QUAND PHILIPPE VAL SE FAIT SON SINE
par
popularité : 1%
Il y a eu du chambard à Charlie Hebdo. Et contrairement à ce qu’écrit notre confrère Marianne (qui couvre néanmoins assez abondamment l’épisode), il s’agit d’un peu plus qu’une tempête dans un verre d’eau. Car pour beaucoup d’entre nous, Charlie est l’héritier d’une aventure qui a beaucoup fait pour la liberté de la presse dans ce pays, révélé des talents majeurs (Reiser, Wolinski, Delfeil de Ton, Copi, Cabu, Fred, Roland Topor, et on en oublie, ce n’est pas rien tout de même), insufflé une impertinence perdue depuis le temps des grands polémistes.
On connaît l’affaire : Siné commet une phrase, il est vrai maladroite, à propos du fils du président de tout. Val ne relit pas (c’est pourtant une partie de son boulot), laisse passer, personne ne dit rien jusqu’à ce que Claude Askolovitch, journaliste de notre vénérable confrère le Nouvel Observateur lève le lièvre. Val prend peur d’un procès pour antisémitisme, ça peut se comprendre, demande une excuse à Siné, qui accepte, mais décide, aussi, de faire paraître en même temps un communiqué de l’ensemble de la rédaction condamnant Siné. Le sang, qu’il a chaud, de Bob Siné ne fait qu’un tour et voilà Val envoyé paître. Pas d’excuses, donc, mais pas non plus de communiqué de l’ensemble de la rédaction : un bref texte d’une froideur digne d’un bureau politique des temps anciens sera signé des seuls Val, Bernard Maris et Charb : Siné est congédié.
Phrase maladroite, erreur (encore que Gisèle Halimi, retrouvant sa robe d’avocate spécialisée dans le droit de la presse ne trouve rien à y redire), non relecture, erreur, sanction pour l’un, rien pour l’autre. Comme dit un des rédacteurs de Charlie, il y a un problème avec Val.
On connaît les qualités de Philippe Val, qui fut avec Patrick Font un amuseur de talent, qui est impeccable pour ce qui touche à la laïcité, parfois inspiré dans ses chroniques. On connaît aussi ses défauts : parfois pontifiant (de plus en plus selon certains, dommage collatéral de la notoriété ?), appelant à la rescousse de ses réflexions, pour un oui pour un non, les grands noms de la philosophie (ah, la culture qu’on étale), dogmatique voire sectaire à l’occasion (rappelons le titre de son recueil publié lors du referendum européen de 2005 : Le Referendum des lâches, belle façon de respecter celles et ceux qui n’étaient pas d’accord avec son soutien au Oui).
En virant Siné, Val se met dans un mauvais cas. Oui, Siné ne fait jamais dans la dentelle. Mais il est, depuis plus d’un demi siècle, de tous les combats pour la liberté. Oui, Siné est un libertaire, mais ceux qui ont pu l’approcher connaissent sa profonde générosité. Et puis, entre nous, quelqu’un qui aime le bon vin, le bon rhum, le jazz, tout le jazz et les salsas, toutes les salsas peut-il être fondamentalement mauvais ?
Il ne manquait dans cette affaire que l’immanquable intervention de Bernard-Henri Lévy. C’est chose faite, dans les colonnes de notre confrère « de référence » Le Monde en date du 23 juillet. Bardé de références historiques respectables, mais comme d’habitude ampoulé et pédant, l’article de BHL va jusqu’à faire un parallèle entre Siné et Dieudonné et Le Pen. Un peu grosse, la ficelle, la corde plutôt. L’amateur de gégène à Alger et le partisan de l’indépendance sur le même plan : tu manques de rhum, Bernard-Henry
Commentaires