MEMOIRE EN DEFENSE DE JEAN-LUC MELENCHON (qui n’en a pas vraiment besoin, mais bon)
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Possible, et peut-être probable, mais ne présumons de rien, candidat du Front de Gauche à l’élection présidentielle de 2012, Jean-Luc Mélenchon est la cible d’attaques médiatiques et politiques d’une très remarquable diversité et d’intensités variables.
On peut, grosso modo, les classer en quatre catégories. La première est l’assimilation au Front National, qui semble avoir été le miel de certains membres, éminents, du Parti Socialiste (l’inévitable Manuel Valls, toujours prêt à tirer des balles dans le pied de la gauche en général, pourvu qu’on cause de lui, le président régional Jean-Paul Huchon, et quelques autres encore), sans oublier la caricature de Plantu dans le monde, assimilant clairement Mélenchon à Marine Le Pen. La seconde est l’accent mis sur les colères de Mélenchon, et notamment ses coups de gueule envers les journalistes. Si vous consultez le moteur de recherche internet le plus fréquenté, vous constaterez que ce sujet remplit la quasi-totalité des premières pages référencées qui lui sont consacrées. Les plus hargneux, sans surprise, sont les journalistes eux-mêmes. La troisième est le l’antienne bien connue du « vote utile » : la candidature de Jean-Luc Mélenchon serait susceptible de faire perdre la gauche. Là encore, plusieurs dirigeants socialistes reprennent ce refrain, brandissant le spectre de 2002 et la calembredaine qui consiste à imputer à la multiplication des candidatures à gauche l’échec de Lionel Jospin. Calembredaine ? Oui da. Si Jospin, avec son « programme qui n’(était) pas socialiste a perdu, n’est-ce pas justement parce que son programme n’était pas socialiste (ajoutons-y une campagne calamiteuse et le compte y est) ? Les attaques à répétition de Jean-Luc Mélenchon sur une éventuelle candidature de Dominique Strauss-Kahn hérissent, on les comprend, ses partisans. Et il faut les trésors de casuistique du journaliste Hervé Gattegno pour expliquer que par ses outrances mêmes, Mélenchon favorise l’hypothèse Strauss-Kahn : elles permettront au Parti Socialiste, par une sorte d’effet boomerang, de faire le bon choix (selon Gattegno), c’est-à-dire l’accompagnement du capitalisme (inévitable), la mondialisation (inéluctable) et la continuation de l’Europe du traité de Lisbonne (si raisonnable). La quatrième catégorie est la plus fréquente, et en même temps la plus ténue : les propositions du candidat Mélenchon sont d’une part, ringardes, et d’autre part irréalistes, une part n’empêchant pas l’autre, bien au contraire. Pourquoi pas, à condition de le démontrer. Mais aucun analyste politique ne s’y est risqué. Le meilleur, dans ce genre de numéro, est l’inépuisable Alain Duhamel (une quarantaine d’années d’éditorialiste politique sans jamais avoir produit une seule idée originale, voilà qui mérite, au moins, l’inscription au Guinness des records). Son regard, évidemment négatif, sur les propositions de Mélenchon tient ces deux adjectifs : ringard et irréaliste. Il se garde bien entendu de citer une seule de ces propositions et d’en démonter la ringardise et l’irréalisme. On le comprend : l’exercice n’est pas facile.
Concrètement, aucune des quatre catégories précédentes ne prend en compte le corpus d’idées proposé par Jean-Luc Mélenchon. Ou alors à la marge : pas assez anti-chinois (mais qui d’autre, hors le Front de Gauche, propose un protectionnisme raisonné contre les importations jouant sur les dumpings sociaux ? Ah, si, soyons justes, la gauche du PS s’y met aussi. Mais pas les strauss-kahniens). Trop Chavezien ? Il y lieu de distinguer, dans la politique d’Hugo Chavez certaines libertés prises avec les usages démocratiques habituels, que nous trouvons parfois, comme on dit en franglais borderline, et les initiatives qui ont permis de libérer le Venezuela de l’emprise nord-américaine. Il est de bon ton, dans la grande majorité de la presse française, de casser du sucre sur Hugo Chavez, de dénoncer la corruption qui existe (il n’y en avait donc pas quand le Venezuela était pratiquement sous protectorat économico-politique des Etats-Unis ?) de souligner des résultats économiques qui seraient calamiteux (ils étaient si pharamineux avant Chavez ? Ah, si, pour les multinationales implantées dans le pays). Anti-européen ? La bonne blague. Mélenchon demande une chose : rétablir la volonté populaire exprimée par 55% des français lors du referendum sur le projet de traité constitutionnel européen, et détournée par l’adoption par le Parlement, avec l’active complicité d’une majorité des parlementaires socialistes, de sa copie quasi conforme, le traité de Lisbonne. L’Europe, oui, mais pas celle de la concurrence libre et non faussée, autre calembredaine. Anti-PS ? La belle histoire. Anti socio libéral, oui. D’où la critique, certes au bazooka, de Dominique Strauss-Kahn ou Pascal Lamy, figures mondialisées de ce social libéralisme incapable de contenir les folles embardées du libéralisme financier. Démagogue avec la limitation des hauts salaires ? Rendez-vous compte : nos meilleurs managers vont quitter le pays. A un journaliste qui lui demandait ce qu’il avait à dire à ce sujet, Mélenchon a répondu « Bon voyage ». Aucun talent ne justifie les rémunérations faramineuses que se réserve une minorité très agissante, certes, mais davantage pour ses privilèges que pour le développement et l’emploi. Et puis est-on sur que ces « grands managers » ont tous du talent, en un temps ou les héritiers, les « nés coiffés » sont de plus en plus au commandes des grandes entreprises françaises ?
Qu’on ne s’y méprenne pas : Mélenchon n’est pas parfait (qui l’est ?). On peut être agaçé par certaines saillies pas toujours bienvenues, on peut contester certains de ses arguments (mais s’il vous plait, sur le fond). On peut préférer d’autres options politiques, c’est le jeu démocratique. Chez les amis du Cactus, certains font ou ont fait ou feront un bout de chemin, ou plus, avec Mélenchon, d’autres pas (mais tous reconnaissent son humour ravageur, et ça, c’est un bon point au Cactus). Mais faisons l’effort intellectuel de ne pas s’arrêter aux visions caricaturales, même si le personnage s’y prête parfois
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