La Gauche Cactus
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frSPIP - www.spip.net (Sarka-SPIP)Travail : le cœur n'y est plus ?
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http://la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article28042022-10-01T11:10:00Ztext/htmlfrYann Fiévet<p>Lors de la récente fête de l'Humanité, le sympathique Fabien Roussel tint des propos sur le travail qui firent tiquer certains de ses partenaires de la NUPES. Toujours soucieux de préserver l'unité (dans la différence) de celle-ci, nous publions un texte de Yann Fiévet, plein de mesure et de sagesse, qui devrait recevoir un accueil (quasi) unanime.</p>
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<div class='rss_texte'><p>Le travail est toujours en crise. Une nouvelle poussée de celle-ci est en cours depuis beau temps. Ce ne sera évidemment pas la dernière. A la veille d'une rentrée sociale qui promet d'être cette année particulièrement houleuse il convient de regarder les choses bien au-delà des apparences trompeuses. La Droite au pouvoir s'indigne que « les Français ne veulent plus travailler » alors que tant d'emplois s'offrent à eux et, par conséquent, restent dramatiquement vacants. En revenant une nouvelle fois sur cette vielle marotte qui décidément lui colle à la peau la Droite est aveugle à un fait de plus en plus patent : le rapport des citoyens au travail est bel et bien en train de changer. Et, contrairement à ce qu'affirment certains observateurs pressés la pandémie du coronavirus n'en est pas la cause mais le simple révélateur. Elle a mis en lumière – et probablement accéléré – un phénomène qui couvait bien avant le confinement de mars 2020. Ul va bien falloir qu'elle déchante cette Droite qui n'avoue pas son nom, qui se parent des artifices grossiers – pour ne pas dire grotesques – d'une Renaissance frelatée ou d'un pâle Horizon. Elle déchantera comme elle l'a souvent fait, au gré d'un nouveau soubresaut de l'Histoire sociale.</p> <p>La mauvaise volonté prétendue des Français à l'égard du travail touche désormais de très nombreux secteurs si ce n'est toute l'économie. Elle n'épargne pas le secteur public. On ne trouve plus de profs, d'instits, d'infirmières, d'aide soignantes, de greffiers, de gardiens de prison, etc. Il ne manquerait plus que l'on ne trouve plus de policiers pourrait bientôt cauchemarder Gérald Darmanin, notre meilleur père fouettard. Dans la sphère marchande, de nombreux emplois ne trouvent pas preneur malgré les encouragements verbaux appuyés et les tentatives de culpabilisation du nouveau Gouvernement promptement relayés par les médias qui savent ce que travailler veut dire. Ces emplois non pourvus sont le plus souvent ceux que Jupiter soi-même nommait, au plus fort de la pandémie, « de la deuxième ligne » parce qu'ils passent quand même après « nos dévoués soignants. Nous, nous préférons considérer que les heureux titulaires de ces emplois sont les soutiers de l'économie de plus en plus gagnés par l'ubérisation. Ils sont les premiers de corvée ! Ce qui devrait un peu embêter ceux qui croient sérieusement à la thèse du manque d'envie de travailler c'est que le phénomène n'est pas propre à la France. Il touche d'autres pays européens et pourrait encore s'étendre dans un avenir proche. Las, on nous serine régulièrement, par l'entremise des mêmes médias, que le gouvernement Borne s'est mis ardemment au travail, qu'il nous prépare pour la rentrée du Parlement en octobre toute une série de dispositifs réglementaires destinés à remettre tout le monde au boulot après la récréation de la pandémie. Objectif final : le plein emploi en 2027 ! Gardons-nous de rire, ils espèrent bien y parvenir, coûte que coûte ! La meilleure définition du Capitalisme n'a-t-elle pas toujours été celle-ci : comment faire travailler les pauvres malgré tout ? Devenons enfin sérieux. Les Français, dans leur très grande majorité, n'ont pas décidé de ne plus jamais travailler. Certains d'entre eux, de plus en plus nombreux, ne sont tout bonnement plus prêts à travailler à n'importe quel prix. Ils veulent bien travailler mais ne veulent plus être honteusement surexploiter. S'il y a une leçon à tirer de la pandémie du point de vue du travail c'est qu'elle a amplifié les inégalités. Alors le sentiment s'est répandu que ce sont toujours les mêmes qui s'en tirent et toujours les mêmes qui trinquent. On savait bien sûr cela auparavant quand on était du mauvais côté du manche mais on avait encore du cœur à l'oubrage. Désormais, on va de plus en plus souvent rechigner. Il va falloir nous encourager autrement que par des paroles sentencieusement prononcées.</p> <p>Evidemment, le « monde du travail » s'est disloqué longtemps avant la pandémie. L'ultralibéralisme a fait son œuvre. Il a progressivement appauvri les métiers de la santé, de l'éducation ou de l'action sociale et livré sans grand ménagement les salariés de l'économie marchande à l'impitoyable concurrence des pays à bas coûts de production. Depuis quarante ans, l'Etat et les assemblées démocratiquement élues qui se sont succédées, au gré des humeurs politiques, ont patiemment détricoté le canevas de l'intervention publique conçu au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Ce fut la revanche du grand patronat qui avait été contraint au compromis salarial pendant plus de trente ans. Peut-être arrivons-nous aujourd'hui de nouveau à la fin d'un cycle : à force de subordonner tous les rouages de la société à la loi d'airain du Marché l'on buterait sur l'impossibilité d'aller plus loin sauf à mettre en place un système hyper-répressif d'organisation socio-économique. Sur ce dernier point on peut faire confiance à la Droite pour tenter le coup ! Le patronat qui a besoin de trouver de la main d'œuvre pour occuper ses emplois ne va pas forcément attendre un tel durcissement. Il a du reste commencé à desserrer l'étau de la contrainte salariale afin de faire revenir vers lui les salariés devenus rétifs. C'est timide pour le moment mais cela fait doucement tache d'huile.</p> <p>La réalité qui nous attend sera la combinaison d'un réalisme patronal de circonstance et de la rectitude du pouvoir politique en place sourd aux légitimes demandes du corps social. S'agissant des salariés qui dépendent directement de lui l'Etat pourrait donner l'exemple d'une vraie volonté de redressement des dommages qui leur ont été infligés depuis si longtemps. En cette rentrée, de nouvelles promesses ont été adressées aux professions en souffrance à l'Ecole et à l'hôpital. Si elles se concrétisent, il est fort probable que le compte n'y sera pas. On est descendu tellement bas dans la décrépitude de ces métiers essentiels à la nation que la pente va être difficile à remonter. De nombreux secteurs de l'activité marchande ont vu fleurir ces derniers mois des mouvements de grève revendicative – dont les médias de masse nous parlent fort peu – qui pourraient grossir à la mesure du dépit que la surdité du gouvernement va probablement susciter. Le cœur n'y sera donc toujours pas.</p></div>
L'amitié à la façon GAFA
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http://la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article27912022-08-14T00:35:00Ztext/htmlfrCristina Branco<p>Ecrivaine, chroniqueuse née à Paris où elle reviendra s'installer après ses études, Cristina Branco nous propose une vision ironique de l'amitié comme l'envisagent les réseaux sociaux. Un texte élégant pour une époque qui ne l'est guère.</p>
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<div class='rss_texte'><p>Beaucoup de gens ont vécu, sans comprendre le comment ni le pourquoi, ce genre de situation : après quelques années d'échanges et d'amitié virtuelles, ils décident de passer à la réalité, parce que l'occasion s'est proposée, ou parce que l'une des parties a forcé la situation, et ils conviennent d'un café, d'un verre, d'un thé, d'une promenade, d'une simple rencontre.
Ils ne se connaissent pas, mais ils ne sont pas non plus inconnus, ce sont de longs échanges lors de conversations, dans le virtuel. La rencontre a lieu, tout se passe merveilleusement bien, on apprend à se connaître, on rigole beaucoup, on boit quelques verres, on échange des numéros de téléphone et puis... Silence ! (on va chanter le fado !* )</p> <p>Vient le temps des questions : Aurais-je fait une faute ? Tes pieds sentaient mauvais ? La réalité vous a-t-elle laissé tomber ? Ai-je payé l'addition ?... Ils restent petits comme ces enfants qui, dans la cour de l'école, sont délaissés à la récré par leur meilleur ami. Ils avalent l'humiliation et la vie continue...</p> <p>Il y a ceux qui vont voir des amis virtuels comme un touriste qui va voir Mona Lisa et dit : « Regarde, le tableau est tellement petit, rien de spécial. Il ne s'agit pas d'une question d'expectatives sentimentales, mais d'amitié. Peu imaginent que l'amitié puisse être si importante pour certains, que ces choses laissent des séquelles comme une rencontre romantique ratée. <i>*Le fado, comme toute belle musique, s'écoute dans le silence. Dans les maisons de fado, on en prévient souvent les non-initiés par la phrase : silencio, vai-se cantar o fado</i></p></div>
Nous ne voulons pas de votre mesure
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http://la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article27192021-12-18T02:26:00Ztext/htmlfrMonchoachi<p>Poursuivant sa réflexion sur le corps, le poète et essayiste antillais, Monchoachi nous propose un texte, vibrant, ardent sur le rôle qu'il joue dans les mouvements sociaux qui secouent les Antilles. Un rôle évidemment incompris, ignoré par le pouvoir métropolitain. Un bel exemple de criolisation, qui semble beaucoup intéresser, entre autres, Jean-Luc Mélenchon.</p>
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<div class='rss_texte'><p>Le corps de l'homme est le nœud : il est l'originaire, le lieu natif d'où tout se met en mouvement et se propulse. Il est le support sur lequel tout vient se nouer. Traversé par la parole, il est la matrice en laquelle s'articule son rapport au temps, à l'espace et à la terre. Il est l'ultime où tout se joue. Il ne faut donc pas s'étonner qu'à chaque phase importante de l'évolution du monde, le corps constituât l'enjeu majeur, la mise décisive.</p> <p>Déjà le christianisme, avec le génie particulier qui est le sien avait à juste titre saisi ce qu'a de véritablement crucial le corps. Il s'en est d'emblée emparé comme emblème ; mais un emblème chargé d'ambigüité puisqu'il s'agit d'un corps martyrisé, châtié. Il l'a ensuite, de nouveau en toute ambigüité, métamorphosé en corpus dei (corps de dieu), ce qui constitue pour le moins une manière de l'absenter car le dieu de la religion de l'Unique n'a pas de corps, autrement dit : ou wèy, ou pa wèy, disparèt' pran-y. Toutefois, l'exhibition du corps de Jésus, complaisamment orchestrée tout au long par l'art occidental du Moyen-age, permettait par ailleurs au christianisme d'étendre son emprise à toute la terre, en particulier à la terre dite "païenne" (en laquelle, ne l'oublions pas, l'Europe du Moyen-âge se trouve incluse) ; autrement dit, d'étendre son emprise partout là où le corps est incontournable comme axe accordant l'homme au monde.</p> <p><strong>Une terre vide ? </strong></p> <p>Dans le prolongement de la religion, la science-technique. En dépit de quelques démêlés initiaux entre l'une et l'autre, la science-technique va prendre le relais de la religion, substituant sa "certitude" à la "vérité" religieuse...pour finir par s'accommoder l'une de l'autre en se partageant pour ainsi dire les "territoires" : à l'une le ciel, à l'autre la terre. La science-technique mettant ainsi en chemin d'enfanter une terre vide pour un ciel vide. Car l'une comme l'autre vont finir par se nourrir du Même, à savoir, l'idée de l'Unique. Transposée sur terre, cette idée va donner naissance à l' "Occident", traversé par cette chimère qui l'obsède : l'idée de l'Unique en laquelle sur terre il s'escrime de configurer "le monde" (ou plus justement : "l'immonde") et à laquelle il voudrait conformer la manière d'être des hommes. Car l'Unique de la religion étant conçu et donc perçu comme le "créateur de toutes choses", sa traduction calamiteuse sur terre dans la perspective de la science-technique qui s'est emparée de tout, se retrouve toute entière dans l'idée de pouvoir tout produire et tout reproduire, "à partir d'une formule unique", y compris par conséquent le corps de l'homme ramené à un assemblage d'organes, ceux-ci eux-mêmes formés de "particules élémentaires".</p> <p>C'est ici qu'il convient de prendre en considération le mode d'apparition de ce qu'il faut bien appeler une catastrophe mondiale. Que l'épidémie actuelle ait donné lieu à l'hypothèse, voire à la claire affirmation, d'une production en laboratoire, qu'elle soit avérée ou non, loin d'être fantaisiste, donne au contraire la parfaite mesure de ce sur quoi nous sommes assis. Et c'est cette indication qui, quoi qu'il en soit, doit fortement retenir notre attention quand d'aucuns voudraient la balayer d'un revers de main. Car elle est riche en enseignements sur la nature même de cette civilisation qui aujourd'hui régit le monde, et en laquelle nous semblons comme englués. Et nous le sommes en effet, tant les mailles du dispositif qu'elle n'a eu de cesse de déployer, et qui est tout entier commandé par la logique de l'Unique, se sont resserrées.</p> <p>Mais l'Unique, tel le Dieu, ne se montre jamais en tant que tel : toujours voilé, toujours paré de leurres, il se dérobe constamment de telle sorte que derrière ses voiles se dispose un monde totalitaire qui ne s'affiche jamais comme tel, mais met en scène la démocratie et ses accessoires (humanitarisme...). Se retrouve ainsi le schéma récurrent du "pyromane-pompier", ne faisant en réalité en ses interventions que nourrir la logique catastrophique, ruineuse, en voulant contraindre l'homme à être cet "animal raisonnable", si nécessaire au bon fonctionnement de ses rouages.</p> <p><strong>Une fente dans la charnière </strong></p> <p>C'est cette mesure de l'Unique qui est au cœur de la pensée et du projet de l'Occident, qui le constitue de part en part, l'oriente et l'active en chacune de ses démarches, qui se trouve mise en cause à travers la Résistance en cours en Martinique, Guadeloupe et Guyane. Résistance mémorable à plus d'un titre, car elle opère un tournant et ouvre une perspective, une claicie, une remise en cause inédite. Ce n'est pas ici seulement une forme de domination politique qui est contestée, dans ce cas précis une sorte de colonialisme attardé ; ce n'est pas non plus, en sa genèse, des problèmes dits "économiques" ou dits "sociaux". En effet, la pensée occidentale depuis son origine conduit toujours sa démarche en catégorisant ; cette méthode lui permet, en séparant toujours et en réduisant, de déployer son dispositif, sa grille, de façon à tout ramener à sa vision du monde, donc : Economie + Social + Politique.</p> <p>Or, ici, il s'agit à proprement parler d'un avènement inouï que le contexte de l'époque dans laquelle nous sommes entrés a porté à émergence ; il s'agit de rien moins qu'en un lieu-charnière, les Antilles, intérieur/extérieur de l'Occident, là où s'ouvrent les fentes, les fissures, se fasse jour un mouvement massif poussant à récuser une mainmise millénaire sur la terre entière. Car ici c'est la pensée même et le projet même formant fondement de l'Occident, sa mesure qui est récusée. Il faut savoir entendre cette parole des manifestants guadeloupéens clamant : Nou pa vlé piki azòt la (Nous ne voulons pas de votre piqûre)</p> <p>Piqûre, en son étymologie, dit justement et opportunément la mesure. Et c'est cette mesure, par delà la piqûre, qui se trouve rejetée car elle est porteuse de la catastrophe, et de catastrophes à répétition ; elle est ruineuse pour la terre et asservissante pour l'homme. Les formes que prennent cette Résistance ne sont pas non plus anodines : la fête et les chants qu'elle fait ressurgir portent le jeu, le deux, cela même qu'il s'agirait de réinstaurer pour sortir vraiment de cette impasse en laquelle l'Occident a échoué le monde. La parole créole a gardé et garde avec soin le deux continument en sa langue, dans le redoublement constant de ses vocables, en particulier du verbe, qui porte la verve et donc le rythme à travers ses sonorités ; elle ne fait pas appel à l'imposition extérieure du sens : rhaler-mennen-vini, colé-séré, pòté-alé, tounen-viré, chapé-dégrengolé-désann, pran-kouri... elle s'anime de ses sons et chemine à travers eux et avec eux. Elle est le plus précieux guide pour nous ramener un jour à l'accordance.</p> <p><strong>Urgence terre hommes : respirer </strong></p> <p>Le jeu, et le deux indispensable au jeu, baignent l'accordance, ils en sont comme l'humeur qui l'imprègne. Aussi, est-ce en tournant le dos à ce monde en lequel le deux jouait sans cesse que l'Occident fit son apparition en tant que civilisation en tournant le dos au deux pour aller habiter une autre mesure : celle de l'Unique. L'homme enveloppé par une telle civilisation, est un homme dés-accordé, coupé de ce qui le constitue en-même par le biais de dispositifs et d'artifices : il devient ainsi connecté. Il faut laisser résonner au plus fond de son corps ces deux vocables : accordé et connecté. On ne peut manquer alors d'être envahi par le vertige montant de l'abîme qui les sépare. Il y a là tout l'abîme qui sépare un monde d'une construction totalitaire. Avec accorder se laisse entendre une vibration, allant s'ajointer à d'autres vibrations pour donner naissance à un rythme pouvant aller en s'élaborant jusqu'à composer une partition.</p> <p>Dans ce cas il s'agit d'un jeu, autrement dit d'un mouvement en lequel chacun des éléments (soit dans le cas qui nous occupe présentement : la terre, le temps, l'espace et la parole) chacun préserve l'espacement qui lui est propre à l'intérieur duquel précisément il va jouer. Mais aussi, mais surtout, chacun des éléments de ce jeu est par principe et par nature, irremplaçable. Avec "connecté" se fait entendre incontestablement un bruit métallique, celui du dispositif technique. Or, le dispositif technique, lui ne joue pas, il fonctionne. Et aussi, chaque pièce du dispositif technique est remplaçable à volonté, y compris ce qu'il faut bien appeler le matériel humain, ou les "ressources humaines" ainsi dit gentiment, insérées dans ce dispositif. Et enfin, le dispositif technique peut être à tout instant manipulé de l'extérieur.</p> <p>Pour autant, entre l'accordance et la science, pourrait et devrait exister un équilibre. Mais cet équilibre ne pourrait se réaliser que sous l'égide du deux. En donnant la primauté à la danse : la danse avec le temps, en étant dans le temps, et</p> <p>Et puis, il y a pour finir ce là, ce lieu-oui côté pou mailler, lacer et enlacer, côté pou marier, ce oui que Joyce a si bellement et si vertigineusement enroulé et laissé rébondir dans la merveille finale d'Ulysse, "et oui j'ai dit oui je veux bien oui". Oui, ce oui est le oui ouvert de la terre où ne se recueille que le oui de l'épousaille. La quête de l'équilibre, la quête d'une possible harmonie fait appel à la lucidité. Mais une telle lucidité ne nous est permise, il faut le dire, qu'une fois que nous sommes habités, et de part en part portés par la mesure que porte en elle la parole en tant que telle, non son substitut informatique qu'on s'active grandement et de partout à substituer au corps. Le corps est ce que notre langue créole est parvenu à parler, et à proprement parler. Elle en a fait son art propre, sa mesure et son infini jaillissement. Soyons assurés que tant que nous gardons ce corps et le préservons, nous pouvons jouer et nous jouer de tout</p></div>
Nous habitons nos corps
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http://la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article27042021-10-23T14:50:00Ztext/htmlfrMonchoachi<p>Poète et essayiste, figure de la vie intellectuelle antillaise, Monchoachi nous livre un texte, poétique et réfléchi à propos du corps, en ces temps pandémique et de fièvre technologique incontrôlée. Le corps, élément central d'une pensée créole qui pourrait bien être universelle.</p>
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<div class='rss_texte'><p>Habiter un corps est le propre des humains. L'homme habite un corps comme une demeure où il accueille ses expériences du temps et de l'espace, et plus que tout, la parole, toutes choses qui vont lui permettre de se projeter pour s'accomplir. Cependant, tous les hommes n'ont pas, sur le même mode et avec la même intensité, ce sentiment d'habiter un corps car l'épreuve du temps, les traces dont il imprègne le corps et qui vont animer la langue, n'est pas la même pour tous.</p> <p>Ainsi, nous, Antillais et Guyanais habitons un espace qui porte un passé dont la présence ne peut être reléguée, puisqu'elle marque le début des Temps modernes, et que c'est dans cet espace que l'Occident a ancré et dévoilé son projet de mainmise sur la terre entière. Cet espace que nous habitons porte donc cette empreinte particulière et déterminante, et il va continument accuser cet effluve et le propager en toutes ces vibrations. Le temps qui nous porte est aussi chargé de nos expériences propres et surtout de notre épreuve singulière s'agissant du corps.</p> <p>A présent, et d'une manière générale, avec les dispositifs technico-scientifiques que déploient les temps actuels, ce sentiment d'habiter un corps qui est, nous l'avons dit, le propre des humains, ne cesse partout de se dégrader à vive allure réduisant l'homme de plus en plus à son corps organique, celui qu'il faut entretenir et soigner, requis qu'il est pour fonctionner. Mais sans habiter un corps, au sens propre, on ne peut s'accorder à quelque monde que ce soit pour y prendre rythme et y entendre résonner comme il convient les tonalités du proche et du lointain : on n'est plus que domicilié ici ou là.</p> <p><strong>Le corps : jointure et rythme de la parole créole</strong></p> <p>Or, en dépit de cette pression sans cesse accrue d'un environnement techno-scientifique avec ses multiples et séduisants affects, l'homme antillais et guyanais, en l'extrême péril, se voit comme interpellé, envahi par une voix silencieuse, celle qui parle dans sa langue propre et le pousse à présent à s'adosser à son corps, ou pour mieux dire à son kò, comme à sa vérité propre, inutile de chercher dans les recoins pour nommer cette invisible ligne de résistance sur laquelle il vient corer son corps et qu'il ne peut jamber pour reculer sans se renier. Cette ligne de résistance que sa parole, sa langue, a au fond d'elle-même musicalement accueilli et s'en est tout du long parsemée, à présent l'inonde tout à coup de clarté et de beauté. Et elle lui parle de son corps. Car le corps, le lieu où l'homme se doit d'habiter, nous en avons un jour fait le détour et avons accompli le retour en passager de notre langue, de ce qu'elle nous tend avec entêtement, ce kò qui l'affleure continument, à nous de l'entendre.</p> <p>Car c'est dans le parler de notre langue, dans ce qu'elle dit avec le plus d'intensité, le kò, que nous atteignons notre 'pays natal' en vue d'habiter, ainsi qu'il convient d'habiter, là où se trouve la richesse, qui n'est que belle pauvreté. Il faudra à ce propos que notre langue trouve un jour une écriture, hors cet alignement sinistre de lettres abécibêta vouées à cloisonner et démarier mots et choses, mots et corps, corps et kò, une écriture à la hauteur de ce que notre parole dit en toutes ses articulations, des volutes à même de la parer et de la célébrer nue, exposée rayonnante, vibrant au temps et à l'espace.</p> <p>En comparaison, la langue française, comme exemple de langue passée au moule de la rationalisation, a escamoté le corps, elle l'a voilé en le remplaçant par des pronoms dits 'réfléchis', soit un réseau d'écrans (déjà !) un miroir qui en livre une si pâle image qu'elle détourne de toute envie d'être mêmement son corps ('soi-même') de sorte de tout orienter le regard vers la possession compulsive d'objets (de 'richesses' !) en vue d'un prétendu 'progrès et développement' qui ne conduit qu'à ravager la terre, à en rompre les équilibres et à co-rompre dans le même mouvement l'homme en détruisant son harmonie avec le monde.</p> <p><strong>Pourquoi le corps constitue-t-il toujours la cible ultime ?</strong></p> <p>Mais pourquoi le corps ? Pourquoi le corps précisément constitue-t-il sans nul démenti toujours la cible ultime, la clé et le fil conducteur qui guide invariablement en toutes ses étapes la marche et la mise en œuvre du déploiement de la logique funeste d'uniformité totale du monde portée par la civilisation occidentale ?</p> <p>Hier, ce fut avec l'ancienne religion en doublant le corps d'une âme pour le veiller et le garder pur, à l'abri du péché censé le guetter de partout, niché dans tous les coins et recoins de la terre ; aujourd'hui, à l'âge de la technique, à l'âge de la nouvelle religion techno-science, tous les dispositifs sont produits et orientés pour concourir à une unique mission : la transparence totale (la pureté totale ?) d'un bout de l'espace à l'autre et à tout instant. Oui, pourquoi donc le corps de l'homme constitue-t-il l'aboutissement et le nœud où ce dispositif trouve à s'assurer et à s'immuniser ?</p> <p>Car enfin, à considérer la sérieuse dégradation déjà infligée à la parole de l'homme par le langage numérique et ses multiples prolongements encore en cours dans toutes les sphères affectant les rapports des hommes entre eux et leurs rapports à la terre, le bouleversement du temps et de l'espace, l'homme fragilisé à l'extrême, livré déshabillé aux manipulations de toutes sortes, lui-même s'y prêtant et s'y engloutissant, oui, en quoi le corps de l'homme, lui déjà en une telle perdition, constituerait-il encore un enjeu ?</p> <p>Il peut sembler d'une part qu'ambitionnant de figurer ce Dieu-Un qui l' a porté et qui s'affirme Tout-Lumière : 'Un homme peut-il se cacher dans des cachettes sans que moi je le voie ? ' (Jérémie, 23:24), le dispositif de l'Occident trouve son couronnement et son triomphe dans la transparence totale du corps de l'homme.</p> <p>Mais il y a autre chose et d'un tout autre ordre que ce qui peut paraître relever de la simple broderie, de la rodomontade, il y a ceci : de tous les vivants, l'homme est le seul à pouvoir articuler, autrement dit à pouvoir accorder, quand la logique présentement en cours n'ambitionne qu'une unique chose : séparer. Séparer le ciel de la terre et la terre du ciel, les hommes de la terre et les hommes entre eux, et toutes choses les unes des autres. Et, sans la moindre menue souveraineté sur ce lieu où tout prend corps, l'homme perd l'ultime ressource d'un possible sursaut en vue de se réaccorder au monde et d'y réaccorder toutes ces choses à présent déglinguées.</p> <p>Déjà de partout, l'espace s'opprime et le temps se resserre et se précipite (c'est 'le temps réel', autrement dit... le non-temps, le temps qui ne donne plus le temps au corps de s'ouvrir dans l'espace, de rester-s'appartenir), tout se précipite comme parvenu au terme d'une destination prévisible où la seule assurance (est-ce une promesse ?) est d'y trouver la transparence totale ('pour votre sécurité' !). Mais transparence n'est pas clarté qui, elle, comme la parole, requiert l'obscurité (la nuit à laquelle s'adossent les conteurs, les maîtres de la parole) comme son plus intime compagnon qui la porte, la constitue, et de tous côtés l'habite.</p> <p><strong>Le jeu/L'enjeu : brandir le corps 'organique' comme amorce pour mettre la main sur l'homme</strong></p> <p>C'est donc bien la question du corps qui est l'enjeu central de la situation actuelle, y ayant été cooptée en lieu et place du souci légitime provoqué par l'épidémie. Ces derniers, souci et épidémie, étant à présent manipulés avec hargne et malice par des mises en scène humanitaires visant à voiler cet enjeu central rapporté venu tout brouiller.</p> <p>Mais, ce n'est pas le corps organique qui est l'enjeu, mais bien le kò, autrement dit l'homme même, et cela ne pouvait, à nous qui ne l'avons jamais séparé et que notre langue a porté inflexiblement dans son unité, cela ne pouvait nous échapper.</p> <p>Car ce qui va demeurer quand seront levées (si un jour elles le sont) les injonctions impératives présentes matraquant un choix mystificateur à 'être ou ne pas être..' ce qui va demeurer pour sûr, c'est l'infâme et marquante avancée dans le maillage du corps.</p> <p>Ne pas y être veillatif et s'abandonner allègrement, allant même jusqu'à s'adonner à railler et, plus encore, à prêter la main en toute impudeur, sans jamais prendre en vue le fait que cette logique technoscientifique avec tout son appareillage est à l'affût de la moindre fente pour mettre la main sur l'ultime ressource de l'homme, la plus haute et la plus précieuse, le corps, la demeure souveraine où tout se tresse, c'est avoir l'esprit singulièrement dérangé, au sens fort : déjà ravagé par les séductions perverses de cette religion techno-science et n'avoir en définitive jamais de sa vie pris la mesure de la vraie liberté, là où il convient de la prendre : dans ce lieu, qui n'est rien moins que le lieu même de l'homme, où il faut veiller à ne point se laisser extraire si l'on ne veut être définitivement englouti, ce lieu où pour 'être celui qu'on est', il faut se dresser et tenir raid' : il n'en est pas de plus humble certes, il n'en est pas non plus, à nous requérir, de plus impérieux depuis qu'il nous parle dans le voisinage de la Mort.</p></div>
Des dieux aux truands
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http://la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article25692020-12-21T02:17:00Ztext/htmlfrJacques-Robert Simon<p>Les religions monothéistes ont toujours montré une violente répulsion envers l'argent et la finance, nous dit, textes à l'appui, Jacques-Robert Simon. Dans les textes, certes, dans les faits, bien moins souvent. Il nous propose une de ces minifresques dont il a le secret pour analyser la marche de la cupidité pour gouverner le monde.</p>
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<div class='rss_texte'><p>Les religions monothéistes ont toujours montré une violente répulsion envers l'argent et la finance. Pourquoi ? Une collectivité est animée par deux forces antagonistes et irréconciliables, l'une d'ordre qualitatif (l'amour, les sentiments, les instincts…), l'autre quantitatif (le poids, la masse, la vitesse, la fortune, le nombre d'échanges…). Un dirigeant est censé être purement rationnel, donc quantitatif, les dirigés sont pensés comme guidés par l'affectif et les émois, donc qualitatifs. Il est incontournable que le comportement d'une foule, comme un nuage électronique assurant le passage du courant électrique, n'a rien à voir avec celui d'un individu ou d'une particule isolée. Il est toutefois possible d'informer, d'éclairer honnêtement une multitude mais ce n'est généralement pas le chemin emprunté.</p> <p>L'intelligence collective n'a rien à voir avec l'intelligence, elle consiste à former des pyramides hiérarchiques permettant une immense division du travail et une coordination des tâches par des responsables. Pour faire partie des dirigeants il faut que le plus grand nombre supporte (ou obéisse à) une petite minorité, c'est le prix à payer pour une organisation efficace des productions. Être le plus près possible du sommet de la pyramide représente souvent l'aboutissement d'une vie. Le sens de la hiérarchie s'établit dans les temps primitifs à coups de gourdins. Des suzerains locaux surent ensuite rassembler des forces à leur service pour n'avoir pas à se battre contre les manants. La cheffitude devint plus tard affaire de lignée, le roi s'adjoignant un dieu pour pouvoir régner plus aisément sans partage. La République essaya de confier le pouvoir au peuple, mais il ne devait pas rester longtemps dans ses mains car les réformes absolument nécessaires pour ce faire provoquèrent une résistance désespérée de tous ceux qui s'estimaient lésés, chez tous ceux satisfaits du régime en place. Si l'on décide de favoriser les humbles au détriment des nantis, rien ne pourra empêcher l'utilisation de la force car les forces dites naturelles, c'est à dire inégalitaires, seront inévitablement les plus fortes. Il convient donc toujours et partout d'accepter l'inégalité et de la promouvoir grâce à un pouvoir inaccessible. Le dieu chrétien a exercé ce rôle durant des millénaires, la formule ayant montré ses limites, il fallut le remplacer.</p> <p>Le troc, l'échange, diverses formes de monnaie sont concomitants de toutes espèces vivantes, l'homo sapiens n'ayant fait que perfectionner les modalités de transaction. Les religions affichent pourtant méfiance ou hostilité vis-à-vis de l'argent. En Mésopotamie, 3500 ans avant notre ère, les Sumériens possédaient un système de comptabilité dont on se servait pour recenser les dettes, les prêts et les amendes. Dans le Livre de l'Exode, vers le VIIe siècle av. J.-C.Yahvé ordonne à Moïse : « Si tu prêtes de l'argent à un compatriote, à l'indigent qui est chez toi, tu ne te comporteras pas envers lui comme un prêteur à gages, vous ne lui imposerez pas d'intérêts ». Dans le Deutéronome à peu près contemporain, le législateur biblique précise : « À l'étranger, tu pourras prêter à intérêt, mais tu prêteras sans intérêt à ton frère ». Dans l'Évangile de Marc et de Luc 20, 47, Jésus accuse les autorités du Temple de voleurs, dont leurs victimes ne sont que de pauvres veuves. Par la suite, l'Église interdit clairement les pratiques usuraires, qui exploitent la situation de ceux qui sont dans le besoin et l'usure est condamnée par plusieurs conciles. Le pape Urbain III, en 1187, condamne toute forme d'intérêt en référence à Luc : « Prête gratuitement, n'espère rien en retour ». La doctrine diffère chez les protestants, puisque Jean Calvin distingue les « prêts de secours », qui doivent être gratuits, et les « prêts de production » qui ne le sont pas. Les théologiens s'employèrent a identifier les cas dans lesquels des prêts peuvent être rémunérés lorsque un éventuel dommage ou d'un risque est pris. Dans le Coran, la pratique de l'usure constitue un péché d'une extrême gravité : « Ô les croyants ! Ne pratiquez pas l'usure en multipliant démesurément votre capital. ». Née dans les années 1970, la finance islamique propose des prêts en tenant compte l'interdiction de l'intérêt, par exemple en se mettant d'accord par avance avec l'emprunteur sur le partage des profits obtenus grâce au prêt. L'encours de la finance islamique est estimé à plus de 2 500 milliards de dollars, elle représente un peu plus de 1 % de la finance classique, ce qui permet d'avoir une idée de l'immensité du flot financier.</p> <p>Par touches successives, le divin d'essence qualitative tend à se diluer dans la pragmatique finance, l'argent tend à remplacer le dieu-amour comme absolu. Leurs natures, l'un divisible à l'infini l'autre pas, comme leurs applications les rendent parfaitement incompatibles. Beaucoup d'ailleurs ont pu s'en rendre compte lors d'une succession entre « frères ». Il y a environ 1000 personnes au monde qui possèdent plus d'un milliard de dollars, 22 millions ont entre leurs mains de 1 à 5 millions de dollars, une nouvelle pyramide hiérarchique prête à régenter le monde est en place.</p> <p>Les pragmatiques prenant la place des croyants, tout semble indiquer le sens du progrès ! Toutefois, il a été noté que « Nous ne blâmons pas le capitalisme parce qu'il forme l'inégalité, mais pour favoriser l'ascension de types humains inférieurs »(1). Un doute est émis sur la qualité de l'élite qui se constitue. Mais il ne s'agit pas seulement d'une citation, c'est aussi d'une constatation scientifique publiée par Paul K. Piff le 27 février 2012 dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS) : plus on est riche, plus on triche. Des chercheurs américains et canadiens ont montré l'existence d'une relation entre une élévation dans la hiérarchie sociale et un manque d'éthique au niveau individuel. Une des expériences a consisté à placer 200 personnes devant un jeu informatique permettant de lancer des dés : une somme d'argent était promise si le score atteint après cinq lancers était élevé. Mais le jeu était truqué et ceux qui rapportèrent des scores supérieurs à celui des expérimentateurs avaient triché. Même en tenant compte de nombreux autres paramètres comme l'ethnie, le sexe, l'âge, la religiosité, l'orientation politique, le seul déterminant "classe sociale" permettait de prédire la propension à tricher.</p> <p>Ce lien entre la hauteur de statut social et une moralité douteuse serait dû "à une perception plus favorable de la cupidité". D'autres expériences montrèrent que les personnes possédant un statut social élevé étaient plus sujettes à faire des infractions au code de la route, étaient davantage tentés de prendre le bien d'autrui, mentaient plus facilement lors de négociations et trichaient plus facilement lors de jeux. Une civilisation peut s'établir sur la fausseté d'une croyance si la classe dirigeante qu'elle engendre présente les qualités morales requises, au moins pour une forte minorité. Si le mode de sélection favorise au contraire la cupidité et le bien-être personnel, la cohésion nécessaire à toute société tend à disparaître. Il faut pouvoir partager entre tous ce qui est indéfiniment sécable, c'est à dire pas les biens matériels.</p> <p><i>(1) Nicolás Gómez Dávila (1913-1994), écrivain et moraliste colombien réactionnaire, catholique traditionaliste (ndlr)</i></p></div>
La société a besoin de médiocres
http://la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2560
http://la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article25602020-11-15T23:10:00Ztext/htmlfrAntonio Lobo Antunes<p>Une amie portugaise nous a fait parvenir ce texte, amer et provocateur, du grand écrivain Antonio Lobo Antunes, dont l'œuvre fertile analyse notamment la déliquescence de la bourgeoisie. Un texte qui interroge, donne à réfléchir. Traduction de João Silveirinho</p>
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<div class='rss_texte'><p>La société a besoin de médiocres qui ne remettent pas en question les principes fondamentaux et ils sont là : ils dirigent les pays, les grandes entreprises, les ministères, etc. Je les entends parler et suis étonné qu'il n'y ait pratiquement pas un seul leader qui ne soit pas stupide, un seul discours autre qu'une liste de lieux communs. Mais ceux qui tournent autour d'eux ne sont pas mieux Nous ne connaissons même pas nos grands hommes : qui a lu Camões par exemple ? Presque personne. Qui sait quelque chose sur Afonso de Albuquerque (1) ? Mais chaque jour, il y a des bavardages idiots à propos du football sur presque tous les canaux de diffusion. Parce que ce n'est pas dangereux. Parce que ça rassure.</p> <p>Les programmes de télévision sont presque toujours misérables mais il est vital qu'ils soient misérables. Et nous voulons que nos enfants deviennent aussi des adultes misérables, ce qui veut dire, pour la plupart des gens, responsables. Regardez par exemple Churchill. Quand tout était normal, paisible, calme, ils ne voulaient pas de lui comme dirigeant. Dans les situations extrêmes, quand un homme courageux, lucide, clairvoyant, imaginatif était nécessaire, ils allaient le chercher. Les hommes exceptionnels ne servent qu'à des situations exceptionnelles, car ils sont les seuls capables de les résoudre. Que la situation exceptionnelle disparaisse, et nous les abandonnons.</p> <p>On aime les idiots parce qu'ils ne nous remettent pas en cause. Quant aux personnes de haut niveau, la société a trouvé un moyen étonnant de les neutraliser : elle les a adoptés. Elle fit de Garrett et Camilo (2) des vicomtes, comme l'Angleterre adopta Dickens. Et aussitôt, les voila dans l'ordre, avec quelques détours qu'on leur pardonne parce qu'ils sont si bizarres, tu sais comment il est, le pauvre, mais malgré tout, il a des qualités. Nous avons peur du nouveau, du différent, de ce qui dérange la tranquillité.</p> <p>La créativité a toujours été une menace énorme : alors, nous intronisons des milieux-artistes, des milieux scientifiques, des milieux-écrivains. Bien sûr, il y a ces fous comme Picasso ou Miró et il est nécessaire de les avoir dans le zoo de notre esprit, bien que nous donnions notre argent aux imbéciles opportunistes que nous appelons gestionnaires. Et bien sûr, les gestionnaires dépensent plus qu'ils ne gèrent, avec leur horrible portugais et leur compétence de vendeurs ambulants : pourquoi ? Parce qu'ils nous calment. Salazar nous calmait. De Gaulle, qu'on l'aime ou pas, inquiétait. Je ferais un seul test sur les politiciens, les administrateurs, cette engeance. Un test sur leur sens de l'humour. Citez m'en un qui en ait. Un seul. Une créature sans humour est un être horrible. Les juifs disent : les hommes parlent dieu rit. Et en lisant ce que ces gens disent, il rit certainement aux éclats.</p> <p>Et puis je ne sais pas. En retour à la question de Dumas - pourquoi y a-t-il tant d'enfants intelligents et d'adultes stupides ? - je ne suis pas sûr que ce soit un problème d'éducation ni parce que les éducateurs, les pauvres, ne savent pas distinguer entre l'enseignement, l'apprentissage et l'éducation. Ma réponse à cette question est autre. Il y a beaucoup d'enfants intelligents et beaucoup d'adultes stupides parce que nous perdons beaucoup d'enfants quand ils ont commencé à grandir. Par jalousie bien sûr .Mais surtout par peur.</p> <p><i> (1) Militaire, navigateur, explorateur, administrateur, diplomate, il fut l'homme clef de l'expansion portugaise en Asie au début du 16e siècle (ndt)
(2) Almeida Garrett et Camilo Castelo Branco, écrivains portugais emblématiques du 19e siècle.(ndt) </i></p></div>
La bonne santé numérique
http://la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2518
http://la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article25182020-07-18T01:13:00Ztext/htmlfrYann Fiévet<p>Toujours à propos de la pandémie, Yann Fiévet relève que le discours officiel sur l'« après » en matière de santé fait grand cas du numérique, censé pallier presque tous les problèmes. Il en montre tous les dangers (flicage, utilisation des données personnelles à des fins mercantiles par certains GAFAs, déshumanisation du soin…).</p>
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<div class='rss_texte'><p>Ils y croient dur comme fer : c'est le numérique qui va nous sauver. A condition cependant d'y mettre le paquet ! La crise sanitaire qui a frappé nos sociétés au premier semestre 2020 leur a formidablement révélé que le numérique apporte toutes les réponses qu'ils n'avaient pas encore osé mettre en œuvre. Le grandiose laboratoire inattendu autorise désormais les rêves les plus fous. Ils en sont convaincus tous ces tenants de la Croissance sans freins, le salut de l'Humanité passe forcément par le tout-numérique. Les opérateurs du secteur ayant opportunément amassé un trésor de guerre durant la crise il faut leur permettre sans tarder de le faire fructifier maintenant que la paix économique revient. La 5G, entre autres prouesses techno-lucratives, va y pourvoir. Nos vies vont en être grandement facilitées, n'en doutons pas ! Et que dire de notre santé qui est bien sûr l'un des alibis commodes utilisé pour faire passer la pilule ? Rien que d'y penser on se sent déjà beaucoup mieux !</p> <p>Alors surgit à point nommé le « Health Data Hub » ! Le HDH ou « Plateforme de données de santé » est un énorme fichier en création puisant à toutes les sources d'information sanitaires : Sécurité Sociale, hôpitaux, médecine de ville, pharmacies, et autres lieux de recueil d'informations codées. Les données enregistrées deviennent accessibles à tout opérateur, dit de santé, dont les compagnies d'assurance et tous les acteurs de l'industrie médico-pharmaceutique, afin de mieux les aider à cibler leurs occasions de profit. La gestion de ce fichier est confiée non pas à une institution de santé publique mais à une entité autonome prônant le développement des partenariats public-privé. Et, cerise sur le juteux gâteau, l'hébergeur du système n'est autre que Microsoft, le mastodonte américain de l'Internet. Cet outil de confiscation des données personnelles de notre santé est évidemment revêtu d'un habillage gouvernemental prétendant qu'il permettrait de servir l'épidémiologie et une meilleure gestion des soins. Cependant, regardons un instant la réalité que nous connaissons bien désormais.</p> <p>L'état pitoyable de notre système de soins, résulte de la mise en place des outils de codage des « actes », médicaux ou paramédicaux, dans une logique mortifère de réduction des dépenses de santé. Ce sont ces données qui alimentent déjà le HDH. Depuis des mois, des médecins hospitaliers, à bout de fatigue et de patience face à la bureaucratie « sanitaire » qui les dirige, font la grève du codage. Ils dénoncent notamment le fait que le codage des « actes » mange outrancièrement le temps nécessaire pour réellement s'occuper des malades. Précisons que le système envisagé est d'autant plus pervers que les actes non codés ne seront pas comptabilisés pour la dotation financière ultérieure des hôpitaux.</p> <p>Durant des années les pouvoirs publics n'ont eu de cesse de transformer les soins et biens de santé en marchandises à vendre ou acheter. Les hôpitaux publics ont été sommés de devenir des entreprises soumises à une rigueur budgétaire drastique n'ayant plus pour priorité les besoins sanitaires, tandis qu'une concurrence déloyale entre secteur public et secteur privé mettait la Sécurité Sociale au service de l'expansion d'établissement privés à but lucratif, dégagés de toute obligation vis-à-vis de la prise en charge des problèmes de santé publique, notamment en ce qui concerne les pandémies. Enfin, l'épidémiologie a bon dos quand on sait que le droit au suivi professionnel et post-professionnel des travailleurs et populations exposés à des substances toxiques n'est toujours pas reconnu. Les rares lieux où ce suivi existe sont continuellement menacés de fermeture sous la pression de la logique gestionnaire précitée. Or, sur quelles données devrait s'appuyer l'épidémiologie sinon sur le recensement en temps réel des parcours professionnels, des activités de travail exposant aux cancérogènes, des dégâts provoqués par les pollutions environnementales, de la réalité des symptômes et des maladies, ainsi que d'un retour d'expérience en continu sur les pratiques de soins, au plus près des besoins des malades ?</p> <p>Il est patent que deux logiques inconciliables s'affrontent et que le combat est inégal. La première logique mise très gros sur la techno-médecine où la croyance dans l'infailliabilité des procédures automatisées est puissamment renforcées par les gourous de « l'intelligence artificielle ». La seconde logique veut conserver, ou plutôt restaurer, une médecine humaine où le patient est considéré dans sa globalité socio-sanitaire avant d'être l'enjeu lucratif d'un codage ou d'un fichage numérique. La télémédecine dont on fait désormais abondamment la promotion ira certainement dans le sens de la première logique. On monte en épingle certaines prouesses qu'elle autorise comme par exemple des interventions chirurgicales à distance permettant à des chirurgiens de renom, généralement très occupés, de ne plus avoir à se déplacer pour exercer leur talent. On oublie alors que cet arbre, sans double remarquable, cache la forêt de besoins sanitaires non ou mal couverts. Au lieu de forêt il convient mieux de parler des déserts médicaux. Plutôt que de tout faire pour favoriser l'installation de médecins généralistes là où il n'en existe plus imposons donc la consultation à distance. Ainsi, c'est la dimension humaine des questions de santé que l'on met à distance. Une manière sans doute de prolonger dramatiquement – et peut-être définitivement – la distanciation sociale. Le citoyen vacciné au numérique intempestif, en permanence bombardé de messages commerciaux (et institutionnels) vantant les progrès dus à l'automatisation, est-il encore en mesure de résister au drame annoncé de la médecine déshumanisée ? Ce n'est certes pas la 5G qui nous apportera la réponse !</p></div>
TRIBUNE : L'AUTO ET LES GILETS JAUNES
http://la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2336
http://la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article23362019-01-31T23:03:00Ztext/htmlfrRoland Maire"J'ai le même âge que la reine d'Angleterre et, si elle était encore vivante, Marylin Monroe, que j'ai bien connue, essentiellement par la presse". Ainsi se présentait, lors d'une réunion, Roland Maire, qui nous propose ici une tribune dont on peut ne pas partager tous les termes, mais, comme dit l'autre, il y a de l'idée là-dedans. On oublie trop souvent que tous les problèmes inhérents à la voiture et aux autoroutes remontent à 1974. C'est (...)
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<a href="http://la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique15" rel="directory">Société</a>
<div class='rss_chapo'><p>"J'ai le même âge que la reine d'Angleterre et, si elle était encore vivante, Marylin Monroe, que j'ai bien connue, essentiellement par la presse". Ainsi se présentait, lors d'une réunion, Roland Maire, qui nous propose ici une tribune dont on peut ne pas partager tous les termes, mais, comme dit l'autre, il y a de l'idée là-dedans.</p></div>
<div class='rss_texte'><p>On oublie trop souvent que tous les problèmes inhérents à la voiture et aux autoroutes remontent à 1974. C'est l'année où a été instaurée la limitation de vitesse sur les autoroutes. Auparavant elle était libre. Et sans radars, qui ont été installés postérieurement. Aux Etats-Unis il n'y a pas de radars. Comme d'ailleurs en Corse. C'est la police, seule, qui sévit (peut-être moins en Corse). Certes en Corse, il n'y a que des virages, mais on y conduit avec le même sentiment de liberté qu'aux U.S.A. ! Dans toute l'Amérique les automobilistes conduisent à leur main, comme nous le faisions avant 1974.</p> <p>Quid de la sécurité routière, de la prétendue hécatombe routière ?! Il n'y en a pas davantage que chez nous, leur police veille au grain, c'est son job et elle le fait consciencieusement, de jour comme de nuit, sans recours à une répression systématique aux amendes par l'argent ou les tribunaux, comme c'est le cas chez nous depuis 1974. Les Français devraient rouler sur leurs autoroutes gratuitement depuis belle lurette, ils les ont largement payées avec leurs impôts. Il s'agirait d'un autre problème de faire payer les étrangers qui y circulent. Quant à la vente par l'Etat de ce genre de biens au privé, pour bien mal combler la dette souveraine de plus de 2.000 milliards d'euros dont l'ensemble de notre appareil d'Etat est seul responsable, c'est davantage d'une solution essentiellement politique dont la France a besoin, et ce depuis Vichy !</p> <p>Hélas, trois fois hélas, c'est en effet sous Vichy et par sa collaboration avec l'ennemi que notre appareil d'Etat a appris et pris le goût du pouvoir. Il est allé jusque chez l'ennemi à Sigmaringen pour lamentablement l'y déposer, mais ce sont les mêmes et tous leurs descendants et successeurs qui l'ont repris depuis. Une large majorité de « gaulois » de notre France profonde est aujourd'hui persuadée, sinon convaincue, qu'ils ne le lâcheront pas, à moins d'une révolution. En 1974 fut fondé le 1er Mouvement Auto-Défense de Francis Rongier, de Saint - Etienne, qui fit de la prison pour défendre ses idées d'alors, lesquelles sont les mêmes reprises aujourd'hui par nos Gilets Jaunes ! Ce Mouvement s'éteignit faute de moyens, étouffé sous les instances. Il eut un seul Président, ton serviteur, exerçant à l'époque mon mandat national de 4 ans en qualité de Président de la Chambre Syndicale des Importateurs d'Automobiles, qui partageait les idées de feu Francis Rongier.</p> <p>L'Histoire et la cuisine ont leurs plats et leurs condiments, dont les amateurs recherchent et savourent la véracité. Je propose celui - ci aux papilles des lecteurs de la Gauche Cactus.</p></div>
HUMANISME OU TRANSHUMANISME ?
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http://la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article23212019-01-31T13:54:00Ztext/htmlfrJacques-Robert SimonL'humanisme pose comme principe suprême de traiter ‘'autrui comme une fin et jamais seulement comme un moyen", la personne humaine doit être au-dessus de tout et de toutes les autres valeurs. Qui peut ne pas souscrire à une telle proposition ? Les grandes lignes de la conduite morale humaniste datent du XVIIIe siècle et, même si il est souligné dès l'origine qu'il faut se garder de méthodes empiriques, il est possible d'observer ce que le temps a fait des (...)
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<a href="http://la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique15" rel="directory">Société</a>
<div class='rss_texte'><p>L'humanisme pose comme principe suprême de traiter ‘'autrui comme une fin et jamais seulement comme un moyen", la personne humaine doit être au-dessus de tout et de toutes les autres valeurs. Qui peut ne pas souscrire à une telle proposition ? Les grandes lignes de la conduite morale humaniste datent du XVIIIe siècle et, même si il est souligné dès l'origine qu'il faut se garder de méthodes empiriques, il est possible d'observer ce que le temps a fait des propositions.</p> <p>Au siècle des Lumières, l'aristocratie et la grande bourgeoisie représentent moins de 3% de la population, elles résident dans les villes en compagnie de domestiques et d'artisans. Le monde paysan largement illettré constitue 80% de la population totale. Les nobles, l'Eglise, et des grands fermiers possèdent les terres que travaillent les paysans. Il suffisait d'une récolte médiocre pour que les « manouvriers » (non-propriétaires) soient au bord de la famine.</p> <p>Les paysans mangeaient des bouillies de céréales, des soupes de légumes, et surtout du pain. L'alimentation des classes supérieures était bien différente : des « officiers de bouche » souvent réputés leur servaient une nourriture sophistiquée et variée. Pour le paysan, le logement est constitué la plupart du temps d'une seule pièce convertie la nuit en couchage pour toute la famille, les enfants dorment souvent dans le même lit. L'aristocratie, quant à elle, réside dans des hôtels particuliers luxueux et spacieux. La famille typique dans la France de l'Ancien Régime est la famille conjugale limitée aux parents et aux enfants. Le nombre d'enfants par famille n'est pas très élevé : entre 3 et 4. Au XVIIIe siècle l'espérance de vie n'atteignait guère plus de 35 ans.</p> <p>Le siècle des Lumières est celui de l'incompréhension voire du mépris du peuple par les élites, mépris sans doute inévitable lorsque ceux qui savent considèrent du haut de leurs connaissances ceux qui ne savent pas. Le peuple ? « Une multitude aveugle et bruyante ». « Il est à propos que le peuple soit guidé et non pas instruit. Quand la populace se mêle de raisonner, tout est perdu » « La Cour est fort attentive aux discours des Parisiens : elle les appelle les grenouilles. Que disent les grenouilles ? »</p> <p>L'enseignement dans les écoles primaires au XVIIIe est surtout assuré par des congrégations religieuses, l'enseignement est gratuit pour les familles les plus pauvres. La scolarité dure jusqu'à 14 ans mais peu d'enfants la terminent : l'analphabétisme, s'il recule au XVIIIe siècle, reste très présent. Voltaire qui plaide pour la tolérance et l'égalité est cependant opposé à l'éducation des masses populaires, craignant que les paysans ne désertent leurs terres : « Moi qui cultive la terre, je vous présente requête pour avoir des manœuvres, et non des clercs tonsurés. »</p> <p>Au terme de ce XVIIIe siècle, les philosophes des Lumières ont provoqué un formidable ébranlement des certitudes anciennes qui conduira peu à peu aux républiques et aux démocraties telles que nous les connaissons actuellement. Il s'agissait d'améliorer l'espèce humaine par l'esprit, la réflexion, puis d'installer une organisation politique qui permette la liberté de penser comme la liberté individuelle.</p> <p>Au début du XXIe siècle, des savants, des ingénieurs, des médecins, des penseurs, des homme politique, éclairés par les Lumières, ont permis que l'espérance de vie en France soit de 82 ans, plus de deux fois plus que deux siècles plus tôt. Le taux de réussite au baccalauréat varie de 80 à 90% selon les filières, mais il subsiste plus de 3 millions d'illettrés. Les femmes sont très largement libérées de la tutelle des hommes, mais avec 15% des enfants dans une famille constituée de la seule mère. Des élections sont régulièrement organisées pour désigner des représentants du peuple, mais les taux d'abstention avoisinent souvent 50%. Hormis environ 200 000 SDF, les français ont un logis et 65% d'entre eux sont propriétaires. Comme naguère l'aristocratie, les personnes les plus riches représentent quelques pourcents de la population.</p> <p>Bien que ce qui est souvent présenté comme un paradis terrestre ait été atteint surtout grâce à l'utilisation ingénieuse des combustibles fossiles, les Lumières et le bon usage de l'esprit y eurent un rôle. Dans le même temps Dieu était mort et son pire ennemi Mammon régnait en maître. La nouvelle race des seigneurs était la plus fortunée, celle qu'il convenait de suivre, il suffisait de reconnaître ce fait pour qu'une nouvelle justice quasi-divine règne.</p> <p>L'épigénétique étudie la transmission héréditaire de caractères acquis. Le sport, un régime alimentaire équilibré, un comportement favorisant la réflexion plutôt que l'agitation, permettent non seulement une plus longue vie en bonne santé à celui qui s'y plie mais aussi, partiellement, à ses descendants, grâce à une expression modifiée des gènes natifs. Il s'agit d'une voie humaniste vers des surhommes, ou du moins d'hommes doués de performances optimisées.</p> <p>Le transhumanisme change de registre pour aller vers le Surhomme, il ne s ‘agit plus d'élever l'esprit des Hommes ordinaires par la philosophie, ni de préconiser une hygiène de vie qui leur permet les meilleurs chances de bien-vivre, mais d'utiliser tous les moyens de la science et de la technologie pour augmenter, surpasser, leurs capacités naturelles. La biologie, et en particulier la technique des ciseaux moléculaires, permet d'enlever des parties indésirables du génome pour les remplacer par des morceaux choisis d'ADN. Cette technique pourrait servir à terme à produire des bébés génétiquement modifiés afin de choisir la couleur des cheveux, de leurs yeux, d'augmenter leur masse musculaire ou leur capacité intellectuelle. Ce qui est présenté par les promoteurs comme l'ultime conquête de l'espèce humaine serait d'avoir accès à l'immortalité : les Hommes deviendraient des dieux, sans délégation.</p> <p>Il est devenu possible de modifier un génome jusqu'à obtenir l'homme de son choix, il sera peut-être un jour possible de rallonger sa vie comme il semble que ce soit le cas pour des souris, mais la logique en place doit être explicitée. Il faut créer le besoin avant même qu'on soit capable de le satisfaire : le désir créé, des fonds peuvent être alors collectés pour initier des recherches ou parfaire des innovations en espérant que le génie des hommes viendra à bout des pires difficultés. En d'autres termes, le surhomme n'est pas aux mains des philosophes ou des scientifiques mais dans celles des marchands. Par delà le Bien et le Mal se trouve l'argent, pas l'amour. Et évidemment, la qualité de votre lignée synthétique obtenue grâce à la chirurgie moléculaire dépendra du talent de l'institut auquel vous la confierez : selon vos moyens financiers, vous obtiendrez avec certitude le plus performant des bambins ou le plus bancal des rejetons, si toutefois les autorités jugent acceptable que vous vous ‘reproduisiez' ! Et si la longévité de l'espèce humaine augmente qui adaptera la démographie avec les ressources disponibles ? La concurrence ? La fortune ? Un politbureau mondial ?</p> <p>Mais le pire des problèmes est la non-prise en compte de ce qu'est la vie : personne ne supporte les redites et il est plus que probable qu'on sera incapable de vivre très longtemps si on ne sait pas vivre durant un peu moins de temps. Et plus encore, serait-on capable de regarder la télévision éternellement sans briser l'appareil ?</p></div>
JE N'AIME PAS LES VIEUX
http://la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2301
http://la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article23012018-10-19T00:19:00Ztext/htmlfrPatrice PerronCela pourrait être le titre d'une chanson déjantée, mais la réalité est moins drôle et plus réaliste. Il s'agit de la mise en œuvre de la politique de Jupiter à l'encontre des retraités. Jugés beaucoup trop nombreux, ils semblent mettre en péril le budget du pays et on leur fait porter la plus grande part du chapeau de la dette. Pour ceux qui étaient déjà là à l'après-guerre, les gouvernements de l'époque avaient félicité les parents ayant donné naissance (...)
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<div class='rss_texte'><p>Cela pourrait être le titre d'une chanson déjantée, mais la réalité est moins drôle et plus réaliste. Il s'agit de la mise en œuvre de la politique de Jupiter à l'encontre des retraités. Jugés beaucoup trop nombreux, ils semblent mettre en péril le budget du pays et on leur fait porter la plus grande part du chapeau de la dette. Pour ceux qui étaient déjà là à l'après-guerre, les gouvernements de l'époque avaient félicité les parents ayant donné naissance à plein d'enfants. Le baby boom était encensé, il allait permettre à la France de se relever.</p> <p>Soixante-dix ans plus tard, le son de cloches (sans jeu de mots) n'est plus le même. Le pouvoir répète à qui veut bien le croire que les retraités ont plein d'argent, qu'ils sont trop nombreux, qu'ils coûtent cher à la Sécu et que souvent ils roulent en diesel ! Comment faire pour s'en débarrasser. Il y aurait bien le glyphosate dans le café, mais ce serait trop visible. Alors dans le Ricard ? Pourquoi pas, c'est la même couleur quand ça fait effet. Mais le gouvernement se prétend écolo même s'il soutient l'emploi de ce produit toxique (n'est-ce pas Stéphane Travert !) Alors, pour d'abord saigner les vieux, avant de les tuer discrètement, Jupiter et ses satellites ont trouvé le truc : les tuer à petit feu en les frappant méchamment au portefeuille en répétant l'opération autant que nécessaire.</p> <p>Premièrement, on les culpabilise. On fait circuler des infos dans les médias affirmant comme l'a dit un très intelligent député macronien : « les vieux ont plus de patrimoine que les jeunes actifs ». Je suis tenté de lui répondre : écoute mon garçon, encore heureux que ce soit le cas. Car si toi, un blanc-bec de 30 ans, tu avais plus de patrimoine que les vieux, c'est que tu serais né avec une cuillère d'argent dans la bouche. Ce n'est pas encore ton travail qui t'a enrichi. Mais le mal est fait.</p> <p>Deuxièmement, on monte les jeunes actifs contre eux Payés au lance-pierres et sous contrats précaires et courts, les jeunes peinent à s'installer dans la vie. En fait, Jupiter tente de monter les jeunes contre les vieux. Cela n'a pas vraiment marché car les jeunes parents qui travaillent ont besoin de leurs parents devenus certes vieux, mais aussi et surtout grands-parents. Ce sont eux qui vont se substituer à la crèche qui n'existe pas dans leur quartier, la petite commune rurale sans moyens ou qui est déjà complète depuis un an.</p> <p>Troisièmement, on attaque frontalement leurs revenus. L'augmentation de la CSG, certes touche tout le monde, mais le taux majoré spécial retraités, est un coup de poignard dans le dos du contrat social et dans celui de l'histoire. On a aimé le baby-boom, on hait le papy-boom. La République En Marche veut faire place nette. Et ce taux spécifique n'est pas anodin : le montant mensuel porte un vrai coup et un vrai coût au niveau de vie. C'est pourtant la masse des vieux qui fait tourner une bonne part de l'économie : tourisme hors saison et hors grands sites, soutien aux familles pour les vacances et la garde des petits-enfants. Il y aurait beaucoup à dire sur le sujet de l'aide apportée par les vieux au bénéfice des jeunes et de la société en général (soutien scolaire, bénévolat, vie associative). Cette attaque frontale s'apparente à un envoi d'exocets avec la volonté de faire mal.</p> <p>Quatrièmement, sous l'alibi de l'écologie, on attaque leur autonomie. Les retraités utilisant une voiture, sont encore assez nombreux. Et c'est souvent un diesel, car leur vie s'est déroulée au rythme du développement du diesel, en l'occurrence, un type de motorisation dont les marques de l'hexagone se sont faites une spécialité en améliorant sans cesse leur savoir-faire au fil des décennies. Cette attaque est d'autant plus sournoise que l'objectif visé n'est pas le moteur, mais l'autonomie des vieux. Je m'explique : un vieux sans voiture, c'est un vieux dépendant. Nous voyons tout de suite les images de ce scenario, avec : le portage de repas, les enfants qui passent voir s'il n'y a pas de problème, les conduire ici et là, pour les courses ou les rendez-vous. Et chacun sait, sans être ni médecin ni tierce-personne, qu'un vieux dépendant est un vieux presque mort. CQFD. Personne ne peut nier la pollution dont étaient responsables les anciens moteurs diesel. Ce qui n'est plus tout aussi vrai aujourd'hui puisque les moteurs actuels rejettent moins de CO2 que les moteurs à essence. Par contre, pour les particules fines, il y a problème, surtout pour les camions et les cargos. Mais là, Jupiter ne bronche pas. (Sans jeu de mots). De plus, la société Bosch vient de créer une pièce de filtration à ajouter aux nouveaux véhicules, sans surcoût. Ce qui met à mal la politique anti diesel qui se traduit à chaque fois par des mesures punitives et donc des taxes supplémentaires limitant le pouvoir d'achat et l'autonomie des vieux, et notamment les ruraux que Jupiter n'aime pas non plus.</p> <p>Cinquièmement, on désindexe les retraites, de l'inflation : C'est le coup le plus dur, pire que l'augmentation de la CSG, car cela coûte vraiment cher aux retraités et démontre bien l'intention de nuire aux vieux. C'est de la récidive intentionnelle. Au nom de la solidarité et de l'efficacité économique, Le gouvernement central a décidé que les retraites ne seront plus indexées sur l'inflation, maintenant que celle-ci repart à la hausse. C'est une méthode lâche qui ne dit pas son nom, puisque ce n'est pas une diminution en chiffres absolus, mais juste un blocage qui accroit le décalage avec le coût réel de la vie quotidienne. Toutefois, suite au mécontentement général des intéressés, le groupe parlementaire LRM annonce une proposition pour que les retraites inférieures à 1200 € bénéficient d'un taux supérieur à 0,3%, puis le gouvernement vient de proposer une compensation fiscale pour 150 000 foyers fiscaux très modestes, soient 300 000 personnes, juste pour tenter de calmer le jeu. Mais n'oublions pas qu'il y a 16 millions de retraités et que cette mesure n'est que de la poudre aux yeux.</p> <p>Sixièmement, on ne réindexe pas le taux d'intérêts des livrets d'épargne sur le taux d'inflation en train d'augmenter assez fortement. Culturellement, les retraités d'aujourd'hui ont tous eu un livret d'épargne. Nos parents ou grands-parents, nous « ouvraient » un livret d'épargne dont nous ne pourrions toucher le contenu qu'à nos 18 ans. Et tous les retraités, notamment les plus modestes possèdent toujours ce type de livret de base. Donc en martyrisant ces livrets, d'épargne libre et mobile, il est clair que Jupiter (et ses prédécesseurs) veulent assécher les vieux. Aujourd'hui les jeunes sont plus tournés vers les placements évolutifs suivant des profils personnels (pépères, dynamiques et autres) induisant plus ou moins de risques en fonction du rendement espéré. Et les banques qui soutenaient la baisse du taux d'intérêt du livret A quand l'inflation baissait, font le dos rond aujourd'hui, car ce sont elles qui profitent des placements sur ce type de support. CQFD.</p> <p>Aujourd'hui, force est de constater que le pouvoir n'aime pas les vieux. La grogne de cette catégorie sociale s'ajoute à d'autres revendications, et commence à inquiéter Jupiter. Car les élections européennes approchent et les vieux, à défaut de descendre en nombre dans la rue, pourraient donner leurs voix à d'autres partis et infliger un premier vrai revers électoral au pouvoir en place, puisque les résultats des élections sénatoriales ne sont pas très visibles du grand public. Car n'oublions pas que Jupiter n'aime ni les vieux, ni les ruraux, ni les utilisateurs de véhicules diesel. L'individu qui cumule ces trois handicaps n'a plus grand-chose à espérer de ce régime sec. (sans jeu de mots). Et mon malheur à moi, est de faire partie de cette catégorie de cumulards du handicap ! Je ne suis pas encore mort, mais déjà bien saigné !</p></div>