les élèves des milieux sociaux favorisés sont à leur aise quand les autres, tous les autres, ne disposent pas ou fort mal des clés de compréhension nécessaires pour évoluer sereinement vers leur avenir. Les réformes souhaitées par Emmanuel Macron pour l'enseignement supérieur ne font que confirmer ce diagnostic. Du même coup, l'on comprend pourquoi Jupiter n'a jamais envisagé, au-delà de quelques recadrages de pure forme, de remplacer son plus fidèle lieutenant.</p></div>
Enseigner
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http://la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article25632020-11-16T23:32:37Ztext/htmlfrYann Fiévet<p>Enseignant lui-même, Yann Fiévet rend hommage à son collègue Samuel Paty, lâchement assassiné par un terroriste. Au-delà, il interroge l'institution de l'Education nationale, en pointe les failles, et dénonce leur aggravation par des réformes qui contribuent à la dégrader plus encore et l'éloignent de sa fonction première : éduquer des citoyens. Illustration par Fedetlib</p>
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<div class='rss_texte'><p>Quel beau métier professeur ! Un torrent de louanges s'est subitement abattu sur la tête de l'ensemble des enseignants de France. Ils en sont probablement tous honorés au moment où l'un des leurs est mort à cause de l'exercice inflexible de son métier. Une mort insupportable consécutive à l'acte ignoble commis par un fanatique islamiste ayant bénéficié sans aucun doute de diverses complicités grâce, notamment, au climat délétère des réseaux dits sociaux et leur rôle imbécile et nauséabond. Les déclarations officielles qui s'ensuivirent immédiatement semblent sans ambigüité : ce sont les valeurs de la République qui sont attaquées au travers de l'assassinat de Samuel Paty ; c'est parce que l'Ecole républicaine a la mission indiscutable d'enseigner ces valeurs que ce professeur d'Histoire-Géographie a tragiquement perdu sa vie. Nous allons donc renforcer cette mission, remettre les enseignants au centre de l'Ecole, etc. Cependant, il est permis de s'interroger : les louanges adressées aux professeurs aujourd'hui ne sont-elles pas comparables aux applaudissements adressés aux personnels soignants des ^hôpitaux hier ? Quand l'émotion va retomber de quelle réalité tangible sera fait le quotidien des « soldats de la laïcité » ? Et, n'y a-t-il vraiment que l'islamisme pour attaquer les valeurs de l'Ecole républicaine ?</p> <p>Enseigner est incontestablement devenu difficile. Mais, l'accentuation de la difficulté d'enseigner n'est pas principalement due au manque de savoir des enseignants ou à des lacunes éventuelles dans leur maîtrise des méthodes de transmission du savoir. Ils ont étudié avant d'enseigner, continuent de le faire. Ils sont motivés. Ils aiment transmettre. Seulement voilà : le contexte dans lequel s'exerce leur « mission » a profondément changé au cours des trente dernières années. L'auditoire des professeurs est désormais pour partie influencé par la (re)montée du religieux - toutes obédiences confondues – qui relativise, souvent jusqu'à l'absurde, le discours de la raison. Les croyances sont tenaces, profondément ancrées au sein de certaines familles, entrant possiblement en conflit avec le savoir du professeur. Il faut alors à celui-ci beaucoup de patience, de tact et du temps de dialogue à consacrer aux élèves les moins enclins à entendre un discours susceptible de heurter leurs croyances. Voilà quelques années un élève de Terminale S d'un lycée de la banlieue nord de Paris fait une révélation à son prof de philo : dans un pays d'Afrique, une femme déchire un Coran dans un accès de colère et est immédiatement métamorphosée en … kangourou. Tu ne crois tout de même pas ce genre de sornettes, rétorque le professeur. C'est vrai, je vous assure, je l'ai vu sur l'Internet. Ceci n'est, bien sûr qu'une anecdote et ne concerne qu'un élève au sein d'une classe – certes scientifique – de trente-cinq élèves surfant tous néanmoins sur la Toile tous les jours. Dans certaines classes de « zones sensibles » ces anecdotes uniques font hélas florès. Le professeur doit donc désormais lutter aussi contre les « fausses nouvelles » que colportent les réseaux sociaux. Face aux croyances religieuses ouvertement affichées, aux théories complotistes, aux prises de position pseudo-scientifiques en tous genres le professeur ne peut être vraiment pertinent si son auditoire fragile est beaucoup trop nombreux. Toutes les classes ne se valent pas, certaines réclament plus d'attention que d'autres.</p> <p>Ainsi, l'Institution scolaire ne saurait s'absoudre de tout reproche. Elle ne fait pas que refuser – depuis trop longtemps – de lutter contre la surcharge des classes dans les quartiers et banlieues déshérités. Dans les toutes récentes déclarations présidentielles et ministérielles il est proclamé que le rôle de l'Ecole est de former les futurs citoyens. Soit ! Pourtant, cela fait très longtemps que nombre d'enseignants dénoncent le fait que dans les orientations officielles de l'Education Nationale l'on fait la promotion de « l'apprentissage des compétences » au détriment de l'acquisition des savoirs, en accord du reste avec les directives européennes en matière éducative. La doxa scolaire depuis trente ans considère que la mission première de l'Ecole est de former les futurs bons producteurs et consommateurs dont le Marché a besoin. La formation du citoyen vient en arrière-plan. Cette inversion des valeurs innerve progressivement les programmes proposés aux élèves et auxquels les professeurs sont sommés de se soumettre. Il y a beau temps que dans les textes officiels on ne parle plus d'élèves mais d'apprenants. Il ne s'agit plus d'élever la jeunesse au-dessus de la glèbe, de l'arracher à la vulgate omniprésente mais de lui inculquer les bonnes manières qu'attend l'économie néo-libérale toute-puissante. Doit-on chercher ailleurs les raisons de l'incapacité de l'Institution à réduire les inégalités scolaires ? Elle les aggrave au contraire, les enfants des classes dominantes pouvant trouver en-dehors du cadre scolaire le savoir qui pourrait leur manquer pour garder en main les rênes de la société. La réforme du baccalauréat voulue par M. Blanquer va encore accentuer ces inégalités : dans nombre de lycées mal situés elle est d'ores-et-déjà impraticable. Là aussi de nombreux professeurs avaient mis en garde. Certains d'entre eux « étaient encore menacés de révocation au début du mois d'octobre pour s'être ouvertement opposer à cette réforme désastreuse l'an dernier.</p></div>
EN MÉMOIRE DE RUY RODRIGUES DA SILVA
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http://la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article22462018-02-19T22:05:00Ztext/htmlfrJean-Luc GonneauIl compta parmi nos premiers auteurs, nous fournissant des articles éclairants sur son pays, le Brésil, au moment où l'élection de Lula à la présidence de la république ouvrait de nouvelles perspectives pour une justice sociale tant attendue dans ce pays. Nous le connaissions déjà, celui qui fut l'un des plus jeunes ministres (de l'éducation, déjà) d'un état brésilien, le Goias, puis partira parmi les premiers en exil en France lors de la dictature militaire. Long (...)
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<div class='rss_texte'><p>Il compta parmi nos premiers auteurs, nous fournissant des articles éclairants sur son pays, le Brésil, au moment où l'élection de Lula à la présidence de la république ouvrait de nouvelles perspectives pour une justice sociale tant attendue dans ce pays. Nous le connaissions déjà, celui qui fut l'un des plus jeunes ministres (de l'éducation, déjà) d'un état brésilien, le Goias, puis partira parmi les premiers en exil en France lors de la dictature militaire. Long exil, près de 20ans, pendant lequel, souvent avec la Cimade, il conduisit ici, en Afrique, en Asie. Quand il repartit pour son pays natal afin d'y créer la première université de l'état du Tocantins, il avait acquis la nationalité française et fit moult voyages dans notre pays, où à chaque fois, nous le retrouvions, petit homme élégant, souriant mais énergique, la tête emplie de projets de coopération et gardant toujours à l'esprit des principes auxquels il ne dérogea jamais : la haine de la corruption, l'importance de l'éducation (professeur, pédagogue hors pairs) et celle de la justice sociale, ne séparant pas l'une de l'autre, que ce soit dans ses projets internationaux ou dans ceux du Tocantins, où nous l'accompagnâmes quelques fois.</p> <p>Lors de son dernier voyage à Paris, à l'orée de ce siècle, il luttait contre les premiers symptômes d'un mal incurable (maladie d'Alzheimer). Les nouvelles s'espacèrent, le téléphone même finit par ne plus servir. Et nous apprîmes, avec bien du retard, son décès voici presque deux ans.</p> <p>Je me souviens de son commentaire ironique lorsqu'il prit connaissance du numéro où parut son premier article : « Dites-moi, c'est une synthèse entre Le Monde et Charlie Hebdo que vous essayez, là ? ». On n'y avait pas pensé, on ne l'a pas vraiment fait, mais Ruy Rodrigues Da Silva a été de ceux qui nous ont ouvert la voie. Obrigado, Ruy !</p></div>
SUR LA « CRISE » DE L'ECOLE
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http://la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article17222013-10-10T17:14:48Ztext/htmlfrJean-Luc GonneauLa constante remise en cause du fonctionnement du système éducatif français repose le plus souvent sur un reproche d'inefficacité. Dans ce cadre, le corps enseignant sert souvent de bouc émissaire. Il serait « coupé des réalités », organisé en groupe de pression inexpugnable et foncièrement « conservateur ». A droite, on entend encore qu'il s'agit d'un corps « politisé » (traduire : qui ne vote pas majoritairement à droite). Arrêtons cette litanie, qui pourrait être (...)
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<a href="http://la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique34" rel="directory">Education et Recherche</a>
<div class='rss_texte'><p>La constante remise en cause du fonctionnement du système éducatif français repose le plus souvent sur un reproche d'inefficacité. Dans ce cadre, le corps enseignant sert souvent de bouc émissaire. Il serait « coupé des réalités », organisé en groupe de pression inexpugnable et foncièrement « conservateur ». A droite, on entend encore qu'il s'agit d'un corps « politisé » (traduire : qui ne vote pas majoritairement à droite). Arrêtons cette litanie, qui pourrait être longue. Les enseignants, pris dans leur ensemble, ne sont pas plus, ni moins, exempts de reproches que d'autres corps de métier. Et la question centrale de la « crise » du système éducatif n'est sans doute pas là.</p> <p><strong>La fonction éducative</strong></p> <p>A quoi sert l'éducation, à quoi sert l'école ? La réponse à cette question révèle des clivages, dont la plupart sont déjà anciens, mais qui perdurent, et dans certains cas se renforcent. La tradition de l'enseignement « laïque et obligatoire » fournit une réponse à peu près claire. L'école est le lieu ou se forment des citoyens, c'est à dire des hommes et des femmes ayant acquis la capacité de juger et d'agir par eux-mêmes. C'est, en ce sens, une école émancipatrice, qui a pour ambition, le temps de l'enseignement, de transcender les classes sociales (« l'école est la même pour tous »), donc de donner les mêmes chances à chacun, de privilégier la raison par rapport aux croyances, ce qui allumera la « guerre scolaire », qui dure encore, par soubresauts, entre l'enseignement public et l'enseignement privé confessionnel (abusivement auto-qualifié de « libre »).</p> <p>Acquérir la capacité de juger et d'agir par soi-même : la formule induit élégamment les objectifs concrets de l'institution scolaire. Il s'agit d'acquérir des savoirs et d'apprendre à les critiquer (jugement) et à s'en servir (agir). Cette conception, étonnamment, ne fait pas l'unanimité. Si personne ne critique le principe d'acquisition de méthodes et de savoirs, le contenu de ces savoirs a fait, et fait encore, l'objet de vifs débats : disciplines « inutiles » (éducation civique, philosophie, sociologie, latin et grec, histoire des religions etc...), ou inadaptées (certains enseignements à finalités professionnelles...). Il en est de même des méthodes d'acquisition (théorie des ensembles, méthode globale d'apprentissage de la lecture...), et du volume des savoirs à acquérir (confère les débats portant sur l'« allègement » des programmes).</p> <p>Depuis longtemps, le patronat critique, parfois avec virulence, toujours avec ténacité, l'inadaptation de l'enseignement aux besoins des entreprises et tente de s'immiscer dans le système d'enseignement public, tout en développant le sien propre. Sa position, sur le fond, c'est que l'école n'a pas pour fonction principale de former un bon citoyen, mais de former un bon « professionnel ». Tout comme l'école confessionnelle a pour fonction de former un bon chrétien (ou autre). Certes, un bon professionnel, ou un bon chrétien peut aussi être un bon citoyen, mais ce n'est pas du même ordre.</p> <p>Pour nous, il n'y a pas photo : nous restons attachés à la fonction de production citoyenne de l'école. Et nous ne rentrerons pas ici dans les querelles pédagogico-pédagogiques, sauf si elles recouvraient plus ou moins pernicieusement des dérives susceptibles de remettre en cause l'objectif citoyen du système : c'est probablement le cas des attaques passées des enseignements philosophiques ou de sciences humaines, soupçonnés de trop former à la critique, et on a pu voir, dans les réformes « allégeantes » que prisait tant Claude Allègre, une menace sur le volume de connaissances nécessaires pour la formation citoyenne, d'une part, et un danger d'apartheid social scolaire en faisant une part accrue aux enseignements « prenant en compte les réalités locales » : aux uns Camus et Stendhal, aux autres les BD ( et Marx pour personne : plus à la mode ! ).</p> <p>Si crise il y a, et crise il y a, elle est pour nous moins à rechercher dans les finalités du système scolaire proprement dit que dans l'architecture des différentes composantes de l'éducation. On peut certes améliorer le fonctionnement du système scolaire en place (où, par exemple, les systèmes de sélection élitaires sociaux n'ont jamais disparu), mais sa fonction essentielle n'est pas en cause. Il n'empêche que la mutation formidable du dernier demi-siècle a été l'irruption de masse des élèves dans l'enseignement secondaire (et, à un degré moindre, supérieur), et que les structures en place ont été mal préparées à ce changement majeur. On peut en accuser les enseignants, on ferait mieux de critiquer les politiques.</p> <p><strong>Les mutations éducationnelles</strong></p> <p>Le système scolaire n'a jamais été le seul lieu de l'éducation. Le milieu familial et le milieu social sont d'autres vecteurs importants, qui transmettent des flux culturels puissants. Dire que la structure familiale a changé est d'une banale évidence. On peut s'en désoler, ou s'en féliciter : le système ancien avait ses avantages (solidarités, repères...) et ses inconvénients (haines, bornes...), le nouveau aussi (indépendances, souplesses, mais ruptures, isolements). Mais, de toute façon, on ne reviendra probablement pas en arrière. L'environnement social a lui aussi changé. On est passé d'un système rural, plus fortement solidaire et contraignant, à un système urbain, plus anonyme et permissif. Dont acte. Le « savoir social », et certains types de savoirs familiaux, se sont donc modifiés, et probablement dilués.</p> <p>Mais d'autres sources de connaissances, puissantes, sont apparues : les médias audiovisuels. Les systèmes d'informations médiatiques, y inclus leurs capacités manipulatrices et « désinformantes », ne sont pas nouveaux. Mais le système éducatif, dans son volet scolaire, avait largement assimilé la civilisation de l'écrit. Nul n'est certes parfait, mais il entrait clairement dans la fonction éducative de savoir maîtriser, et par conséquent critiquer, l'écrit. Les rapports alarmants sur l'évolution du taux d'illettrisme ne manquent pas, et interpellent l'institution scolaire, qui devrait, sur ce point, être plus efficace. Il demeure que le taux d'alphabétisation est, tout de même, très élevé.</p> <p>L'irruption du son (radio, disque) et de l'image (cinéma, télévision, internet) a radicalement changé la donne. Aujourd'hui, ni la structure scolaire, ni la structure familiale, et moins encore la structure sociale, ne sont en mesure, à quelques bribes près, de produire une éducation correspondant à une sorte de civilisation de l'image, ou encore, comme on commence à dire, non sans abus, naïf ou pas, une civilisation de l'information. Nous sommes, globalement, des analphabètes de l'image. Ajoutons aussi que le secteur de la communication audiovisuelle constitue un considérable enjeu financier, sans commune mesure avec celui de l'écrit, et que le secteur marchand y a une part très dominante : le souci éducatif n'y est donc pas vraiment premier.</p> <p><strong>Education, réalisme et progrès social</strong></p> <p>Ce qui ressort des points précédents n'appelle pas de bien grands développements, tant les évidences sautent aux yeux. La qualité de l'éducation est un facteur essentiel pour favoriser le progrès social. L'éducation joue même un rôle moteur : elle est à la fois condition et conséquence du progrès social (Condorcet n'est jamais bien loin, finalement). Un minimum de réalisme serait de prendre en compte les mutations en cours pour façonner le système éducatif. Il existe des moyens pour inciter les parents, même dispersés, à mieux jouer leur rôle : on pourrait les développer, de même que les modes émergents de solidarités urbaines peuvent être encouragés.</p> <p>Quant au traitement de la civilisation de l'information, outre de nécessaires mesures de réglementations éthiques qui ne soient pas des censures, son insertion dans le système éducatif est en partie un problème technique (former des enseignants, mettre à disposition des matériels pédagogiques) et en partie un problème économique : le « marché » des jeunes est un enjeu primordial pour les médias audiovisuels, qui multiplient les tentatives pour entrer dans l'école, hors de tout souci éducatif, ou bien se dissimulant derrière des jeux ou des kits prétendus « pédagogiques », avec parfois des complicités à l'intérieur de l'institution, y compris aux plus hauts niveaux .</p> <p>On peut certes se dire, par lassitude ou par cynisme, que les abus manipulatoires des médias éveilleront d'eux mêmes l'esprit analytique et critique des populations. Mais nous pensons que l'institution éducative a un rôle à jouer, et qu'elle ne le joue pas. Et qu'un principe de réalisme bien compris serait de lui en donner les moyens, ce qui ne doit pas être bien difficile. Les empêcheurs de tourner en rond estimeront que ce n'est pas suffisant, que l'un des noeuds du problème est de limiter la concentration médiatique, pour garantir une pluralité d'information, elle même féconde en alimentation citoyenne. Ils n'ont probablement pas tort.</p> <p>Il demeure que le problème de l'efficacité du système éducatif reste posé. On peut certes mesurer des niveaux d'acquisition de connaissances (les diplômes sont faits pour ça), voire des acquis méthodologiques. Mais peut-on mesurer la « qualité citoyenne » obtenue grâce au système éducatif ? Pas à notre connaissance. Peut-être est-ce tant mieux ...</p></div>
DE LA FATIGUE D'APPRENDRE
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http://la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article16832013-07-12T15:42:28Ztext/htmlfrYann FiévetL'affaire est entendue : notre société est tourmentée par plusieurs crises simultanées. L'on parle abondamment de la crise économique ou de la crise sociale, un peu moins de la crise politique, moins encore de la crise écologique. Et si la crise de la culture « était de loin la plus grave, celle qui amputerait profondément notre capacité à soigner tous nos maux ? La culture d'une nation est ce qui permet à ses membres d'emprunter au passé régulièrement revisité la (...)
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<div class='rss_texte'><p>L'affaire est entendue : notre société est tourmentée par plusieurs crises simultanées. L'on parle abondamment de la crise économique ou de la crise sociale, un peu moins de la crise politique, moins encore de la crise écologique. Et si la crise de la culture « était de loin la plus grave, celle qui amputerait profondément notre capacité à soigner tous nos maux ? La culture d'une nation est ce qui permet à ses membres d'emprunter au passé régulièrement revisité la force de vivre paisiblement le présent et de préparer intelligemment le futur. Au cœur de la culture l'on trouve le savoir et ses lieux d'acquisition. Au commencement est donc l'Ecole. C'est peu dire que cette institution maintes fois « réformée » est aujourd'hui en crise. Et peut-être pas d'abord pour les raisons les plus communément admises. Apprendre – tout comme s'informer – dans une société devenue paresseuse apparaît désormais par trop fatiguant à la plupart de nos congénères.</p> <p>Plutôt que de s'interroger à propos de l'éventualité du recul progressif de la soif d'appendre l'on préfère le plus souvent se contenter du constat évident que le savoir a profondément changé tout au long du « siècle du progrès ». Les découvertes scientifiques et techniques rendant intelligibles d'ancestraux mystères ou faisant reculer de vieilles incertitudes, les avancées dans le domaine du calcul des grands nombres, couplé à l'accélération dudit calcul, ouvrant le monde à sa quantification générale, la satisfaction grandissante des besoins individuels largement suscités par la « société de consommation », devenue même consommationnisme, assurant la domination du matériel sur le spirituel, tout cela a permis aux sciences dites rationnelles de prendre définitivement le pas sur les sciences humaines ou sociales simplement raisonnables. L'Emprise des Chiffres a remplacé « la République des Lettres ». Ce nouveau « totalitarisme est éminemment dommageable. Sa caricature tient par exemple dans l'outrance de la mathématisation de la « science économique »qui ne prévoit presque rien mais tient pourtant le haut du pavé. De moyen aidant les hommes à comprendre ce qui les entoure le chiffre devient la fin à atteindre absolument. Alors que le maître mot du discours politique gestionnaire et de la prétention économique est le mot efficacité la société se disloque sous les effets destructeurs du chômage de masse et de la précarité montante. Nous sommes très loin de tout comprendre !</p> <p>Le champ du savoir est immense. Il est encore à défricher en maints endroits, la friche ayant même repris ses droits sur des parcelles autrefois cultivées et délaissées depuis. Il est surtout très morcelé. La friche et le morcellement du savoir ont été amplifiés par les outils de la communication moderne quand bien même ces outils nous étaient vantés comme devant nous faciliter l'accès à l'immensité des connaissances disponibles de par le monde. Finalement, la profusion est effrayante ou, à tout le moins, désarçonnante pour le plus grand nombre des individus. Quand à la facilité d'accès, elle se résume le plus souvent à la rapidité saisissante d'obtention d'informations propulsées au travers de réseaux électroniques interconnectés. L'acquisition du savoir a besoin de temps, le temps de la réflexion, temps que l'on ne prend plus, temps jugé perdu à l'ère de la vitesse érigée en vertu cardinale. Combien de professeurs sont confrontés à l'exercice favori de nombre de leurs élèves qu'est le copier-coller tiré de « la toile », ultime amortisseur tendu aux cohortes n'ayant plus le temps d'apprendre. On ne lit plus de livres. On ne s'informe plus par la lecture d'articles complets. On en recherche des condensés que l'on collera « par cœur » ici ou là comme autant de bribes d'un savoir restant inconnu pour l'essentiel. Comment s'étonner alors que notre époque soit celle de la confusion du contenant avec le contenu, les tuyaux avec la pensée qui peut y circuler, l'Eglise avec la religion, BHL avec la philosophie, la politique avec le politique, la communication avec l'information ? L'enveloppe est grande et belle ; la lettre qu'elle renferme est courte et vulgaire. Et l'Ecole bienveillante d'accélérer le phénomène.</p> <p>Le savoir est encore dans les livres. Il faut aller l'y cueillir, puis se l'approprier à partir de soi et en confrontation avec autrui. Cependant, il convient pour cela de redécouvrir, loin de l'artificialité de la vidéosphère, les charmes du « colloque singulier », ce temps à soi et pour soi où chacun dialogue avec lui-même. Tout ce qui fait l'âme humaine et ses méandres se trouve déjà dans les grands textes des écrivains et philosophes du passé. Nombre d'écrits contemporains ne sont souvent du reste que de pâles redites involontaires face aux richesses littéraires patinées par le temps. Mais, qui lit encore Hugo, Balzac, Dostoïevski ou Kafka pour comprendre les ressorts profonds gouvernants intemporellement les organisations humaines ? Balzac, par la puissance de « la comédie humaine », est un émérite sociologue d'avant même l'invention de la sociologie. Qui mieux que Dostoïevski dépeint les affres de la misère et la fatale impossibilité de la quitter ? Notre époque qui ne sait plus regarder le visible mais cherche à percer tous les secrets de l'invisible – aidée en cela par les promesses les plus folles de la Science et la fascination pour la Technique - a la nécessité de réhabiliter les sciences humaines et sociales, de faire vivre les « belles » Lettres et les questions de Sophie, de faire reculer le calcul froid et omnipotent des experts patentés. Sinon, où irons-nous ?</p> <p>Les élites qui gouvernent notre société, elles-mêmes bien moins cultivées que leurs devancières, ont-elles intérêt à résoudre la crise de la culture ? Rien n'est moins sûr, hélas ! Imaginons que nos citoyens en herbe ou déjà avertis de la chose politique découvrent les splendeurs, aujourd'hui largement oubliées, du subversif Octave Mirbeau. Ils tomberaient par exemple sur « la grève des électeurs », ouvrage publié en 1888 et dénonçant la mascarade de l'électoralisme. A l'heure du hollandisme mou succédant au sarkozysme gesticulateur, des conflits d'intérêts multiples, du bradage du bien commun, ce livre somptueusement écrit et sur lequel l'histoire du XXème siècle n'a laissé aucune ride, ferait de sérieux ravages. Un monde nouveau pourrait en sortir. Qui osera ouvrir cette boîte de Pandore ?</p> <p><i>Le blog de Yann Fiévet : www .yanninfo.fr</i></p></div>
QUALIFICATIONS DANS L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR : AMERE VICTOIRE
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http://la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article16812013-07-12T15:31:05Ztext/htmlfrJérôme ValluyL'amendement n°6 supprimant les qualifications par évaluation des travaux scientifiques et pédagogiques au Conseil National des Universités a été retiré, grâce à la mobilisation immédiate de la communauté universitaire pour défendre cette forme d'évaluation intelligente ainsi que la centaine de disciplines scientifiques et pédagogiques représentées au Conseil National des Universités : 16 000 signatures de la pétition nationale en 48 heures, des dizaines de communiqués (...)
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<div class='rss_texte'><p>L'amendement n°6 supprimant les qualifications par évaluation des travaux scientifiques et pédagogiques au Conseil National des Universités a été retiré, grâce à la mobilisation immédiate de la communauté universitaire pour défendre cette forme d'évaluation intelligente ainsi que la centaine de disciplines scientifiques et pédagogiques représentées au Conseil National des Universités : 16 000 signatures de la pétition nationale en 48 heures, des dizaines de communiqués d'organisations syndicales et d'instances scientifiques. Victoire ! ...est-ce une victoire ?</p> <p>Amère victoire pour les étudiant-e-s et leurs familles pour qui, par ailleurs, cette loi LRU-2 maintient les orientations délétères fixées par le gouvernement précédent de démantèlement du service public national d'enseignement supérieur. Les promesses électorales de préservation budgétaire du secteur de l'éducation nationale ne sont pas tenues dans le supérieur : sous le subterfuge de "l'autonomie" des dizaines d'universités sont mises en faillites par sous-dotation budgétaire. Ce sont deux millions d'étudiant-e-s et les familles les plus dépendantes du service public, qui sont victimes de ces politiques : victimes des coupes dans l'offre de formation et volumes horaires enseignés ; victimes pour leur accueil des restructurations de services administratifs et documentaires ; victimes pour leur encadrement pédagogique des gels de postes d'enseignants.</p> <p>Amère victoire pour les enseignants-chercheurs : il restera de cet épisode la trace d'une nouvelle attaque contre les statuts nationaux et contre une forme d'évaluation intelligente basée sur la compétence scientifique et pédagogique de celles et ceux qui l'exercent ainsi que sur le pluralisme que permet leur élection au scrutin proportionnel par l'ensemble des enseignants-chercheurs, dans chaque discipline scientifique et pédagogique, sur listes librement constituées. Après des années de propagande politique pour faire croire à la population que les enseignants-chercheurs ne sont pas évalués... quelle étonnante attaque politique contre le seul système d'évaluation qui vaille, des biologistes par des biologistes, des sociologues par des sociologues, des pharmaciens par des pharmaciens... et cela pour des centaines de disciplines qui ne peuvent être ainsi représentées qu'au niveau national.</p> <p>Amère victoire pour tous les français de plus en plus nombreux à comprendre ce que "autonomie" et "régionalisation" des universités signifie : démantèlement du service public universitaire national par désengagement financier de l'État ; dilution des responsabilités politiques de ces mises en faillites entre de multiples décideurs qui pourront se renvoyer la balle ; subordination politique croissante du fonctionnement des universités aux acteurs locaux, politiciens et entreprises ; renforcement des inégalités territoriales et sociales, pour la plus large partie de la population qui ne trouvera plus à proximité les possibilités souhaitées de formation supérieure et devra renoncer à ce niveau de formation (les baisses d'inscriptions sont déjà perceptibles) ou assumer des coûts exorbitants pour faire des études au loin.</p> <p>Nous sommes arrivés aujourd'hui à défendre le statut national d'enseignant-chercheur mais nous sommes loin de parvenir à défendre un service public national gratuit, laïque et indépendant d'enseignement supérieur et de recherche... toujours en cours de démantèlement sous les poids conjugués des idéologies néo-libérales internationales et des replis égocentriques ou clientélistes régionalistes.</p> <p>Un véritable changement progressiste de politique publique nécessite l'élaboration d'un schéma national d'enseignement supérieur et de recherche pour assurer une offre de formation diversifiée, hors de toute spécialisation des territoires, afin de favoriser l'égal accès de tous à l'enseignement supérieur, lutter contre la désertification des territoires et l'accroissement des inégalités sociales. La ré-étatisation de la masse salariale et la gestion nationale des personnels s'imposent pour maintenir au plus haut niveau la qualité du service public d'ESR ouvert à tous les citoyens, dans toutes les régions. L'indépendance des universités vis à vis des acteurs politiques et économiques est vitale : la pédagogie et la science doivent être libres et la loi doit renforcer ces libertés académiques essentielles. Pour tout cela... tout reste à faire et il faut se battre.</p></div>
ENSEIGNEMENT SUPERIEUR : INSUFFISANCES ET INQUIETUDES
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http://la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article16642013-06-04T17:00:31Ztext/htmlfrMarie-George Buffet« Je veux remettre l'éducation et la jeunesse au cœur de l'action publique » ! C'est une des propositions phares du candidat François Hollande lors de sa campagne de l'élection présidentielle. Nous avons eu à débattre, dans cet objectif, d'un projet de loi de refondation de l'école, affichant un volet programmation portant 60 000 postes sur cinq ans. Nous pensions que la loi sur l'enseignement supérieur et la recherche auraient une ambition (...)
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<div class='rss_texte'><p>« Je veux remettre l'éducation et la jeunesse au cœur de l'action publique » ! C'est une des propositions phares du candidat François Hollande lors de sa campagne de l'élection présidentielle. Nous avons eu à débattre, dans cet objectif, d'un projet de loi de refondation de l'école, affichant un volet programmation portant 60 000 postes sur cinq ans. Nous pensions que la loi sur l'enseignement supérieur et la recherche auraient une ambition équivalente. Ce n'est pas le cas. Vous nous avez, Madame la ministre, expliqué en commission que vos objectifs seraient soumis aux arbitrages de Bercy. Les moyens d'une vraie ambition nationale pour le développement des connaissances, pour l'acquisition et la production des savoirs ne sont donc pas au rendez- vous, alors que les besoins sont immenses même si la commission a adopté la nécessité d'une future programmation pluriannuelle des moyens.</p> <p>Vous avez, procédé à une concertation du monde universitaire et de la recherche avec les Assises où la communauté scientifique s'était fortement impliquée. Or, aujourd'hui, à l'appel de leurs syndicats de la FSU, CGT, FO, Solidaires et à l'appel de nombreux collectifs, les universitaires et les chercheurs sont dans la rue pour demander le retrait de votre projet de loi ! Vous n'avez pas su, semble-t-il, tenir compte de la richesse de leurs propositions et recommandations. Alors qu'ils s'attendaient à une remise en cause claire de la loi LRU, mise en œuvre par la majorité précédente, les universitaires et chercheurs constatent que le décollage n'a pas eu lieu. Ils contestent la logique portée par ce projet, quant au rôle assigné par l'article 4 à l'Université et à la Recherche : la compétitivité de l'économie.</p> <p>Vous incluez dans ce projet de loi la logique du « pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi ». En fait, vous substituez à l'essor économique, social, culturel, industriel le concept de compétitivité. Un concept qui est un des derniers avatars du néolibéralisme. Vous substituez la concurrence des capitaux, casseuse d'emploi, en lieu et place d'une production durable pour répondre aux besoins des êtres humains. Notre pays a besoin au contraire, pour son essor scientifique et culturel, d'un développement exponentiel de coopérations, de mise en commun de ressources et de compétences intellectuelles à l'intérieur de l'hexagone mais aussi à l'échelle européenne et mondiale. La compétitivité, alliée à la régionalisation accentuée par amendement à l'article 12, ne correspond ni aux aspirations, ni à la pratique scientifique du monde universitaire et de la recherche. Cette fuite en avant dans la mise en place de grands complexes universitaires, mettant en concurrence régions ou métropoles est dangereuse. Une vision régionale ne peut remplacer la cohérence du service public et n'assure en rien l'égalité d'accès aux droits portées par la République pourtant affirmée à l'article 1.</p> <p>Vous nous dites, Madame la Ministre, que ce projet de loi a, avant tout, pour but la réussite des étudiants. L'objectif est juste. Et je me félicite à cet égard que la formation initiale n'ait pas été boutée hors du code de l'éducation ! Mais, pour parler réussite, il faut traiter de la question des inégalités sociales. Je partage d'ailleurs ce qu'en dit l'exposé des motifs du projet de loi qui indique que notre système « révèle son incapacité à assurer des parcours d'orientation et de formation réussis aux jeunes issus des familles les plus modestes ». Mais, pour répondre à ce défi, vous n'avancez pas sur l'allocation d'autonomie pour les étudiants ni sur un véritable pré-recrutement pour les futurs enseignants. Aussi, face à ces manques, je veux insister sur le besoin de développer l'aide sociale aux étudiants par l'intermédiaire des CROUS et CNOUS. Je veux d'autant plus le faire, que nous avons appris dans le même temps, le gel d'une partie des dotations au CNOUS et votre volonté de construire 40000 chambres d'étudiants ! Je me réjouis que nos amendements sur les nouvelles de l'observatoire de la vie étudiante et sur le développement des œuvres universitaires aient été acceptés en commission.</p> <p>Vous avez également, madame la Ministre, argumenté sur la réussite des étudiants grâce à une réforme du premier cycle visant une spécialisation moins précoce. Dans son rapport, Monsieur le rapporteur nous précise qu'une réforme de l'orientation aura lieu à la suite « du séminaire gouvernemental sur la compétitivité » .Le premier ministre a en effet annoncé « que serait amorcé, dès 2013, la mise en place d'un nouveau service public de l'orientation, du secondaire au supérieur.. » Un peu plus loin, le rapporteur précise « qu'une réforme globale du cycle licence fera l'objet de mesures d'ordre réglementaire ». Notre rapporteur nous indique que des mesures seront prises, mais elles ne figurent pas dans ce projet de loi. Vous comprendrez madame la ministre et cher-e-s collègues, que l'importance du sujet puisse nous porter à demander des précisions quant à vos intentions sur ces questions. Je voudrais à ce point de mon propos m'arrêter plus particulièrement sur le lien entre l'Université et les bacheliers professionnels et technologiques. Le projet initial leur permettait de bénéficier d'un système de quotas pour intégrer prioritairement les STS et les IUT, ce qui me semblait une mesure intéressante pour les jeunes concernés à défaut de couvrir l'ensemble du champ du cursus. Je m'inquiète de voir des amendements gouvernementaux sur l'article 18 soumettre ces quotas à une négociation avec les chefs d'établissement concernés ; les lycées privés étant eux exonérées de l'obligation de signer des conventions avec l'Université. Le problème reste donc posé pour ces jeunes qui risquent d'être soumis au bon vouloir de ce que l'on appelle le milieu socioéconomique de leur région et de se voir empêcher d'intégrer des cursus de second cycle et de recherche.</p> <p>La réussite, c'est aussi l'égalité républicaine devant le diplôme ou le concours. Or, malgré l'article 1 bis nouveau affirmant que l'Etat est le garant de l'égalité, nous craignons un glissement inéluctable vers des diplômes de groupements d'universités accroissant d'autant les inégalités territoriales que sociales. Car, si l'on fait le lien avec l'acte III de la décentralisation, ce qui nous est proposé peut conduire à l'éclatement du service public national au profit d'une conception européenne des régions. C'est ainsi que nous comprenons le glissement entre habilitation et accréditation en lien avec la création des Communautés d'Etablissements. Mais je me félicite que la commission ait adopté un amendement n'autorisant pas les établissements privés à délivrer des diplômes nationaux. Nos inquiétudes sont renforcées par le non revalorisation du périmètre d'action du CNESER. Enfin, je me félicite que l'article 2 sur l'enseignement en langue étrangère ait été modifié.</p> <p>Concernant la recherche, autant je me félicite que soit affirmé à l'article 11 « une stratégie nationale de recherche ...sous la coordination du ministre chargé de la recherche » autant je m'inquiète de l'alinéa suivant qui coince cette stratégie entre les choix de l'union européenne et des régions. Quant au transfert, nous ne pouvons que nous interroger de voir cette notion de transfert- même encadrée par les amendements adoptés en commission- devenir la mission prioritaire de la recherche. Comme le disent Claudine Kahane et Marc Neveu, co-secrétaires généraux du SNESUP : « combien de chercheurs passionnés ...expriment leur écœurement de ne plus disposer du temps long et des moyens pérennes, indispensables à la maturation de sujets de recherche ambitieux, à l'opposé du pilotage utilitariste et à courte vue... » Certes, des relations entre le monde scientifique et l'entreprise sont nécessaires, mais elles ne peuvent pas résumer l'objectif des missions de l'ESR comme les articles 55 le laissent supposer. Et surtout, c'est la coopération entre partenaires de choix construits sur la base du service public, sans domination de part et d'autre, qu'il faut viser. Sinon, on peut s'interroger sur le devenir de la recherche fondamentale ou sur celui de la recherche en sciences humaines et sociales. Les scientifiques sont acquis de longue date aux coopérations de toute nature mais ce dont ils et elles ne veulent en aucun cas, c'est de se soumettre à des exigences et à des injonctions qui sont extérieures à la logique scientifique.</p> <p>Encore faut-il d'ailleurs, pour qu'existe une coopération, que demeure une industrie et que celle ci s'imprègne de l'exigence de recherche en y consacrant les moyens adéquats pour une production de qualité et non pour les dividendes. En ce sens, je déplore que les rapports qui se succèdent et prétendent évaluer le CIR (Crédit Impôt Recherche) tout en s'interrogeant sur son efficacité, concluent à la nécessité de le reconduire. Ce sont en effet 5 milliards d'Euros qui sont soustraits à nos laboratoires publics au bénéfice d'entreprises comme Sanofi, Aventis, IBM, ou Texas Instruments ! On peut douter à la lumière de cette liste que ce dispositif ait fait ses preuves, notamment, Madame la Ministre, pour l'emploi. Ne faut-il pas, dès cette année, réintégrer la moitié des sommes dans le budget de nos laboratoires publics ? Ce serait un signe fort montrant que pour vous et votre gouvernement, le rôle de la production et de l'appropriation collective des connaissances est devenu l'une des grandes questions de notre temps ? En ce qui concerne l'évaluation, si on peut se satisfaire de la disparition de l'AERES (Agence pour l'évaluation de la Recherche Scientifique) on doit pourtant constater son remplacement par une structure quasi à l'identique. L'évaluation individuelle et collective est un exercice indispensable, mais elle doit avoir pour objectif constant l'amélioration du travail collectif de nos laboratoires et de celui de nos chercheuses et chercheurs, elle doit continuer à s'effectuer par les pairs extérieure, par exemple pour le CERN (Centre européen pour la recherche nucléaire) ce laboratoire gigantesque, témoin s'il en est de la coopération scientifique, technologique et industriel entre différents pays.</p> <p>Enfin, quelques mots sur la gouvernance. D'abord pour me féliciter de l'instauration de la parité dans les structures, même si hélas l'ANR est maintenue et l'AERES maintenue de fait. . La création du Conseil académique, ne doit pas atténuer les compétences du CVU. Le CNESER ne doit pas voir ses prérogatives diminuées en faveur de la tutelle, là où des compétences scientifiques sont requises. Nous avons vu en d'autres temps et d'autres lieux ce à quoi ont pu conduire les velléités du politique de vouloir dire à la science ce qui est bon pour elle et ce qui ne l'est pas ! C'est pourquoi, madame la ministre, cher-e-s collègues, je crois que nous avons un devoir d'entendre la communauté scientifique et universitaire lorsqu'elle nous demande, pour être efficace, de développer la démocratie et non de corseter ou de multiplier les contrôles et l'encadrement.</p> <p>Dernier point, la question de la précarité. 50 000 personnes sont concernées ! La recherche et l'enseignement supérieur ont besoin de temps long, d'acquisition permanente de connaissances et donc de stabilité, de véritable travail d'équipe. Cela est-il compatible avec une politique de réduction des dépenses publiques ? Cela est-il compatible avec la gestion de la masse salariale par les Établissements d'enseignement supérieur ? D'ailleurs, vous avez déjà commencé à traiter le sujet dans la modification de l'article 3. Madame la ministre, aujourd'hui le SNESUP estime que « le sens profond des missions d'enseignement supérieur et de recherche et la notion même de service public national sont dévoyés par le nouveau projet de loi ». Je veux encore croire que le débat au sein de notre hémicycle va permettre de répondre aux attentes de celles et ceux qui manifestent aujourd'hui. Je reste dans l'état d'esprit d'y travailler tout au long de nos débats car si ce projet reste en l'état, les députés de notre groupe se verront contraints de voter contre.</p> <p><i>(Intervention de Marie-George Buffet à l'Assemblée nationale le 13 mai 2013)</i></p></div>
TRIBUNE : DEFENSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
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http://la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article16592013-06-04T16:45:23Ztext/htmlfrNos deux associations considèrent que la langue française, qui constitue par ailleurs la langue commune des pays de la Francophonie, est une expression tangible de l'Unité de la République et est un des fondements de l'État-Nation. Elles rappellent que la revendication d'une langue commune était une revendication réclamée largement par les Cahiers de doléances qui ont précédé la Révolution française. Si nous ne sommes nullement opposés à l'existence et à (...)
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<div class='rss_texte'><p>Nos deux associations considèrent que la langue française, qui constitue par ailleurs la langue commune des pays de la Francophonie, est une expression tangible de l'Unité de la République et est un des fondements de l'État-Nation. Elles rappellent que la revendication d'une langue commune était une revendication réclamée largement par les Cahiers de doléances qui ont précédé la Révolution française. Si nous ne sommes nullement opposés à l'existence et à l'enseignement de langues régionales et autres idiomes comme expression de la diversité culturelle ; nous refusons fermement qu'ils soient mis sur le même plan que la langue française. En conséquence, nous refusons toute modification de l'article 2 de la Constitution qui fait de la langue française la langue officielle de la République. Nous demandons aux plus hautes autorités de l'État de ne pas ratifier la Charte européenne des Langues régionales et minoritaires. Cela serait entrer sur le chemin de l'éclatement de la Nation et de l'unité de la République ; cela constituerait aussi une source permanente d'inégalités des droits en fonction de la locution des citoyens. Nous refusons que le Code du Travail et les autres Codes juridiques soient traduits dans les langues régionales et que les procès et autres actes juridiques soient tenus dans ces idiomes, car cela constituerait un facteur d'éclatement et d'affrontement dans le pays. Il n'y a qu'une seule classe ouvrière et qu'un seul peuple : le peuple français.</p> <p>Le CO.U.R.R.I.E.L. et la FNLP ne s'opposent nullement à l'enseignement et à l'utilisation des langues étrangères, mais ils récusent le basculement insidieux de la France au tout-anglais. Nous constatons que la mondialisation (appauvrissement social et culturel) et que la « construction » européenne néo-libérale et supranationale s'accompagnent du développement d'un anglais de qualité médiocre qui est loin de la qualité et de la force de la langue de Shakespeare. L'avenir n'est pas à l'hégémonie d'une culture et d'une langue ; un internationalisme véritable implique au contraire de respecter l'égale dignité des peuples, donc l'égale dignité des langues, avec en parallèle le développement universel d'un véritable plurilinguisme, facteur d'enrichissement mutuel, de diversité, et de mutualisation des cultures. En résumé, le tout-anglais au rabais n'est que l'instrument de soumission et d'asservissement des peuples. Nos deux associations dénoncent le saccage de l'enseignement de la langue française au sein de l'École publique. En quarante ans de contre-réformes (Haby, Jospin, Allègre, Fillon, Chatel…), un élève aura perdu 800 heures d'enseignement du français, du CP à la fin de la Troisième. Elles demandent le rétablissement des heures de français afin de permettre aux élèves et futurs citoyens d'avoir un niveau de connaissance suffisant dans la maitrise de la langue de la République.</p> <p>La FNLP et le CO.U.R.R.I.E.L. condamnent le projet de loi Fioraso, en particulier son volet linguistique et appellent les parlementaires à refuser cette nouvelle régression. Loin d'abroger la loi LRU imposée par Valérie Pécresse, comme on était en droit de l'espérer, le projet Fioraso accentue la « libéralisation » à l'anglo-saxonne de l'Université. Au lieu de faire respecter la loi de 1994 qui fait du français « la langue de l'enseignement », au lieu de rappeler à l'ordre républicain les Grandes Écoles, notamment Sciences po et nombre d'écoles de commerce qui multiplient, voire généralisent l'enseignement en globish, le projet Fioraso légalise l'illégalité en l'étendant à l'Université. Sous couvert d'encadrer les dérives, le projet Fioraso donne un signal majeur à tous ceux qui veulent basculer un maximum d'enseignements au tout-anglais. Il ne s'agit pas seulement d'un risque de déclassement généralisé de la langue de Molière et de Victor Hugo, mais d'un nouveau frein à la démocratisation de l'enseignement supérieur.</p> <p>L'avenir des universités n'est pas dans l'allégeance à la prétendue « élite anglophone mondialisée », ni dans l'espoir d'une captation de « parts » du « marché mondial de l'enseignement » (sic) ; il est dans l'obtention des moyens publics nécessaires pour un bon fonctionnement de l'Université, dans l'encadrement décent des étudiants issus des milieux populaires, dans la mise en place de conditions d'accueil correctes faites pour les étudiants étrangers (notamment pour ceux qui viennent de l'Afrique francophone), dans l'annulation des contre-réformes qui brident l'élan et l'originalité de la recherche française, dans la coopération à égalité entre les institutions universitaires de tous les pays. Avant et plutôt que d'être une « entreprise » soumise à des impératifs d'image et de rentabilité, comme le croient les promoteurs actuels de son "attractivité", l'Université est un service public au service des citoyens, porteur de la mission essentielle de former les spécialistes dont la Nation a besoin, en France même, pour développer sa culture, irriguer son industrie, et tenir sa place dans les enjeux de l'avenir.</p> <p>Le CO.U.R.R.I.E.L. et la F.N.L.P. condamnent la politique linguistique insidieuse de l'Union Européenne qui, en violation de ses traités fondateurs, promeut le tout-anglais comme langue officieuse de l'Europe, notamment au parlement européen et dans toutes les initiatives, évènements et formations qu'elle met en place (comme le montre caricaturalement le monopole dont jouit l'anglais sur les sites informatiques de l'UE). A l'arrière-plan de cette politique délétère, on trouve le patronat européen qui, par la bouche du Baron Seillère, alors président de Business Europe (le « MEDEF » européen), veut faire de l'anglais « la langue de l'entreprise et des affaires ». Cette politique de basculement linguistique, liée à la mise en place du grand marché et de l'Union transatlantique (cf le manifeste du MEDEF Besoin d'aire, déc. 2011, ainsi que le dernier Discours sur l'état de l'Union de B. Obama), se traduit dans nombre d'entreprises – notamment dans certains groupes du CAC 40, mais aussi dans certains services publics à la dérive – par l'imposition du globish comme langue de travail unique ou principale, cela en violation de la loi de 1994 (« le français est la langue du travail »). Cela engendre souvent une grande souffrance au travail, des ouvriers que l'on soumet à des outils informatiques incompréhensibles (Danone…) aux cadres qui souffrent dans leur dignité, dans le sentiment qu'ils ont de leur inefficacité professionnelle, dans les humiliations qu'ils subissent quand ils sont confrontés à de hauts responsables English Mother Tongue souvent promus de manière discriminatoire. Cela provoque aussi l'angoisse des salariés devant les problèmes de sécurité que pose le basculement à un anglais technique mal maîtrisé, in fine, non traduit et livré "tel quel" (transports, énergie, santé…) à l'initiative d'un patronat qui refuse de payer les frais de traduction (Air-France) et qui tourne le dos au mot d'Umberto Eco : « la langue de l'Europe, c'est la traduction », sans compter les notices diverses des produits commercialisés.</p> <p><i>Fédération nationale de la Libre Pensée (FNLP). Collectif Unitaire Républicain de Résistance, d'Initiative et d'Émancipation Linguistique (CO.U.R.R.I.E.L.)</i></p></div>
ECOLE, UNE DERIVE COMMUNAUTARISTE ET MARCHANDE ?
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http://la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article15792012-12-26T14:53:18Ztext/htmlfrEddy KhaldiAujourd'hui la laïcité, c'est tout sauf la question du dualisme scolaire. Au risque de passer pour un belliciste attardé, je vais vous parler du dualisme scolaire. On a pu le constater ces dernières années, l'Ecole publique s'est vu asséner des coups multiformes et répétés. Cette politique scolaire sous prétexte de logiques comptables, masquait un projet de désinstitutionalisation. Pour justifier cette avalanche de mesures, sans précédent, on a décrété que (...)
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<div class='rss_texte'><p>Aujourd'hui la laïcité, c'est tout sauf la question du dualisme scolaire. Au risque de passer pour un belliciste attardé, je vais vous parler du dualisme scolaire. On a pu le constater ces dernières années, l'Ecole publique s'est vu asséner des coups multiformes et répétés. Cette politique scolaire sous prétexte de logiques comptables, masquait un projet de désinstitutionalisation. Pour justifier cette avalanche de mesures, sans précédent, on a décrété que l'Ecole publique était irrémédiablement malade. Ce diagnostic sommaire vise à discréditer et invalider les principes fondateurs de l'Ecole laïque. Il s'appuie autant sur des problèmes ou des dysfonctionnements démontrés ou supposés voire provoqués.</p> <p>Certes, il n'est question ni d'occulter ni de réduire les difficultés réelles qui traversent l'Ecole. Cependant, l'école publique est plus malade de l'état de la société, que cette dernière n'est malade de son école. L'école n'est pas responsable des inégalités sociales ou des difficultés économiques du pays. La prétendue crise de l'école n'est pas son échec généralisé. Elle sert surtout d'alibi à une mutation du système éducatif par la concurrence et par le marché. À la clef, un transfert vers l'enseignement privé, exhibé comme plus performant. Ce transfert tire parti des peurs et de l'angoisse des familles pour mettre en exergue des défaillances de « l'Etat enseignant ». L'Etat est accusé d'inefficacité au regard d'une vision exclusivement économique de l'éducation. L'instrumentalisation de déceptions occasionnées par le service public est relayée par les condamnations de réseaux qui dénoncent de concert « La débâcle de l'école publique ». Ce lent travail de déconstruction de l'œuvre des bâtisseurs de l'Ecole laïque constitue un véritable projet de gouvernement porteur d'une stratégie élaborée de longue date. La logique cléricale s'accommode et se nourrit, aujourd'hui, des dérives libérales, et réciproquement. Cette ambigüité expulse et camoufle la laïcité institutionnelle de la question scolaire.</p> <p>Ce tournant « néolibéral » vise à faire « sauter des verrous » comme le proposait dès 1992 l'association « Créateurs d'école » avec Darcos, Dominique Antoine, Maurice Quenet et bien d'autres. Ainsi l'enseignement privé, sous contrat, presque exclusivement confessionnel, bénéficie de faveurs gouvernementales jamais égalées. Il n'a plus besoin de revendiquer et de monter directement au front. Il n'a qu'à se positionner en réceptacle des saignées, qui non rien de salvatrices. Saignées appliquées au nom de la rigueur, à l'Ecole laïque. Ont été concédés à l'enseignement catholique un plan banlieue pour financer le privé, non plus a posteriori mais désormais a priori, pour mieux concurrencer le service public, les accords Vatican-Kouchner pour octroyer la collation des grades à l'Eglise catholique, la loi Carle pour obliger les municipalités à payer la scolarité dans des écoles privées hors commune de résidence, les jardins d'éveil confessionnels pour occuper un nouveau créneau, des fondations catholiques pour défiscaliser illégalement les investissements d'écoles privées, et aussi, une multiplication des financements facultatifs, voire illégaux, des collectivités locales pour capter un besoin scolaire plus rapidement que l'école publique, car elle seule demeure soumise aux obligations d'intérêt général afférentes au service public….</p> <p>L'actuel secrétaire général de l'enseignement catholique, Eric de Labarre, ex-président de l'APEL, atteste que nous sommes bien au cœur de la laïcité quand, hier, il y condamne le PACS. Mais aujourd'hui, en recherche de légitimité au regard de la nouvelle majorité, il reste prudemment silencieux sur le mariage pour tous. Cependant, il réécrit, en catimini, des programmes d'éducation sexuelle pour l'enseignement catholique. N'a-t-il pas aussi affirmé après le discours du Latran en 2007 que « la laïcité positive n'était pas étrangère à l'Enseignement catholique » ? Et aussi, que la loi Carle de 2009 instituant un chèque éducation n'était qu' « un bon compromis à un instant T ». N'est-il pas allé jusqu'à revendiquer en mars 2008 « la contractualisation avec l'État des établissements publics » pour « éteindre définitivement les derniers brûlots de la guerre scolaire » ? Cette proposition porte atteinte à l'obligation constitutionnelle d'organiser l'enseignement public afin de le privatiser. Le 23 janvier dernier, il jugeait "impossible" et "non pertinent" de rétablir 60.000 postes comme le proposait François Hollande, et pensait même qu'on pouvait « probablement continuer à en supprimer », apportant ainsi un soutien explicite à Nicolas Sarkozy. Quelques semaines plus tard en s'investissant dans les législatives, il fixait, sans vergogne, ses exigences sur les 60 000 postes en menaçant cyniquement : « Personne n'a intérêt à rallumer une guerre scolaire ».</p> <p>Dans notre République laïque, le secrétaire général de l'enseignement catholique nommé par la conférence épiscopale n'a aucune légitimité pour négocier avec la puissance publique et obtenir une « parité » sans fondement légal avec l'enseignement public. Seuls des établissements privés sous contrat, un à un, sont institutionnellement reconnus, mais pas un réseau de l'enseignement catholique. Le dualisme scolaire est d'abord, avant tout, idéologique. Même si les motivations des familles sont minoritairement religieuses, la gestion et le financement de ce système impacte, plus que jamais, la laïcité. Pour flatter le « parent-client », on a individualisé le rapport à l'Ecole afin d'organiser, au nom du « libre choix », une concurrence redoublée de l'enseignement confessionnel pour contribuer au démantèlement du service public d'éducation. Même si, dans l'immédiat, les menaces gouvernementales de démantèlement ont disparu, nombre de ces dispositions et pratiques subsistent. Elles sont autant de brèches qui dénaturent la laïcité et le service public.</p> <p>Certes, face à la statue de Jules Ferry, la confiance est revenue le 15 mai dernier. Le nouveau Chef de l'Etat se voulait « le garant de l'école publique, de la transmission des connaissances, de la solidarité républicaine ». Mais cette confiance doit se traduire en actes comme le revendique notre colloque d'aujourd'hui, du « Comité Laïcité République ». En effet, il convient ici et maintenant de concrétiser la mission que Jules Ferry assignait à l'école, je cite : « L'égalité d'éducation n'est pas une utopie, c'est un principe ... L'inégalité d'éducation est, en effet, un des résultats les plus criants et les plus fâcheux, au point de vue social, du hasard de la naissance. Avec l'inégalité d'éducation, je vous défie d'avoir jamais l'égalité des droits, non l'égalité théorique, mais l'égalité réelle, et l'égalité des droits est pourtant le fond même et l'essence de la démocratie ». Ainsi, il faudrait passer d'un quinquennat où l'on promouvait l'individualisation du rapport à l'école au nom de la liberté de choix à un projet concret d'égalité en éducation pour tous les futurs citoyens. S'ensuivent aujourd'hui des propositions du ministre de l'Education nationale pour refonder l'Ecole en lui assignant la mise en place d'une « morale laïque ». Revendiquer une morale laïque, n'est-ce pas croire en l'Education ? Croire qu'en formant l'Homme on peut agir sur la société. Former le citoyen est constitutif de l'idée même de République. Ce lien consubstantiel fait de l'Ecole une institution et non un service que la puissance publique ne peut déléguer au privé. Certes, l'Ecole ne peut prétendre, seule, refonder la République. Mais n'a pas disparu pour autant l'enjeu républicain de l'Ecole. On ne peut abandonner la question des valeurs ni à ceux qui falsifient la laïcité, ni à ceux qui revendiquent une gestion entrepreneuriale de l'école. Tous les deux s'attaquent aux principes fondamentaux de la République.</p> <p>Loin de s'éteindre, la guerre scolaire s'est encore aggravée avec la loi Carle. En effet, derrière ce dispositif se cache l'introduction subreptice et inédite en France, d'un chèque éducation pour les écoles privées, pour faire rimer éducation et consommation. Cette loi substitue au rapport institutionnel école-commune, né des lois Ferry, une relation marchande usager-commune, sur fond libéral. C'est une nouvelle étape vers la privatisation de l'école laïque. Elle constitue une menace prévisible pour l'existence des écoles des communes rurales et une fuite discriminatoire des élèves des écoles publiques de la banlieue vers les écoles confessionnelles du centre-ville. Nanterre paierait pour Neuilly. Les promoteurs de cette loi introduisent, pour la première fois, une corrélation entre « liberté de l'enseignement » et obligation d'un financement public. Ils imposent aussi, pour la première fois, dans un dispositif législatif, le concept de « parité de traitement » public-privé. Manipulation éhontée, que nul n'oserait se hasarder à établir ailleurs que dans l'enseignement. La « liberté d'aller et venir » est tout aussi fondamentale que cette interprétation de la liberté de l'enseignement. Pour autant, la puissance publique n'a d'obligation que pour les transports en commun. L'usager qui, par convenance personnelle, choisit le taxi a lui la décence citoyenne de ne pas revendiquer le financement public de sa course.</p> <p>Les écoles publiques ont des obligations afférentes à leur mission de service public : égalité de toutes et tous pour l'accueil, et aussi obligations de continuité, de gratuité et de laïcité. Le financement des élèves du public qui fréquentent une école publique hors commune de résidence, est possible sous conditions particulières et accord a priori de leur municipalité. Il résulte de l'obligation constitutionnelle d'organiser le service public laïque d'éducation en tout lieu, et non d'une quelconque « liberté d'enseignement ». Le privé, lui, revendique des subsides publics au nom de sa « parité » et récuse au nom de sa « liberté » les obligations correspondantes. « Liberté » et « parité » de l'enseignement ne sont ici que des concepts politiciens, qui participent, de fait, au démantèlement du service public qui, seul, en supporte toutes les contraintes. Notre Constitution ne reconnaît que l'égalité entre citoyens, et non une quelconque parité entre groupes, confessionnels ou non. Il est proprement abusif, de mettre sur le même plan écoles publiques et privées. Ces dernières, s'inscrivent dans des logiques commerciales, avec pour la plupart, des finalités prosélytes. Autant de caractéristiques pour le moins antinomiques avec une mission d'intérêt général. Le concept de « parité » entre enseignement public ou privé, n'est pas seulement contraire à la Constitution. Il n'a en définitive, aucun fondement juridique. Il instaure, qui plus est, un dualisme scolaire ruineux. Il le sera d'autant plus que d'autres groupes, confessionnels, linguistiques ou autres, revendiqueront les mêmes privilèges.</p> <p>La ghettoïsation sociale va s'aggraver. Et les communes rurales seront, elles aussi, pénalisées avec un risque inquiétant d'exode scolaire. Des classes et écoles publiques entières peuvent être menacées de disparition. Ce faisant, la loi Carle sacrifie sur cet autel si éloigné des valeurs républicaines, la justice sociale, la laïcité et le vivre ensemble de jeunes citoyens en devenir. Gambetta rappelait opportunément qu'il convenait pour la question scolaire de ne pas commettre deux erreurs : la première, estimer que la guerre scolaire est finie ; la seconde qu'elle se reproduirait dans les mêmes conditions. Dans cette laïcité disjonctive, l'émergence de questions posées par l'islâm, sert d'écran de fumée à la puissance publique oublieuse du communautarisme institutionnel de l'école catholique. En réintégrant la question scolaire, la laïcité perdrait là des soutiens conjoncturels et éphémères qui l'assimilent, souvent, à l'exclusion voire au racisme. Semblable laïcité d'accommodement crée des confusions, des équivoques qui désagrègent légalité constitutionnelle entre citoyens et développent un « entre soi » qui compromet le vivre ensemble et altère cette valeur fondatrice de la République.</p> <p>La question du dualisme scolaire institutionnalisée par la loi Debré du 31 décembre 1959 constitue plus que jamais un enjeu idéologique. Enjeu idéologique pour ceux qui continuent de combattre, non plus ouvertement la République, mais les institutions et les services publics qui l'incarnent, au premier rang desquels l'école laïque garante de la liberté de conscience des citoyens en devenir. Cette visibilité et cette reconnaissance sociales constituent une brèche dans la séparation institutionnelle de l'école comme de l'Etat d'avec les Eglises. Même au regard de la loi Debré les réformes de l'enseignement public s'imposent à tous les établissements scolaires privés sous contrat. Ces réformes n'ont pas, dans notre République laïque, à être négociées et validées collectivement par le secrétaire général de l'enseignement catholique nommé par la conférence épiscopale. Conférence qui vient, la semaine dernière, de mettre en place un « Conseil épiscopal de l'enseignement catholique » pour conforter la visibilité sociale de l'Eglise et sa reconnaissance institutionnelle dans le champ de l'éducation, en dépit de la loi de 1905. L'enseignement catholique ne peut revendiquer, au nom d'un groupe religieux, un quota de postes, ni les répartir. C'est contraire à nos principes constitutionnels. Il y a comme une imposture à vouloir recruter massivement et bien au-delà d'une demande liée à la foi alors que la pratique religieuse s'effondre. Ainsi l'enseignement catholique commet une sorte de péché « lucratif », en forme de publicité mensongère peu compatible avec une mission qui prétend s'inspirer des évangiles.</p> <p>L'école est, depuis trente ans, le champ de bataille sournois de cette guerre silencieuse, sans réelle opposition politique. Guerre menée par alliance des cléricaux et des libéraux. La prétention illégitime de l'enseignement catholique à incarner le service public, au nom de « sa liberté » d'entreprise, et malgré son allégeance confessionnelle, conduit l'Etat d'étapes en étapes, à sacrifier l'école publique laïque, dont il a constitutionnellement la charge pour déployer une stratégie libérale au long cours. Financer et ériger la concurrence en principe, invalider les valeurs fondatrices, gérer l'école comme une entreprise … revient à privatiser le service public d'éducation. Certes, on ne saurait réduire la question de la laïcité à celle de l'école. Mais lien exclure est un piège. Pire, un reniement au regard de nos principes républicains. En restant, aujourd'hui, muette sur le dualisme scolaire, institué par la loi Debré, la gauche qui, aujourd'hui, accède au pouvoir ne doit pas oublier que la République n'a d'obligation que vis-à-vis du service public laïque ? Cette loi de 1959 en conférant à des établissements privés confessionnels à « caractère propre » le statut d'établissements publics a institué un double amalgame : public et privé ; laïque et confessionnel. Il est temps, aujourd'hui, de sortir de l'équivoque pour rappeler que la laïcité est un principe constitutionnel.</p> <p>Nous militants de la laïcité considérons « l'instituteur et l'institutrice supérieurs au curé et au pasteur », non pas en tant que femme ou en tant surhomme, mais par leur mission parce qu'ils accueillent dans la même communion civile du « vivre ensemble » tous les jeunes, quelle que soit leur origine sociale, quelle que soit la religion ou non de leurs parents. Nous considérons « l'instituteur et l'institutrice supérieurs au curé et au pasteur », parce qu'ils assurent et garantissent la liberté de conscience des futurs citoyens et ne se servent pas du label de « liberté » pour inculquer dans l'éducation l'idéologie d'un groupe particulier pour créer une fracture dans l'unité nationale. Nous considérons « l'instituteur et l'institutrice supérieurs au curé et au pasteur » parce qu'ils revendiquent légalité en éducation de toutes et de tous au nom de la laïcité. Nous considérons « l'instituteur et l'institutrice supérieurs au curé et au pasteur », car, on n'enseigne pas la liberté, et en premier lieu la liberté de conscience, quand l'enseignement repose sur un dogme prétendant détenir à lui seul la vérité absolue. On n'enseigne pas l'égalité quand c'est l'argent qui fait la différence de l'accueil, au service des élites et des gens fortunés.</p> <p><i>Intervention au Colloque « La laïcité en actes » organisé par le Comité Laïcité République le 17 novembre 2012. Eddy Khaldi est l'auteur, avec Muriel Fitoussi, de La république contre son école (Démopolis ed.)</i></p></div>