La Gauche Cactus
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frSPIP - www.spip.net (Sarka-SPIP)Comment l'affaire de l'Ocean Viking révèle l'ambiguïté des « zones d'attente »
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http://la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article28222022-12-25T14:29:31Ztext/htmlfrFlorian Aumond<p>L'arrivée du navire Ocean Viking, transportant 234 réfugiés, en port de Toulon n'a pas suscité, c'est peu dire, un immense enthousiasme. Dans un article de The conversation que nous reprenons ici, l'universitaire Florian Aumond y voit un exemple significatif des multiples ambiguïtés de la politique française d'accueil des réfigiés et plus généralement des migrants. De quoi réfléchir.</p>
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<a href="http://la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique26" rel="directory">Immigration, Racisme</a>
<div class='rss_texte'><p>Vendredi 11 novembre, les 234 migrantes et migrants secourus par le navire Ocean Viking ont pu rejoindre la base navale de Toulon, après trois semaines d'errance en mer. Ultime épisode du drame de la migration qui se joue en Méditerranée et dont le déroulement puis le dénouement peuvent donner lieu à plusieurs clés de lecture. Au niveau de la politique et de l'intégration européennes, le bras de fer entre Paris et Rome, rejouant le duel ayant opposé en 2018 Emmanuel Macron avec l'alors Président du Conseil des ministres italien et actuel Vice-Président Matteo Salvini, a souligné les obstacles à l'affirmation de la solidarité européenne sur la question. Au niveau de la politique interne, ensuite, l'on a vu combien la situation de l'Ocean Viking a accusé les clivages entre « humanistes » et partisans de la fermeté.</p> <p>Rappelons d'ailleurs que les propos ayant valu l'exclusion pour deux semaines du député du Rassemblement national Grégoire de Fournas ont précisément été tenus à l'occasion de l'allocution d'un député de la France insoumise dénonçant le sort réservé aux passagers du navire humanitaire. Le dernier épisode en date dans l'épopée de l'Ocean Viking est également et entre autres justiciable d'une analyse juridique.</p> <p><strong>Les limites du droit international de la mer</strong></p> <p>Pendant son errance, les difficultés à trouver un lieu de débarquement ont de nouveau souligné les limites d'un droit de la mer peinant à imposer à un État clairement défini d'ouvrir ses ports pour accueillir les rescapés. La décision de laisser les passagers de l'Ocean Viking débarquer à Toulon est également significative. Elle signe certes leur prise en charge temporaire par la France, mais n'emporte pas, du moins dans un premier temps, leur admission sur le territoire français (au sens juridique). Ce dont le ministre de l'Intérieur ne s'est d'ailleurs fait faute de souligner). Cette situation permet alors de mettre en exergue l'une des singularités de la conception juridique du territoire, notamment en ce qui concerne la situation des étrangers. Les zones d'attente en sont une claire illustration.</p> <p><strong>La « fiction juridique »</strong></p> <p>La « fiction juridique » que constituent les zones d'attente s'étend désormais entre autres aux gares ferroviaires ouvertes au trafic international, aux ports ou à proximité du lieu de débarquement (CESEDA, article L.341-1). Ces « enclaves » au sein du territoire, autour d'une centaine actuellement, peuvent par ailleurs inclure, y compris « à proximité de la gare, du port ou de l'aéroport ou à proximité du lieu de débarquement, un ou plusieurs lieux d'hébergement assurant aux étrangers concernés des prestations de type hôtelier » (CESEDA, article L.341-6).</p> <p>Tel est le cas de la zone d'attente créée par le préfet du Var par le biais d'un arrêté, à la suite de l'accueil de l'Ocean Viking « pour la période du 11 novembre au 6 décembre 2022 inclus, une zone d'attente temporaire d'attente sur l'emprise de la base navale de Toulon et sur celle du Village Vacances CCAS EDF 1654, avenue des Arbanais 83400 Hyères (Giens) ». Accueillis dans ce Village Vacances dont les « prestations de type hôtelier » ne semblent aucunement correspondre à la caricature opportunément dépeinte par certains, les rescapés demeurent, juridiquement, aux frontières de la France.</p> <p><strong>Aux portes du territoire français</strong></p> <p>Ils ne se situent pas pour autant, de ce fait, dans une zone de non-droit : placés sous le contrôle des autorités françaises, ils doivent se voir garantir par elles le respect de leurs droits humains. Aux portes du territoire français, les migrantes et migrants secourus par l'Ocean Viking n'en relèvent pas moins de la « juridiction » française comme le rappelle la Cour européenne des droits de l'Homme. La France est ainsi tenue d'observer ses obligations, notamment au regard des conditions de leur maintien contraint au sein de la zone.</p> <p>Une partie des rescapés recouvreront leur liberté en étant admis à entrer juridiquement sur le territoire de la France. Tel est le cas des mineurs non accompagnés, dont il est annoncé qu'ils seront pris en charge par l'Aide sociale à l'enfance.</p> <p>Tel est également le cas de ceux qui auront été autorisés à déposer une demande d'asile sur le territoire français et se seront vus, à cette fin, délivrer un visa de régularisation de huit jours. Parmi eux, la plupart (175) devraient être acheminés vers des États européens qui se seraient engagés à les accueillir, vraisemblablement afin que soient examinées leurs demandes de protection internationale. Expression d'une solidarité européenne a minima dont il faudra cependant voir cependant les suites.
Pour tous les autres enfin, ceux à qui un refus d'entrer sur le territoire français aura été notifié et qui ne seront pris en charge par aucun autre État, le ministre de l'Intérieur précise qu'ils seront contraints de quitter la zone d'attente vers une destination qui demeure cependant encore pour le moins incertaine. Ceux-là auront alors été accueillis (très) temporairement par la France mais seront considérés comme n'ayant jamais pénétré sur le territoire français.</p> <p><i>Florian Aumond est Maître de conférences en droit public, Université de Poitiers. Article paru dans theconversation.com</i></p></div>
Racisme et immigrants
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http://la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article27872022-08-11T00:09:00Ztext/htmlfrJosé Barros<p>Les victimes les plus fréquentes du racisme et des discriminations sont les populations immigrées. C'est un constat que José Barros, qui émigra en France pour fuir la dictature de Salazar au Portugal, illustre par quelques exemples, qui montrent aussi les racines culturelles et économiques de ces discriminations.Traduction de João Silveirinho.</p>
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<div class='rss_texte'><p><strong>Racisme</strong></p> <p>C'est un crime, mais nos démocraties laissent aller de nombreux criminels sans entraves ! Moi personnellement je ne dirai pas que "j'en ai marre", mais si ce n'était pas grâce à une certaine force de caractère je pourrais même trouver des raisons suffisantes à ce sentiment d'humiliation... Humilié par des politiques qui désignent et stigmatisent les gens, pour se « protéger », ou par peur, avec l'épithète d'étrangers, sans la considération due à ces personnes qui veulent s'intégrer dans le même espace de cohabitation et y vivre en paix... Il ne s'agit pas d'un seul pays. Le racisme prend parfois des proportions qui devraient concerner les gouvernements de tous les pays où le racisme s'exprime de façon répréhensible. Au Portugal aussi. Et quand les populations n'ont pas l'intelligence « du bien vivre ensemble », il faut les appeler au bon sens.</p> <p>Depuis des décennies, des millions de Portugais sont impliqués dans ce mouvement tournant entre pays d'origine et et pays d'accueil et quelle que soit les lieux où ils arrivent, ils sont ciblés comme des étrangers. Au Portugal, quand ils viennent ici, avec une certaine régularité, ils sont considérés comme des étrangers (ou des émigrés) juste parce qu'ils résident hors du Portugal. Franchement, ces portugais résidant à l'étranger ont raison de ressentir cette attitude comme un rejet ; si ce n'est comme un manque de considération pour la « portugalité » qu'ils veulent maintenir. Et les pays d'accueil, "accueil" si on peut dire, les considèrent aussi comme des étrangers ou des "immigrés". C'est pourquoi de nombreux compatriotes, se sentant victimes de ce double rejet, protestent avec cette formule déjà connue et rebattue : "Nous sommes des étrangers ici et des étrangers là-bas". Ainsi même, par rapport aux pays d'accueil, quoique terres adoptives, n'apparaissent-ils pas aux yeux de ces Portugais comme des terres plus accueillantes que le Portugal, qu'ils ne manquent jamais de considérer leur mère patrie ? Nous disons aussi cela comme une vieille revendication selon laquelle les pays doivent traiter tous leurs citoyens de la même manière, étant citoyen quiconque y réside.</p> <p>Concernant le Portugal, évidemment, les droits devraient être les mêmes pour les résidents et pour les non-résidents quand il s'agit des portugais qui résident à l'étranger. Et les comportements de rejet de la part de ces messieurs de Chega*, même avec des députés élus, nous conduisent à protester avec véhémence et à leur dire à quel point euvent être révoltantes pour tout portugais avec deux doigts de jugeotte et un minimum de cervelle les phrases haineuses contre ceux qu'ils désignent comme « différents » et « étrangers » ! Ces phrases absurdes, prononcées contre les "immigrés" et contre tout ce qui leur semble différent, dans un pays où plus de 50% de sa population vit à l'étranger, sont une offense et une honte pour le Portugal ? Ces plus de 50% des portugais dont nous parlons sont victimes de vexations plus ou moins similaires de la part des homologues de Chega dans les pays où sont ces portugais. Dans les pays à démocratie plus stricte (peu nombreux hélas, ndlr), les "Chega" et consorts sont appelés à répondre de la criminalité, parce que là le racisme est le crime. En ce sens le Portugal devrait aussi être un exemple à suivre...
<i>* ndlr : Chega (« ça suffit ») est un parti politique portugais fondé en 2019, proche du Rassemblenent national français et du parti d'Eric Zemmour. Il a obtenu un siège au parlement en 2019 et 12 en 2022 (7,28 des voix)</i></p> <p><strong>Le mot immigrant, un mot dépréciatif </strong></p> <p>Cette histoire de dépréciation des immigrés vient déjà de très loin, et il est évidemment urgent de corriger ces préjugés de la teneur sarcastique qui leurs sont accolée. Il y a eu quelques mouvements d'opinion qui ont tenté d'autres appellations comme "luso-descendants", par exemple, ou "portugais de la diaspora", mais sans assez de force pour prospérer et c'est le terme immigré ou émigré qui finit toujours par s'imposer avec toute la charge d'une sémantique simpliste</p> <p>On sait bien que ce terme en lui-même n'est pas inapproprié, ce n'est pas non plus parce qu'on traite les enfants et petits-enfants des immigrés comme des immigrés, eux qui n'ont jamais émigré, que réside le problème. Le problème, c'est le fardeau de cette sémantique bâclée si souvent chargée de mépris et d'autres choses qui peut être insupportable... Il est bon d'appréhender ce fardeau de mépris, que le psychanalyste basé à Paris António Lima Nogueira soulève régulièrement, et qui l'inquiète.</p> <p>Pour illustrer cette appréciation dont je parle, je transcris ici la préoccupation d'un père que j'ai entendue, il y a plus de quarante ans, mais dont je me souviens comme si c'était hier : il était extrêmement inquiet, ce père, était trop pessimiste en voyant sa fille projetant de se marier avec un jeune homme émigré en Amérique. J'ai compris que l'inquiétude de ce père, aussi mon ami, pouvait être une anticipation du chagrin qui pourrait suivre le mariage si la fille allait avec son mari aux États-Unis mais j'ai vu très clairement que non ! Son inquiétude était que sa fille finisse son cursus universitaire et obtienne son diplôme pour épouser un immigré ! Voyez donc ça : sa fille, diplômée, allait épouser un émigré inculte et sans avenir !</p></div>
Il y a accueil et accueil
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http://la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article27632022-05-16T16:43:00Ztext/htmlfrSaûl Karsz<p>En France et un peu partout en Europe, un large élan de solidarité, qu'il faut saluer, s'est manifesté pour accueillir les réfugiés fuyant la guerre en Ukraine. Toutefois, en France comme dans d'autres pays, tous ces réfugiés ne reçoivent pas le même accueil, selon qu'ils ont ou non la nationalité ukrainienne. L'occasion pour Saül Karsz de nous montrer qu'il y a différents types d'accueil, en fonction des origines des populations accueillies, des lieux d'accueil et parfois de la richesse des candidats à l'exil. Et certains types d'accueil n'en méritent pas le nom.</p>
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<div class='rss_texte'><p>Les courants bellicistes et impérialistes de Russie, agglutinés sous l'égide de l'actuel président Vladimir Poutine, ont envahi l'Ukraine et tentent d'écraser les gens, les villes, les institutions. Ils ne font guère de différence entre enfants et adultes, civils et militaires, vieux et résistants, hôpitaux et casernes, écoles et centrales nucléaires. Ils se soucient peu des réactions massivement réprobatrices dans le monde entier. C'est vrai que, par ailleurs, des silences complaisants, des appuis discrets mais bel et bien réels accompagnent cette barbarie qui accumule crime sur crime. Entre temps, à la faveur de couloirs humanitaires plus ou moins aléatoires, quelques milliers de ressortissants ukrainiens (femmes et enfants, notamment) sont accueillis dans différents pays asiatiques et européens.
Cet accueil mérite interrogation. Pas du tout parce qu'il a lieu ! Bien au contraire, il faudrait sans doute qu'il soit le plus large possible. C'est son caractère sélectif qui pose question. Pourquoi, en effet, des Ukrainiens sont-ils accueillis et même attendus relativement facilement, et beaucoup moins ou pas du tout ceux qui fuient les multiples guerres en Asie, en Afrique et au Moyen-Orient, en Europe de l'Est, en Amérique du Nord et du Sud ? Guerres déclarées comme telles, militairement menées, et/ou guerres économiques et symboliques qui placent de larges franges des populations sous le signe du no future. Pourquoi cette générosité nécessaire et cette parcimonie, sinon ce rejet parfaitement abusif, sinon inique ? Couleur de peau et religion seraient-ils des critères déterminants aux yeux des accueillants ?
La barbarie russe en Ukraine n'est pas sans antécédents ni probablement sans suites, en Russie et ailleurs. L'Occident aussi s'est longuement livré, et se livre toujours, aux guerres militaires, en son sein et aussi à l'extérieur (guerres de conquête). Il reste d'ailleurs le théâtre d'implacables, quotidiennes, inextinguibles guerres économiques, culturelles, raciales, à la fois à l'échelle nationale (au sein des différents pays) et internationale (contre d'autres pays). Guerres et barbaries ne sont en rien des exclusivités russes – caractéristique qui ne les rend pas moins condamnables.
L'actualité de la guerre contre l'Ukraine ne saurait donc escamoter celle perpétrée depuis des siècles dans d'autres contrées, ni par conséquent occulter les tragédies irréparables, les gâchis humains ainsi provoqués. Toutes nécessitent notre attention, notre engagement, sous des modalités chaque fois particulières. Or, si l'accueil des populations déplacées est un geste qui honore les politiques qui le rendent possible, ou a minima le tolèrent, si ce geste honore surtout les familles qui le mènent à bien, l'accueil diffère du tout au tout selon que la guerre en Ukraine soit liée ou au contraire isolée des autres guerres, selon que l'accueil se rapporte à un engagement socio-politique progressiste, historiquement motivé, revendiquant la liberté des peuples, ou bien à une solidarité humaniste et caritative, trop angélique pour être honnête. Dans un cas, l'accueil fonctionne comme une arrière-base de la résistance ukrainienne ; dans l'autre, de bonnes âmes se refont une virginité low cost sur le dos des accueillis. Ils contribuent, pas du tout à alléger des effets de la guerre, mais juste à les noyer – comme on noie un poisson. Après tout, Dubaï, Monaco, la Suisse, entre autres, font aussi de l'accueil de groupes contraints à l'exil – notamment d'apparatchiks et autres oligarques.
Evitons de nous gargariser avec l'accueil au singulier, sinon en majuscule. Il y en a de très diverses sortes. Identifier les enjeux idéologiques chaque fois à l'œuvre, les postures psychiques concrètement mobilisées, les pratiques spécifiques, les discours tenus et les explications esquivées montrera sans doute que tout accueil ne mérite pas célébration.</p> <p><i>Article paru dans Pratiques sociales <a href="https://www.pratiques-sociales.org/" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>https://www.pratiques-sociales.org</a></i></p></div>
Flux migratoires, à qui la faute ?
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http://la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article27132021-12-12T01:03:00Ztext/htmlfrJosé BarrosComme beaucoup d'entre nous, José Barros, qui fut lui-même réfugié politique, est horrifié par les images montrant les victimes des tentatives de réfugiés pour fuir la faim ou la violence. Un message clair ; ce n'est jamais la faute de l'immigré. Arrêtons de prêter l'oreille à ce que prétend l'extrême-droite (mais la droite aussi, cher José) comme quoi l'appât du gain serait le moteur principal de l'immigration. Il peut certes exister pour une (...)
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<div class='rss_chapo'><p>Comme beaucoup d'entre nous, José Barros, qui fut lui-même réfugié politique, est horrifié par les images montrant les victimes des tentatives de réfugiés pour fuir la faim ou la violence. Un message clair ; ce n'est jamais la faute de l'immigré. Arrêtons de prêter l'oreille à ce que prétend l'extrême-droite (mais la droite aussi, cher José) comme quoi l'appât du gain serait le moteur principal de l'immigration. Il peut certes exister pour une petite minorité. Comme pour ceux de nos compatriotes qui émigrent en Suisse ou en Belgique.</p></div>
<div class='rss_texte'><p>Ces images qui nous passent par la fenêtre de la télévision et nous montrent les flux incessants d'émigrants que l'on peut appeler des exodes répétitifs de populations est émouvant et insupportable ! Toujours émouvants mais aussi insupportables surtout quand tant rt tant de fois ces parcours entraînent des pertes humaines comme celles d'hier où de nombreuses vies ont terminé leur parcours dans la tentative de traversée entre Calais et l'Angleterre ! À qui la faute de ces exodes ? Est-ce de Moïse, qui est enregistré dans notre imaginaire comme étant l'un des premiers « passeurs » qui entraina derrière lui une foule de citoyens qui s'expatria d'Égypte ? Ou est-ce l'Égypte antique parce qu'elle est aussi connue dans notre imaginaire comme l'une des premières régions connues pour un grand Exode ?</p> <p>Ce' qui n'est pas possible, c'est que c'est la faute aux immigrés Les immigrés, qui portent déjà le poids d'être expatriés, lorsqu'ils sont contraints de fuir la famine, l'oppression ou la guerre, ne peuvent pas non plus être coupables d'avoir échappé à ces fléaux ! Un émigré, les millions d'émigrés qui ont été contraints à demander l'asile, chacun d'eux a une raison aussi simple que celle de fuir la misère ; l'oppression ou la guerre... Parce que personne n'émigre pour le plaisir ! Personne ! Il y a toujours une raison et il y a toujours des fautes, mais ce n'est pas la faute de ceux qui émigrent.</p> <p>Et nous, les habitants de ce périmètre de la planète où la vie est encore possible, nous ne pouvons accepter ces mensonges venant surtout des apologistes de l'extrême droite qui nous disent que les émigrés ne peuvent plus recevoir un accueil de privilégiés leur permettant d'accéder à tous les droits et quelques autres en plus parce que ces avantages deviennent un leurre incessant ! Ce n'est pas vrai... Les raisons de ces flux migratoires ont d'autres réalités que le soi-disant appel propagé.</p> <p>Les Portugais, surtout ceux qui ont émigré, connaissent très bien les réalités de l'émigration. Ils connaissent les angoisses du départ, les angoisse de tout un parcours de traversée dans la clandestinité avec les risques d'y perdre la vie et enfin les difficultés pour intégrer un nouveau monde inconnu... Ce sont des milliers de Portugais qui connaissent ces réalités et des milliers d'histoires qui resteront à jamais à raconter mais aussi beaucoup déjà racontées comme celle-ci qui nous raconte Álvaro Morna dans son livre « Le Chemin de la liberté » où ce matin d'août il s'est levé « ce jour-là prévu pour le départ ». « Raconter en toute rigueur mon histoire (nous dit Álvaro Morna) a été pour moi une façon de raconter aussi des milliers d'autres histoires vécues par les jeunes Portugais qui ont refusé de partir pour une guerre contre le cours de l'histoire. »</p></div>
Le général Dumas au cœur de la crise identitaire
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http://la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article25832021-02-10T22:43:00Ztext/htmlfrAndré Bellon<p>Un retour à l'histoire plutôt qu'aux hystéries est souvent bonne conseillère pour réfléchir sur le racisme et les débats postcoloniaux. Ce que propose André Bellon</p>
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<div class='rss_texte'><p>« Enfin, te voilà Alexandre ! » Sur la place du Panthéon, le samedi 30 novembre 2002, Alain Decaux, Président de la société des amis d'Alexandre Dumas, commence ainsi son discours. Presque 20 ans après et 150 ans après le décès de notre grand écrivain, j'ai envie de crier la même phrase à son père, né esclave à Saint Domingue et devenu général sous la Révolution de 1789.</p> <p>Car si le parcours du Général Dumas fut héroïque, exemplaire et parsemé d'embuches, aussi bien militaires que politiques – il osa s'opposer à Napoléon, aux Bourbons de Naples,..-, l'épopée de sa statue est une véritable allégorie de notre Histoire. Erigée par la 3ème République à côté de celles de son fils et de son petit-fils (l'auteur de La Dame au camélia), elle rendait hommage à un héros de la République particulièrement encensé par Anatole France. Elle fut détruite par les Allemands sous l'occupation en 1942.</p> <p>Il aura fallu des décennies pour qu'une nouvelle statue voit le jour. La question n'existait apparemment pas avant les années 2000. Était-elle oubliée à l'image du grand auteur du Comte de Monte Cristo qui n'avait droit qu'à une note de bas de page dans le Lagarde et Michard ? La question resurgit enfin en 2008 où la mairie de Paris lance un appel à projet.</p> <p>Las, il ne s'agit pas alors de retrouver la gloire du général. Sous la pression du CRAN (Conseil représentatif des associations noires de France), le maire de Paris de l'époque, Bertrand Delanoë, donne son accord à un monument du sculpteur Driss-Sans-Arcidet représentant seulement des chaines d'esclave. L'officier révolutionnaire libérateur disparaît sous la symbolique impersonnelle de la servitude à laquelle il avait pourtant fini par échapper. Comme pour souligner encore davantage l'allégorie, notons que les édiles parisiens avaient refusé le projet du célèbre sculpteur sénégalais Ousmane Sow, montrant le général domptant un cheval en grand uniforme d'une Révolution émancipatrice.</p> <p>J'avais à l'époque protesté contre ce choix. Mais telle était alors l'ambiance. Le communautarisme effaçait la citoyenneté ; le rôle des personnalités noires dans l'histoire républicaine était, pour l'essentiel, ignoré. Avait-on le droit de rappeler que l'écrivain Alexandre Dumas avait combattu pour la République en 1830 ? Pouvait-on protester contre un discours péremptoire prétendant qu'il n'y avait jamais eu de ministres de couleur en France alors qu'il s'en est fallu de peu que le guyanais Gaston Monnerville devienne Président de la République ? Avait-on le droit de rappeler l'abolition de l'esclavage par un vote enthousiaste de la Convention républicaine le 4 février 1794 ? Et se rappelle-t-on que, ce jour-là, 3 députés de la Convention, Jean-Baptiste Belley, Louis-Pierre Duffay, Jean-Baptiste Mills, un noir, un blanc, un métis, furent portés en triomphe par leurs collègues ?</p> <p>Je suis malheureux de constater à quel point l'ignorance de l'Histoire de France sert à beaucoup pour raconter n'importe quoi et à remettre en cause la citoyenneté. Certes des formes de discrimination, voire de racisme, existent et ont existé sur le territoire français. Mais sait-on que les colons des Antilles étaient, en 1794, dans un droit contraire à celui de la métropole où l'esclavage était aboli depuis le 14ème siècle, que l'esclave qui touchait le sol métropolitain était automatiquement affranchi malgré les efforts des colons pour faire abolir cette règle de droit ? Sait-on, d'ailleurs, que la première abolition proclamée en 1793 à Saint-Domingue et en 1794 à la Guadeloupe, n'a jamais été appliquée à la Martinique qui, aux mains des Anglais, a maintenu l'esclavage sans discontinuer ?</p> <p>Depuis l'érection des chaines d'esclave en 2008 à Paris, la tendance s'est-elle inversée ? On peut le penser puisque le Conseil de Paris vient de voter le principe d'installer une statue identique à celle d'avant 1942. On peut même subodorer un changement radical de la pensée puisque certains des promoteurs de la statue de 2008 sont aujourd'hui parmi les plus ardents défenseurs de la nouvelle et que, demandant cette statue du général Dumas, ils oublient qu'ils en ont demandé une bien contraire il y a presque 15 ans.</p> <p>Il est encore trop tôt pour savoir si l'épopée de la statuaire dumasienne illustre les fluctuations d'une idéologie dominante inculte et sensible à l'air du temps ou si elle inaugure le retour de la pensée républicaine appuyée sur une vraie connaissance fine de l'histoire émancipatrice de notre pays. Je veux croire en la deuxième option. Je pense souvent à Jean-Baptiste Belley, à Aimé Césaire, à Felix Eboué qui ont fait, citoyens de la république comme nous le sommes tous, l'Histoire de la France. Je me plais à croire que nous allons la continuer.</p> <p><i><a href="https://www.pouruneconstituante.fr/" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>https://www.pouruneconstituante.fr</a></i></p></div>
Irruption sur la place publique du sang, du racisme, et des violences policières
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http://la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article25142020-07-14T00:24:00Ztext/htmlfrFatima Benomar<p>Co-fondatrice du collectif Les Effronté.es, Fatima Benomar nous livre un texte à la fois indigné et structuré qui montre le lien entre le racisme, qui s'insinue dans la société et ses racines, et les violences policières qui se sont développées ces derniers temps.</p>
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<div class='rss_texte'><p>Trois ans après #MeToo, c'est au tour des violences racistes de ne plus se confiner dans les points aveugles et silenciés. Christope Castaner a déclaré récemment qu'il « croit en la justice des tribunaux, pas en celle de Twitter ». N'empêche qu'il aura fallu un bad buzz mondial concernant les violences policières pour qu'il se décide enfin à évoquer le sujet, après avoir ignoré les sonnettes d'alarmes du défenseur des droits Jacques Toubon, de l'ONU, de l'Europe et de la société civile.</p> <p>Derek Chauvin, policier filmé en train d'étouffer à mort George Floyd le 25 mai 2020 à Minneapolis, a été inculpé d'homicide involontaire, démis de ses fonctions et placé en détention provisoire. Voilà pourquoi il faut filmer les violences policières, car sans ces images, jamais justice n'aurait été faite. Voilà pourquoi Eric Ciotti a déposé une proposition de loi visant à interdire de filmer les policiers.</p> <p>De même que les femmes qui brisent le silence en déclarant être victimes de viol sont salies de toutes les manières dont disposent le récit médiatique ou judiciaire, de même, quand un noir est assassiné par la police, on liste tous les délits qu'il a pu commettre, jusqu'au bonbon qu'il aurait volé à l'épicerie étant petit, rien n'est oublié. Au contraire, quand un homme puissant, parce qu'il est blanc, et/ou célèbre, influent, populaire, est accusé de viol, on dresse aussitôt la liste de toutes ses qualités humaines, celle de ses oeuvres, les bonnes actions qu'il a pu accomplir, ou le fait que c'est au demeurant un très bon Ministre des finances.</p> <p>Aujourd'hui, le mouvement est revigoré et nous avons l'immense chance que ce soit un mouvement progressiste ayant une vision globale de l'égalité, intégrant une critique théorique du capitalisme et du patriarcat, grâce à l'investissement de plusieurs figures féministes au sein du #BlackLivesMatter (citations qui m'ont marquées). Quelques semaines avant George Floyd, une femme noire, Breonna Taylor, était tuée “par erreur” par des policiers alors qu'elle dormait. "Où est la colère pour Breonna Taylor ?" demandait le 30 mai dernier la chercheuse Renee Nishawn Scott au cri de #SayHerName !</p> <p>En parallèle du mouvement social, une certaine presse s'est aussi engagée pour le documenter. L'enquête de Médiapart a très vite jeté une lumière crue sur le racisme et la misogynie dans les rangs de la police. Il ne s'agissait alors plus que de George Floyd, mais aussi de Mohamed Gabsi, Ibrahima Bah, Steve Maia Caniço, Zineb Redouane ou encore Adama Traoré dont le plaquage ventral a causé le décès selon une contre-expertise. Bien avant l'affaire Floyd, Camélia Jordana a été menacée d'une plainte pour avoir seulement exprimé que les forces de l'ordre lui faisaient peur. Depuis, ils ont craint qu'en portant plainte, son procès devienne celui des violences policières et des contrôles au faciès, et les langues se sont autrement plus déliés. « On dit que 50% des policiers votent Le Pen, mais c'est bien plus » affirme Noam Anouar qui a subi le racisme dans les rangs de la police, et a été sanctionné pour avoir rompu l'omerta. Selon un sondage, un-e Français-e sur trois ne se sent pas en sécurité devant la police. Le Défenseur des droits a dénoncé des violences policières discriminatoires systémiques, des insultes, des palpations s'apparentant à des agressions sexuelles et des passages à tabac réguliers. Selon cette étude du Défenseur des droits, les jeunes hommes "perçus comme Noirs ou Arabes" ont "une probabilité 20 fois plus élevée que les autres d'être contrôlés". Je ne peux que vous inciter à feuillleter son Rapport de synthèse qui contient des éléments factuels, statistiques et d'enquêtes permettant d'objectiver le caractère systémique des discriminations ethno-raciales, et qui parle aussi du « coût » du racisme. Pour Human Rights Watch, "La police française fait usage de ses vastes pouvoirs pour faire des contrôles discriminatoires et abusifs sur des garçons et des hommes noirs et arabes". Un policier noir a découvert un groupe de messages audio de ses collègues sur WhatsApp proférant des insultes racistes et sexistes, voire fachistes. Cinq mois après leur dénonciation, ces policiers sont toujours en poste en attendant leur passage en conseil de discipline. Voilà comment des policiers, dans un très gros groupe facebook, parlent de l'affaire Théo. Dans « FDO 22 unis », un deuxième gros groupe Facebook, des milliers de policiers échangent des messages entre autres racistes. Fabrice Tranchant, ancien n°2 de la gendarmerie en Charente, haut gradé, se lâche sur son compte Facebook, florilège de partages parlant de "négros", "gros nez", et d'apologie de Pétain. Pris à tort pour des voleurs, quatre collégiens de 14 ans ont passé 24h en garde à vue pendant lesquelles ils ont subi des injures racistes et homophobes, « Nègres », « pédés ». Au delà de la question des minorités, plus d'an et demi après le début du mouvement des gilets jaunes, où en sont les enquêtes IGPN sur les violences policières qui ont fait l'objet d'un signalement ? Un policier a écopé de 18 mois de prison avec sursis pour avoir matraqué une manifestante lors d'une manifestation des Gilets Jaunes en janvier 2019, sans aucune interdiction d'exercer la profession.</p> <p>Soulignons quand même qu'après 13 ans de lutte, la cour européenne des droits de l'homme a versé 145 000€ à la famille Dieng, une reconnaissance du meurtre de Lamine Dieng par des policiers français en Juin 2007. Merci au collectif Vie Volées pour leur énorme travail. 🙏</p> <p>"On ne se dénonce pas entre flics. Parler, c'est mal vu, on est traité de balance, voire menacé, ou exclu" dénonce Bernard. Le débat, par auto-défense et diversion, se met alors à mettre en exergue le "racisme anti-blanc" comme a osé l'afficher le collectif d'extrême-droite Génération Identitaire en plein rassemblement géant contre le racisme, alors que ce prétendu racisme n'a aucune réalité scientifique et historique.</p> <p>Ce 13 juin, justement, après avoir explicitement autorisé la manifestation contre le racisme qui devait défiler de place de la République à Opéra, la préfecture de Paris a fait volte face à la dernière minute, et des camions de police ont bloqué le déplacement du cortège géant. La place n'a cessé de déborder durant des heures sous la pression de l'énorme mobilisation. Quand un gouvernement voit des milliers, et des milliers, et des milliers de personnes affluer vers une place, qui demandent à marcher, n'est-il pas on ne peut plus normal qu'on ouvre et qu'on les laisse marcher au lieu d'enfermer sur une place un tel mouvement populaire et de balancer la lacrymo au milieu des familles ?</p> <p>Hasard des grandes dates qui marquent l'Histoire, ce même jour, nous apprenions la mort d'un grand homme. « Si tu leur réponds, il y a outrage. Si tu résistes, il y a rébellion. Si tu prends la foule à témoin, il y a incitation à l'émeute. » disait Maurice Rajsfus qui a compilé quasiment toutes les violences policières parues dans les médias depuis mai 1968. « Je n'aime pas la police de mon pays » est disponible gratuitement en ligne.</p> <p>Hélas, pendant qu'à NewYork, Johannesburg, Barcelone, plein de villes effacent petit à petit des symboles colonialistes ou esclavagistes, pendant que Berlin rebaptise plusieurs rues qui célébraient la colonisation allemande en Afrique, honorant à la place des militant-es africain-es de l'indépendance, alors qu'en France, toutes les villes qui avaient une voie publique au nom du Maréchal Pétain les ont débaptisées, la dernière en date ayant été renommée en 2013 dans un village de la Meuse, alors qu'il y a à peine deux ans, Lille faisait renommer la rue Canrobert, maréchal qui a notamment participé à la conquête de l'Algérie... aujourd'hui, le débat français se recroqueville de nouveau de peur qu'on "efface son Histoire". Est-ce que les actions que j'ai normmé ont effacé quoique ce soit de l'Histoire de France ? Quel est le problème de débaptiser des rues qui rendent hommage à des criminels de guerre, des esclavagistes et autres héros de la Nation qui ont commis des atrocités dans les colonies, alors que pour se souvenir, il y a les dates mémoriales, les musées, l'école, l'Histoire ? À quelle nostalgie nous accrochons-nous, et de quoi avons-nous peur ?</p> <p>Et surtout, est-ce vraiment au nom de la mémoire qu'on refuse de déboulonner ces statues "pour ne pas effacer cette part de l'Histoire de France", alors qu'on condamne un maire à détruire une fresque qui prétend rendre hommage aux victimes du racisme et des violences policières ? Le récit national ne s'embarrasse pas de manières, et c'est plutôt l'éternelle question politique de quelle mémoire est transmise, qui est en jeu.</p></div>
Lettre adressée à mes amis blancs qui ne voient pas où est le problème
http://la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2509
http://la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article25092020-07-11T23:45:00Ztext/htmlfrVirginie Despentes<p>Paru peu de temps avant le dernier numéro de Réchauffer la Banquise en juin, nous n'avions pu le publier alors, ce que quelques médias ont pu faire. Virginie Despentes offre un texte fort aux bonnes consciences, y compris à gauche, « qui ne voient pas le problème »</p>
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<a href="http://la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique26" rel="directory">Immigration, Racisme</a>
<div class='rss_texte'><p>En France nous ne sommes pas racistes mais je ne me souviens pas avoir jamais vu un homme noir ministre. Pourtant j'ai cinquante ans, j'en ai vu, des gouvernements. En France nous ne sommes pas racistes mais dans la population carcérale les noirs et les arabes sont surreprésentés. En France nous ne sommes pas racistes mais depuis vingt-cinq ans que je publie des livres j'ai répondu une seule fois aux questions d'un journaliste noir. J'ai été photographiée une seule fois par une femme d'origine algérienne. En France nous ne sommes pas racistes mais la dernière fois qu'on a refusé de me servir en terrasse, j'étais avec un arabe. La dernière fois qu'on m'a demandé mes papiers, j'étais avec un arabe. La dernière fois que la personne que j'attendais a failli rater le train parce qu'elle se faisait contrôler par la police dans la gare, elle était noire. En France on n'est pas raciste mais pendant le confinement les mères de famille qu'on a vues se faire taser au motif qu'elles n'avaient pas le petit papier par lequel on s'auto-autorisait à sortir étaient des femmes racisées, dans des quartiers populaires. Les blanches, pendant ce temps, on nous a vues faire du jogging et le marché dans le septième arrondissement. En France on n'est pas raciste mais quand on a annoncé que le taux de mortalité en Seine Saint Denis était de 60 fois supérieur à la moyenne nationale, non seulement on n'en a eu un peu rien à foutre mais on s'est permis de dire entre nous « c'est parce qu'ils se confinent mal ».</p> <p>J'entends déjà la clameur des twitteurs de service, s'offusquant hargneusement comme ils le font chaque fois qu'on prend la parole pour dire quelque chose qui ne corresponde pas à la propagande officielle : « quelle horreur, mais pourquoi tant de violence ? »</p> <p>Comme si la violence ce n'était pas ce qui s'est passé le 19 juillet 2016. Comme si la violence ce n'était pas les frères de Assa Traoré emprisonnés. Ce mardi, je me rends pour la première fois de ma vie à un rassemblement politique de plus de 80 000 personnes organisé par un collectif non blanc. Cette foule n'est pas violente. Ce 2 juin 2020, pour moi, Assa Traoré est Antigone. Mais cette Antigone-là ne se laisse pas enterrer vive après avoir osé dire non. Antigone n'est plus seule. Elle a levé une armée. La foule scande : Justice pour Adama. Ces jeunes savent ce qu'ils disent quand ils disent si tu es noir ou arabe la police te fait peur : ils disent la vérité. Ils disent la vérité et ils demandent la justice. Assa Traore prend le micro et dit à ceux qui sont venus « votre nom est entré dans l'histoire ». Et la foule ne l'acclame pas parce qu'elle est charismatique ou qu'elle est photogénique. La foule l'acclame parce que la cause est juste. Justice pour Adama. Justice pareille pour ceux qui ne sont pas blancs. Et les blancs nous crions ce même mot d'ordre et nous savons que ne pas avoir honte de devoir le crier encore, en 2020, serait une ignominie. La honte, c'est juste le minimum.</p> <p>Je suis blanche. Je sors tous les jours de chez moi sans prendre mes papiers. Les gens comme moi c'est la carte bleue qu'on remonte chercher quand on l'a oubliée. La ville me dit tu es ici chez toi. Une blanche comme moi hors pandémie circule dans cette ville sans même remarquer où sont les policiers. Et je sais que s'ils sont trois à s'assoir sur mon dos jusqu'à m'asphyxier – au seul motif que j'ai essayé d'esquiver un contrôle de routine – on en fera toute une affaire. Je suis née blanche comme d'autres sont nés hommes. Le problème n'est pas de se signaler « mais moi je n'ai jamais tué personne » comme ils disent « mais moi je ne suis pas un violeur ». Car le privilège, c'est avoir le choix d'y penser, ou pas. Je ne peux pas oublier que je suis une femme. Mais je peux oublier que je suis blanche. Ça, c'est être blanche. Y penser, ou ne pas y penser, selon l'humeur. En France, nous ne sommes pas racistes mais je ne connais pas une seule personne noire ou arabe qui ait ce choix.</p></div>
LA AHLAN WA LA SAHLAN (NON, PAS BIENVENUS EN FRANCE)
http://la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2382
http://la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article23822019-08-14T15:28:00Ztext/htmlfrAhmed Abbes<p>Ahmed Abbes, universitaire tunisien en poste à Paris nous propose de partager son texte dénonçant le double langage du gouvernement français à propos de l'accueil des étudiants étrangers. Le titre est parlant : La ahlan wa la sahlan, en français Non, pas les bienvenus.</p>
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<a href="http://la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique26" rel="directory">Immigration, Racisme</a>
<div class='rss_texte'><p>Deux événements marqueront les échanges universitaires entre la France et l'Afrique à partir de la rentrée prochaine :</p> <p>1. l'application du dispositif au nom de contre-vérité de « Bienvenue en France » qui impose des « frais d'inscription différenciés » pour les étudiants étrangers hors Communauté européenne. Leurs droits d'inscription passent de 170 à 2 770 euros par an en licence et de 243 à 3 770 euros en master. 2. l'ouverture de l'Université franco-tunisienne pour l'Afrique et la Méditerranée (UFTAM) à Al Mourouj, dans la banlieue sud de Tunis.</p> <p>Ces événements ne peuvent se comprendre qu'à la lumière de la politique particulièrement restrictive et répressive d'accueil des réfugiés et des migrants en France, dont les conséquences directes se voient du col de l'Echelle dans les Alpes aux côtes de Zarzis en Tunisie. Les « frais d'inscription différenciés » et l'UFTAM visent à faire de la Méditerranée une frontière quasi-infranchissable pour les jeunes africains voulant poursuivre leurs études en France, à l'exception de quelques « heureux élus ». Si cet objectif a été immédiatement perçu et dénoncé, aussi bien en France qu'en Afrique, en ce qui concerne l'augmentation des frais d'inscription, une campagne de marketing a permis de le camoufler pour le lancement de l'UFTAM. On promet aux jeunes africains des diplômes français s'ils acceptent d'étudier à Tunis plutôt qu'à Paris ou à Nice. Le Ministre de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique tunisien a déclaré fièrement que « c'est la première fois que seront délivrés en Tunisie des diplômes européens reconnus internationalement ». Le communiqué du ministère va plus loin en affirmant que « l'UFTAM est la seule université internationale en Afrique à délivrer des diplômes européens à partir du contient ». Il oublie que de nombreux établissements publics ou privés marocains (UIC, UIR, INSA Euro-Méditerranée, emlyon Afrique, etc.), égyptiens (UFE, GUC) et même tunisiens (ENIT, EPT, ENIM, Sup'Com, Dauphine Tunis, Esprit, Polytech'Intl et quelques autres) délivrent déjà des diplômes accrédités en Europe et/ou des double diplômes avec des établissements français.</p> <p>L'Ambassadeur de France en Tunisie a quant à lui parlé plus pudiquement de « plateforme entre l'Europe et l'Afrique » et n'a pas manqué de rappeler que ce projet « a été conclu entre Emmanuel Macron et le défunt président Béji Caïd Essebsi ». Il n'y a rien de mieux en ce moment pour promouvoir un projet, une idée ou même une personne en Tunisie que de l'associer au défunt président. Un petit détail qui ne manque pas d'importance : les frais d'inscription à l'UFTAM s'élèvent à 9000 dinars (environ 2800 euros) par an en master, soit un rabais de 25% par rapport aux nouveaux frais d'inscription pour les étudiants étrangers en métropole, mais onze fois plus que les frais d'inscription des étudiants français.</p> <p>Le Ministre de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique tunisien s'est vanté en février dernier d'avoir obtenu « une exonération importante [des frais d'inscription différenciés] pour les étudiants tunisiens qui font leurs études en France » en mentionnant l'exonération pour tous les étudiants actuellement en France et celle des doctorants. Ces exonérations s'appliquent en fait à tous les étudiants étrangers en France. Contrairement à ce qu'affirme le communiqué récent du ministère, aucune exonération spécifique n'a été accordée aux étudiants tunisiens. Les seuls étudiants non européens exonérés de droit sont les québécois. Le gouvernement français a prévu pour tous les autres étudiants quelques exonérations qu'il distribuera chichement suivant des quotas fixés à l'avance.</p> <p>Ces deux événements nous ramènent à la case départ, magnifiquement résumée par Cheikh Hamidou Kane dans son chef d'œuvre « L'Aventure ambiguë » en ces termes :</p> <p>« Certains, comme les Diallobé, brandirent leurs boucliers, pointèrent leurs lances ou ajustèrent leurs fusils. On les laissa approcher, puis on fit tonner le canon. Les vaincus ne comprirent pas. D'autres voulurent palabrer. On leur proposa, au choix, l'amitié ou la guerre. Très sensément, ils choisirent l'amitié : ils n'avaient point d'expérience. Le résultat fut le même cependant, partout. Ceux qui avaient combattu et ceux qui s'étaient rendus, ceux qui avaient composé et ceux qui s'étaient obstinés se retrouvèrent, le jour venu, recensés, répartis, classés, étiquetés, conscrits, administrés.</p> <p>Car ceux qui étaient venus ne savaient pas seulement combattre. Ils étaient étranges. S'ils savaient tuer avec efficacité, ils savaient aussi guérir avec le même art. Où ils avaient mis du désordre, ils suscitaient un ordre nouveau. Ils détruisaient et construisaient. On commença, dans le continent noir, à comprendre que leur puissance véritable résidait, non point dans les canons du premier matin, mais dans ce qui suivait ces canons. Ainsi, derrière les canonnières, le clair regard de la Grande Royale des Diallobé avait vu l'école nouvelle.</p> <p>L'école nouvelle participait de la nature du canon et de l'aimant à la fois. Du canon, elle tient son efficacité d'arme combattante. Mieux que le canon, elle pérennise la conquête. Le canon contraint les corps, l'école fascine les âmes. Où le canon a fait un trou de cendre et de mort et, avant que, moisissure tenace, l'homme parmi les ruines n'ait rejailli, l'école nouvelle installe sa paix. Le matin de la résurrection sera un matin de bénédiction par la vertu apaisante de l'école. »</p> <p><i>Ahmed Abbes est mathématicien et directeur de recherche à Paris</i></p></div>
IMMIGRATION
http://la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2342
http://la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article23422019-05-10T13:08:33Ztext/htmlfrJacques-Robert SimonLe 27 Octobre 1985 Jacques Chirac Maire de Paris débat avec Laurent Fabius Premier Ministre au sujet de l'immigration. Chirac propose une extrême fermeté car, selon lui, 42% des délinquants sont étrangers, un tiers des gens en prison, 73% des trafiquants de drogue. Il propose en conséquence l'expulsion des clandestins et des contrôles d'identité rendus efficaces grâce à une carte infalsifiable... Fabius, à une ou deux exceptions, donne son plein accord à ces propositions. (...)
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<a href="http://la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique26" rel="directory">Immigration, Racisme</a>
<div class='rss_texte'><p>Le 27 Octobre 1985 Jacques Chirac Maire de Paris débat avec Laurent Fabius Premier Ministre au sujet de l'immigration. Chirac propose une extrême fermeté car, selon lui, 42% des délinquants sont étrangers, un tiers des gens en prison, 73% des trafiquants de drogue. Il propose en conséquence l'expulsion des clandestins et des contrôles d'identité rendus efficaces grâce à une carte infalsifiable... Fabius, à une ou deux exceptions, donne son plein accord à ces propositions. La part des immigrés dans la population n'a cessé d'augmenter depuis la fin de la seconde guerre mondiale, avec cependant une « pause » entre 1970 et 2000 suivie d'une forte augmentation ensuite. Aux élections présidentielles de 1974 Le Pen obtint 0,75%, sa fille obtiendra 34% au second tour de ces mêmes élections.</p> <p>Immigration, la simple utilisation du mot permet à chacun de fourbir ses armes pour abattre l'adversaire. Les immigrés eux-mêmes ont peu à voir avec ce comportement : il s'agit de bannir les uns, bénir les autres, afin de délimiter des camps : les populistes et les progressistes, par exemple. Et si tous, malgré les dires et les postures, n'étaient animés que par leur seul intérêt ?</p> <p>Il est maintenant acquis qu'il existe deux France qui ne se connaissent pas ou plus, qui n'ont plus les mêmes repères, qui n'habitent pas au même endroit, qui n'ont pas les mêmes revenus et le même bagage culturel. Nous les nommerons CSP+ ou CSP- (CSP : catégorie socioprofessionnelle) par souci de concision.</p> <p>Les CSP+ occupent les échelons les plus hauts de la pyramide sociale, ils ont un bagage universitaire important et des revenus en conséquence. Ils habitent dans les centres villes où ils peuvent retrouver des semblables dans des lieux sociaux taillés sur mesure alliant cuisine exotique raffinée, décor minimaliste, musique branchée, lectures du jour. Ils se sont détournés des valeurs traditionnelles (famille, religion, patrie) auxquelles ils n'attachent plus aucune importance pour se consacrer à l'optimisation des relations et des plaisirs. Ils font du sport, du jogging, de la patinette, du vélo et fréquentent volontiers les clubs de fitness (surtout pour y faire des rencontres). Ils téléchargent avec avidité les applications derniers crus qui leur permettent de découvrir de nouvelles réalités virtuelles. Ils votent massivement pour Macron et sont repliés sur eux-mêmes malgré une apparente ouverture car même à l'étranger ils ne fréquentent que leur monde.</p> <p>Les CSP- sont des ouvriers et des employés vivant dans la grande périphérie des métropoles. Leur salaire oscille entre 1 et 1,5 fois le SMIC. Les plus âgés ont pour idole Johnny Halliday, les plus jeunes préfèrent Lady Gaga (Are you happy girl…). Ils ne vont jamais au Musée, peu au cinéma, ne lisent pas, boivent souvent beaucoup, utilisent communément le shit pour apaiser les moments d'angoisse. Ils utilisent leur voiture pour aller travailler souvent à plusieurs dizaines de kilomètres de leur domicile. Ils n'ont jamais vraiment cru en une justice divine mais ils faisaient jadis semblant, ils ont davantage adhéré au Parti qui se disait leur représentant, mais ce temps est fini. Ils ont adopté les mœurs de l'époque sans se rendre compte qu'elles n'étaient pas taillées à leur mesure, qu'elles les fragilisaient plus qu'elles les satisfaisaient. Les CSP- votent FN (maintenant RN).</p> <p>Les réactions à un apport important de populations étrangères vont être très différentes selon que vous êtes CSP+ ou CSP-, non pas parce que les uns seraient génétiquement plus humanistes et à même de faire des analyses intelligentes que les autres, simplement parce que les deux catégories vont suivre leur intérêt.</p> <p>Un apport de populations étrangères au sein d'une Nation a toujours, au moins dans un premier temps, engendré des réactions d'hostilités. Entre 1815 et 1914 près de 16 millions d'italiens émigrent vers les Etats-Unis ou les pays européens dont la France. L'Italie connaît un fort accroissement de sa population et son économie ne peut pas résorber l'afflux de main d'œuvre : les italiens en sont réduits à "voler ou émigrer" selon les dires. Les « italiens » sont prêts à accepter des rémunérations moins importantes et des conditions de travail plus rudes que les français et sont perçus par ces derniers comme des concurrents. La main-d'œuvre exogène, selon les économistes, permet de « fluidifier » le marché du travail. Une flexibilité accrue est nécessaire, selon eux, pour rester compétitifs face aux marchés externes.</p> <p>Les réactions de rejet des immigrés italiens sont nombreuses. Ainsi par exemple, en juin 1881, les « Vêpres marseillaises » voient, durant quatre jours, des foules passionnées faire la chasse aux Italiens faisant 3 morts et 21 blessés. La parenté des cultures et des religions ne permet pas de vaincre ou de tempérer les élans xénophobes des populations autochtones. En Lorraine sidérurgique, l'activisme syndical des « italiens » se heurte à l'hostilité ouverte d'une fraction des ouvriers lorrains, moins sensibles qu'eux à l'internationalisme. La presse décrit alors l'italien comme un "voyou" ou comme un "anarchiste". A Aigues-Mortes en août 1893, c'est en brandissant le drapeau français que la population poursuit les Italiens.</p> <p>Ainsi, la réaction des ouvriers de l'époque, loin de la crise de 1929 et de la montée du nazisme, s'explique tout simplement par la défense de leurs intérêts. Le recours à une main d'œuvre étrangère permet aux employeurs de faire pression sur les salaires et de s'assurer les services d'ouvriers et d'employés plus dociles.</p> <p>De nos jours, la présentation n'est bien sûr pas faite ainsi et on parle plus volontiers de réformes "pro-business", visant à libérer les entreprises des "rigidités" qui pèsent sur leur compétitivité, et des mesures sont prises : plafonnement des dommages et intérêts en cas de licenciement illégal, organisation de plans de départs volontaires en dehors des plans sociaux, possibilité donnée aux entreprises multinationales faisant des bénéfices de procéder à des licenciements dans leurs filiales françaises….</p> <p>Le problème n'est donc pas entre les tenants de la vertu, des droits de l'Homme, de l'ouverture au monde et des gens sans morale, xénophobes, refermés sur eux-mêmes : il s'agit plus prosaïquement d'intérêts contradictoires qui s'affrontent lorsque l'on parle d'immigration.</p> <p>Il est acquis que les chefs d'entreprise sont en faveur d'une large immigration et ils sont toujours intervenus auprès de leurs représentants politiques pour qu'il en soit ainsi. Ainsi G. Pompidou dira à propos des immigrés réclamés par le patronat : « ils en veulent toujours plus ! ». Les mêmes politiciens dits de droite dénoncent pourtant avec force les méfaits de l'immigration qui ébrèche l'identité nationale (selon eux). Les opposants politiques dits de gauche s'en tiennent à une posture humaniste qui économiquement dessert la fraction du peuple dont il se réclame, ce qui ne les empêche pas eux non plus de soutenir la compétitivité des entreprises par les moyens appropriés, dont l'immigration : les cadres supérieurs ont besoin de nounous, de femmes plus jeunes que l'ancienne, de bâtiments pas trop chers bâtis par des gens mal payés…</p> <p>Un exemple frappant de racisme inapparent et chic concerne la gentrification des centres villes. Il n'est évidemment pas question que des cadres aillent injurier des pauvres (blancs, arabes ou noirs) au pied de leurs immeubles pour pouvoir prendre leur place dans leur logement devenu vacant. Par contre, il est possible de mettre un terme aux quotas de logements sociaux, de remplacer des baux à durée indéterminé par d'autres à durée limitée, de ne plus contrôler l'augmentation des loyers, de laisser les prix de l'immobilier monter d'une façon vertigineuse pour augmenter la rentabilité des investissements… et en quelques années tout au plus, les CSP++ expulsent les plus démunis d'une ville avec les formes que requiert une exquise éducation.</p> <p>Le racisme anti-pauvres, caché par les flots verbaux de discours moralisateurs, se retrouve également quand il s'agit d'offrir les meilleures chances aux enfants de CSP+ pour « réussir » leur vie, la vie. Aucun n'envisage évidemment que leur progéniture puisse être cantonnier. Il existe d'excellents, de bons et de moins bons établissements scolaires. L'affectation d'un élève dans une école maternelle, une école élémentaire ou un collège relevant de l'enseignement public obéit à la sectorisation : les élèves sont scolarisés dans l'établissement scolaire correspondant à leur lieu de résidence. Principe de justice, tentative de lutter contre toute ségrégation. Mais « on » pense et ‘on' affirme que les populations ‘défavorisées' « tirent les classes vers le bas » ! Alors « on » triche ! Avec la loi ! Avec les principes républicains ! Avec la plus élémentaire morale ! « On » falsifie des factures EDF, « on » inscrit l'enfant à des cours de trombone, « on » se fait domicilier chez une vieille marraine, « on » emménage fictivement chez un parent d'élève… ou « on » va dans le privé. L'humanisme est un idéal disent-ils, mais il faut bien s'empoigner avec la réalité.</p> <p>Reste l'identité nationale revendiquée par une très large partie de ceux qui constituent les décideurs de toujours. Il est vrai que les puissants ont toujours su séparer le temporel du spirituel, et que cela ne coûte rien de clamer son attachement aux valeurs de la France si on peut faire en même temps des affaires. L'identité nationale se trouve être défendue verbalement par les CSP-, bien plus que par leurs co-nationaux. « Seul le malheureux voit des miracles » et la République une et indivisible en est un puisqu'elle inscrit à son fronton « Liberté, Égalité, Fraternité » idéal inaccessible, presque utopique, mais boussole indispensable à toute société. Les CSP- y croient, les autres ne croient plus en rien.</p> <p>Il est souvent revendiqué que la culture, le savoir représentent une voie d'accès vers la sagesse qui seule permet de guider les peuples. On sait au moins depuis 1974 qu'il n'en est rien. René Dumont à l'époque proposait comme nécessaire tout ce qui se révèle indispensable aujourd'hui : les économies d'énergie, la coopération avec les pays en développement, la protection et la remédiation des sols… toutes choses qui furent noyés dans les agitations de l'instant, instants qui permettaient d'être élus, réélus, d'être confortés dans ses privilèges, qui permettaient à une classe supérieure qui ne rêve de rien d'autre que de rester supérieure de croire qu'elle y parvenait. Il est maintenant acquis que ceux qui prônent la proximité des productions et de la consommation, la valorisation du faire sur le faire-faire, la préservation des tissus culturels populaires ou non sont porteurs du seul avenir possible. Le choix a été fait de produire de plus en plus n'importe quoi en d'énormes quantités mais de médiocre qualité au prix d'une ruine de l'art des manuels. Que de temps perdu à éponger une prétendue soif de consommation que l'on mettait tant de soin à susciter. Que de temps perdu à faire entrer dans une machine à broyer ceux qui n'avaient que leur force de travail à proposer, permettant aux uns de dominer et les autres à perdre leur dignité.</p> <p>Nos élites nous ont fait perdre un demi-siècle en pillant tout ce qui pouvait être pillé, en asservissant tout ce qui pouvait être asservi, en ruinant tout ce qui pouvait être ruiné : l'environnement comme le sens civique. D'élection en élection, en se raccrochant au « moins pire des candidats, on pensait éloigner un peu les périls que tous savaient menaçants. Que de temps perdu en luttes de pouvoirs, en batailles de coqs, en rodomontades stériles, alors que les temps nécessitaient efforts et grandeur : « Ce sont les élites [qui ont déliré] qui délirent, pas les gens ordinaires. »</p></div>
INTERNATIONALISME ET MIGRATIONS
http://la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2305
http://la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article23052018-10-25T00:40:00Ztext/htmlfrMichel RogalskiLa question des flux migratoires s'invite désormais au cœur des débats politiques électoraux dans les pays du Nord et bouleverse les équilibres politiques établis. Partout les forces politiques qui suggèrent de favoriser l'arrivée de migrants sont désavouées. La vague de réticence, de l'Europe de l'Est à la Grande-Bretagne et l'Italie, en passant par les États-Unis ou le Québec, déferle et déstabilise les pouvoirs en place. La cohésion de l'Union (...)
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<a href="http://la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique26" rel="directory">Immigration, Racisme</a>
<div class='rss_texte'><p>La question des flux migratoires s'invite désormais au cœur des débats politiques électoraux dans les pays du Nord et bouleverse les équilibres politiques établis. Partout les forces politiques qui suggèrent de favoriser l'arrivée de migrants sont désavouées. La vague de réticence, de l'Europe de l'Est à la Grande-Bretagne et l'Italie, en passant par les États-Unis ou le Québec, déferle et déstabilise les pouvoirs en place. La cohésion de l'Union européenne est mise à mal par des pays qui n'hésitent plus à s'afficher nen désobéissance, et l'affolement gagne ses dirigeants à l'approche des prochaines élections. Le malaise s'installe à gauche, tiraillée de longue date entre une approche de solidarité internationaliste et une vision cosmopolite et sans-frontiériste où tout citoyen pourrait circuler et s'installer à sa guise.</p> <p>Les premiers, se réclamant du marxisme, refusent une mondialisation libérale écrasant les acquis sociaux formés dans des trajectoires nationales et souhaitent un régime de coordination internationale dans lesquels les États seraient suffisamment maîtres de leur développement pour honorer leurs engagements. L'internationalisme procède d'une démarche de solidarité de luttes et de combats entre acteurs imprégnés de mêmes valeurs, et se distingue de la charité ou de l'humanitaire qui relèvent de l'assistance aux victimes. Il a emprunté tout au long du 20e siècle trois formes majeures. Tout d'abord à partir d'Octobre 17, celui d'une visée commune s'incarnant dans un avenir à construire, prônant souvent de façon peu heureuse un soutien sans faille à la diplomatie soviétique ; puis dans les années 1960-1970, celui de la solidarité aux peuples coloniaux et plus largement aux luttes du Tiers-Monde poursuivant le projet d'une remise en cause d'un ordre dominant, celui de l'impérialisme ; enfin, la perception d'un danger commun a nourri la solidarité antifasciste et antidictatoriale et se prolonge en faveur de ceux qui s'opposent aux formes rétrogrades et fascisantes de l'intégrisme religieux se réclamant de l'islam, du Moyen-Orient au Sahel en passant par l'Algérie.</p> <p>Les seconds, considérant l'État-nation en voie d'être dépassée par le mouvement de mondialisation, portent un projet de citoyenneté mondiale et font du migrant le vecteur de cette aspiration et insistent sur les valeurs humaines de charité et d'accueil de personnes en situation de détresse. Bref, les uns se proposent de tisser des liens de combats pour aider des peuples à changer de gouvernement, alors que les autres les invitent à changer de pays pour changer de vie. Les uns portent un projet de développement pour ces peuples, les autres semblent y avoir renoncé en faisant croire que le nomadisme planétaire en tiendra lieu. Ces approches ne sont pas nouvelles. La montée des flux migratoires exacerbe leurs frictions.</p> <p>Évidemment ces mouvements de populations accompagnent le libéralisme mondialisé et en constituent l'un des aspects. Pour l'essentiel ces personnes qui aspirent à frapper à nos portes relèvent de deux statuts que le droit international a longtemps mis à distinguer et qu'il importe de maintenir comme un acquis. D'abord, la masse d'entre eux, les migrants qui veulent rectifier l'une des plus fortes inégalités qui prévaut dans le monde d'aujourd'hui, celle de leur lieu de naissance. L'émigration est structurellement encore inévitable pour longtemps car elle s'inscrit dans de profondes inégalités sociales où la moitié la plus pauvre de la planète observe à travers la petite lucarne télévisée l'autre moitié vivre dans ce qui lui paraît être un luxe inaccessible et se demande quelle est la fatalité qui l'a fait naître au mauvais endroit. La grand-mère cambodgienne qui s'échine à trouver du bois de feu pour faire cuire le riz du soir a vite compris que le souci de la grand'mère américaine est de savoir si l'eau de la piscine sera assez chaude pour accueillir ses petits-enfants qui viendront la visiter le prochain week-end. C'est violent et cela ne peut engendrer qu'un désir de partir dans l'espoir d'une vie meilleure. Ce sont avant tout des victimes de la misère, d'insécurité, de perte d'espoir, de catastrophes, de guerres… dont la majeure partie aboutit dans d'immenses camps de déplacés, fort heureusement pris en charge par les Nations unies, qui s'apparentent à des zoos où l'on est nourri, logé, soigné et éduqué mais sans perspective de pouvoir en sortir avant des années. Une minorité, après un parcours éprouvant arrive jusqu'à nos portes, démunie de visa ou de tout papier, en situation irrégulière et se heurte alors à un second parcours non moins éprouvant. Ils forment la masse de ceux qui frappent à nos portes.</p> <p>Ensuite, les demandeurs d'asile dont la particularité est aujourd'hui reconnue et qui cherchent à sauver leur vie. Il s'agit de combattants qui ont souvent connu la répression et viennent chercher chez nous répit et abri, souvent pour y poursuivre leurs combats. Grâce à de longues luttes, leur statut et leurs droits se sont améliorés et ils bénéficient aujourd'hui de dispositions particulières les protégeant et qui font obligation aux États de les respecter dès lors qu'ils satisfont aux critères exigés. Beaucoup de migrants cherchant à se prévaloir de ce statut sont déboutés et restent sans droits, grossissant la masse des sans-papiers et survivant dans l'attente d'une prochaine vague de régularisations.</p> <p>Les réfugiés politiques doivent bénéficier d'une solidarité sans faille. Par définition leur nombre est imprévisible, puisqu'il dépend des aléas de la conjoncture politique d'autres pays, mais il est très inférieur à celui des migrants. La lucidité oblige à reconnaître que la logique du système économique mondial favorise la multiplication des migrants et que l'instabilité politique qui gagne nombre de pays fabrique des demandeurs d'asile. Finance et multinationales ont depuis longtemps pris le monde comme un terrain de jeu pour y déployer leurs activités, se jouant des frontières pour faire ailleurs ce qui devient interdit chez eux. Il s'agit de rapprocher capitaux et travailleurs sans droits. Délocalisations d'une part, filières migratoires d'autre part deviennent les deux faces de la même médaille qui consiste à contourner les contraintes des acquis sociaux. Les hommes réduits à leur activité de producteur – exploitable – ou de consommateur sont interchangeables. Cette logique conduit à rendre des centaines de millions d'hommes, voire plus, à devenir sans intérêt et inutile pour le capital. Faut-il accompagner cette mondialisation ? Faut-il encourager ces régimes qui n'ont plus comme modèle que l'Arabie saoudite, c'est-à-dire une classe corrompue pillant les richesses nationales, poussant leurs ressortissants à s'expatrier pour éviter les besoins à satisfaire en santé, éducation, logement, alimentation. Ce modèle se répand à travers le monde traduisant un renoncement au développement. Les flux migratoires, composante structurelle de l'économie mondiale, sont devenus inévitables.</p> <p>Mais ils sont également impossibles. La montée de leur rejet dans les pays occidentaux témoigne d'un profond malaise. On pourra multiplier à l'envi les études sur les avantages socio-économiques de ces mouvements de population, sans faire bouger les lignes. C'est ne pas comprendre que si les hommes sont égaux cela ne signifie pas pour autant qu'ils sont interchangeables. Ce serait les réduire à leur seule composante économique de producteur/ consommateur sans considération pour les autres aspects de leur personnalité qui ne peuvent entrer dans aucune comptabilité. Ils ont une histoire singulière, un enracinement, une langue, des croyances, des habitudes vestimentaires ou culinaires, bref des coutumes et des cultures qui diffèrent de celles de leur pays d'accueil. On pourra toujours alléguer que les chiffres de flux sont faibles par rapport à la population totale, mais ce serait oublier qu'il s'agit de moyenne statistique et que la répartition n'est pas harmonieuse et se polarise. Ce serait oublier que ces faibles flux viennent renforcer une installation déjà importante dont tout le monde s'accorde à reconnaître l'échec de l'intégration, notamment des dernières générations. Plutôt que se disputer sur les chiffres des migrants, il conviendrait d'observer un recensement auquel se livre l'Insee année après année, à savoir celui des prénoms des enfants nés en France, et notamment du taux d'octroi des prénoms musulmans. Sur les vingt dernières années ce taux est passé de 6 à 20%. Il atteint 29% en Île de France et 51% en Seine-Saint-Denis. On comprend mieux comment cela a pu déstabiliser les populations déjà résidentes et contribuer au rejet des flux migratoires supplémentaires. À part une frange indéniablement xénophobe et raciste la majorité de ceux qui se retrouvent dans le mot d'ordre « on est chez nous ! » témoigne plutôt d'un sentiment d'abandon, de relégation, de perte de repères et exprime un besoin d'aide et d'assistance de la part de l'État révélant tout à la fois une situation de déclassement social, de perte de leur univers culturel habituel et d'un sentiment d'insécurité.</p> <p>Ils forment les gros bataillons du « virage à droite » de la société et on se tromperait à les ignorer. On a assisté en France à un silence de plus en plus prononcé de la gauche autour des valeurs de patrie, de nation, de souveraineté et d'identité. Les forces de droite se sont engouffrées dans ce boulevard offert. La gauche, laminée en 20 ans, même unie, serait dans l'incapacité de pouvoir revenir au pouvoir sans renouer avec ces valeurs. Le caractère tout à la fois inévitable et impossible de la multiplication des flux migratoires conduit à la crise grave que l'on connaît. Réduire l'aspect inévitable suppose de réguler les arrivées, et s'attaquer à l'impossibilité suppose de prendre à bras-le-corps la question de l'intégration. À défaut d'y réussir, les bâtiments de guerre remplaceront bien vite les bateaux humanitaires en Méditerranée.</p> <p><i>Article paru dans la revue Recherches internationales <a href="http://www.recherches-internationales.fr/" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://www.recherches-internationales.fr</a></i></p></div>